Éthique et culture religieuse - position du MLQ

ECR - Éthique et culture religieuse

(Ce texte a paru dans le numéro 7, automne 2006, de Cité laïque, revue
humaniste du Mouvement laïque québécois. Auteurs: Réjean Couture, Henri
Laberge, Marie-Michelle Poisson)
Le Mouvement laïque québécois se dit profondément en désaccord avec le
nouveau programme d'Éthique et culture religieuse. Invité à soumettre son
avis par le Comité des affaires religieuses, il estime la composante «
culture religieuse » confondante et conflictuelle.
Comme vous le savez sans doute maintenant, un nouveau programme appelé
Éthique et culture religieuse (ÉCR) sera implanté dans l'ensemble du réseau
scolaire québécois à partir du 1er septembre 2008.
Le Mouvement laïque québécois a été invité par le Comité des affaires
religieuses, à titre de groupe intéressé aux questions religieuses, à
émettre un avis sur la conformité du programme ÉCR avec les orientations
ministérielles annoncées au printemps 2005 quant à la composante de culture
religieuse présente dans les nouveaux programmes.
Un comité spécial dirigé par Henri Laberge, auquel se sont joints Réjean
Couture et Marie-Michelle Poisson, s'est chargé de produire un avis qui se
veut représentatif de l'opinion des membres du MLQ sur ces questions. Voici
les grandes lignes de la position des membres de ce comité sur la présence
de la composante de culture religieuse dans ces nouveaux programmes.
Les énoncés en caractères gras (g) sont tirés du questionnaire de
consultation qui avait été soumis à notre comité.
***
Le programme ÉCR permet de faire des apprentissages enracinés dans la
réalité du jeune.

Nous sommes en désaccord avec cet énoncé.
Nous considérons que la place donnée aux phénomènes religieux dans ces
nouveaux programmes est disproportionnée en regard de la place réelle
accordée aux pratiques religieuses dans les familles québécoises actuelles.
De plus, les enfants du primaire sont certainement incapables de bien
cerner la réalité trop multiple et variable des croyances et pratiques
religieuses. Nous craignons qu'un univers religieux aussi complexe ne
contribue à les perturber dans leur perception de la réalité.
Le programme ÉCR permet de faire des apprentissages enracinés dans la
culture québécoise.

Nous sommes en désaccord avec cet énoncé.
La culture québécoise est en perpétuelle évolution et ce serait une erreur
de confondre la culture actuelle avec les traditions du passé.
Le programme ÉCR respecte la liberté de conscience et de religion des
élèves.

Nous sommes en désaccord avec cet énoncé.
C'est dans l'application de ce nouveau programme que les problèmes vont se
manifester. Un enfant ne désire peut-être pas être identifié à la religion
normalement majoritaire dans le groupe ethnoculturel auquel il est censé
appartenir. Une insistance trop grande sur les différences pourrait être
difficile à supporter pour certains enfants qui chercheraient, au
contraire, à s'intégrer au groupe majoritaire. En insistant sur les
différences religieuses, on crée une situation qui risque d'obliger
certains élèves, qui ne désirent pas aborder le sujet publiquement en
classe, à subir un genre de « outing » forcé au sujet des croyances
religieuses de leurs parents, un peu comme un jeune qu'on obligerait à
révéler son orientation sexuelle malgré lui. De plus, la manière d'aborder
telle ou telle religion risque de susciter des conflits à l'école entre
l'élève qui ne partage pas cette vision et son professeur ou entre élèves
qui ne partagent pas la même vision. Dans les familles, la vision proposée
à l'école par le professeur peut entrer en contradiction avec la vision
prônée par les parents. Dans ce cas, les tensions peuvent être très
difficiles à vivre pour un enfant, qui sera déchiré entre l'école et sa
famille sur ces questions. De telles problématiques ne pourront pas être
assumées par les enfants qui ne sont pas encore assez mûrs pour arriver à
faire la part des choses.
Le programme ÉCR respecte la liberté de conscience et de religion des
enseignantes et des enseignants.

Nous sommes plutôt en désaccord avec cet énoncé.
Nous avons de sérieux doutes quant à la capacité de l'enseignant de
demeurer complètement neutre sur ces questions. Ou bien le professeur
acceptera mal de présenter ses croyances personnelles au même titre que les
autres croyances ou bien un professeur agnostique aura du mal à traiter
sérieusement et respectueusement de questions qui, somme toute, n'auront
que très peu de sens ou de valeur pour lui. Dans tous les cas, les
professeurs seront exposés aux critiques des parents, croyants ou athées,
qui seront insatisfaits du traitement accordé aux questions religieuses.
Nous estimons que l'enseignement de la culture religieuse est un terrain
miné pour les enseignants et les enseignantes.
Le programme ÉCR favorise le vivre-ensemble.
Nous sommes en désaccord avec cet énoncé.
À travers l'histoire, il est facile de trouver des exemples où les
religions ont plutôt été un facteur qui a empêché le vivre-ensemble. Nous
sommes quelque peu sceptiques envers cet a priori qui veut que l'étude des
différentes cultures religieuses soit une source d'inspiration pour des
pratiques sociales empreintes de tolérance... Pour arriver à un tel
résultat, il faudra omettre de parler des aspects plus sombres des cultures
religieuses, ce qui est loin d'être une manière objective et neutre de
parler des religions. De manière plus générale, il nous semble que ce
nouveau programme insiste trop pour que soient mises en évidences les
différences culturelles et religieuses, alors que l'éducation au
vivre-ensemble nécessiterait, au contraire, que l'accent soit mis sur nos
ressemblances en tant qu'êtres humains. En ce sens, ce ne sont pas des
éléments de cultures religieuses qui favorisent le vivre-ensemble mais
plutôt une insistance sur les principes universels et fondamentaux de
l'éthique.
Le programme ÉCR permet de se familiariser avec l'héritage religieux du
Québec.

Nous sommes plutôt d'accord avec cet énoncé.
Il est difficile de répondre négativement à cette question. Mais
l'héritage religieux n'a plus de place dans le quotidien du Québec
d'aujourd'hui et en parler à tous les niveaux, du début du primaire à la
fin du secondaire, c'est certainement lui accorder trop de place en regard
des pratiques actuelles. Cela entre même en contradiction avec la volonté
actuelle d'adopter une approche laïque dans nos institutions civiques et
publiques. Nous citons ici en exemple le tout récent jugement rendu par la
Commission québécoise des droits de la personne qui oblige la ville de
Laval, au nom de la liberté de conscience des citoyens, à renoncer à la
traditionnelle prière qui se récitait avant chaque séance du conseil depuis
la création de la municipalité. Cependant, nous ne négligeons pas
l'importance à accorder à cet héritage, qui serait certainement mieux
traité dans le contexte d'un cours d'histoire ou d'un cours optionnel
consacré à la culture religieuse qui serait offert en 4e ou 5e
secondaires.
Le programme ÉCR permet l'ouverture à la diversité religieuse par la
découverte (au primaire) et l'analyse (au secondaire) des principales
caractéristiques de différentes traditions religieuses et de ce qu'elles
ont en commun.

Nous sommes plutôt en désaccord avec cet énoncé.
Ce programme insiste tellement sur la diversité religieuse qu'on se
demande où est la cohérence et comment des éléments communs pourront
éventuellement être proposés dans le domaine religieux. L'enfant n'est pas
en mesure d'avoir assez de maturité intellectuelle pour se repérer dans
cette diversité et, par conséquent, ne pourra pas assumer la multiplicité
des valeurs religieuses qui pourront lui apparaître contradictoires et
irréconciliables. La prise en compte de la diversité religieuse, tout en
donnant la priorité et la prépondérance à certaines religions, pourra
susciter l'envie de fervents militants de religions plus marginales ou
établies depuis moins longtemps en Amérique du Nord. Se sentant écartés de
certains privilèges, ils vont ouvertement réclamer plus de place dans les
programmes et tenteront de ramener leurs préoccupations particulières au
centre de tous les débats.
Le programme ÉCR permet de se situer de façon réfléchie au regard des
religions et des nouveaux mouvements religieux.

Nous sommes en désaccord avec cet énoncé.
La distinction entre « religions » et « nouveaux mouvements religieux »
sera inévitablement source de conflit, dans certaines écoles, entre les
parents, les professeurs et la direction. Encore une fois, les enfants
risquent d'être perturbés, si un climat de querelle existe entre leur
famille et l'institution. De surcroît, les enfants du primaire ne sont
certainement pas assez mûrs intellectuellement pour entreprendre de telles
réflexions.
Le programme ÉCR permet de prendre en compte les représentations du
monde et de l'être humain qui sont d'un autre ordre que religieux
(représentations séculières).

Le MLQ est absolument en désaccord avec cet énoncé.
Nous n'avons pas retrouvé, dans les attentes de fin de cycle, d'éléments
qui rendent compte nommément des « représentations séculières » et nous le
déplorons, car ce sont ces représentations, essentiellement scientifiques
et philosophiques, qui permettent de prendre un réel recul par rapport aux
diverses conceptions religieuses. Une telle lacune est d'autant plus
déplorable que ces représentations dites « séculières » représentent les
principaux acquis de la modernité !
Le programme ÉCR permet la reconnaissance de l'autre et le
développement d'attitudes appropriées à l'égard de la diversité religieuse
(respect, tolérance, ouverture au dialogue).

Le MLQ est en désaccord avec cet énoncé.
Les religions n'ont pas toujours été des exemples de respect, de tolérance
et d'ouverture au dialogue envers les autres religions ou envers les
athées. Les mouvements oecuménistes se sont d'ailleurs souvent présentés
comme des fronts communs très actifs opposés à la laïcisation des
institutions publiques. Laïcité des institutions qui, nous tenons à le
rappeler, est une réelle garantie de respect, de tolérance et d'ouverture
au dialogue pour tous les citoyens.
Le programme ÉCR permet la reconnaissance des personnes qui
interprètent la réalité autrement qu'à travers le prisme des religions.

Nous sommes totalement en désaccord avec cet énoncé.
Jamais des termes comme athéisme, agnosticisme ou laïcité ne sont
mentionnés dans les programmes et pourtant, ce sont précisément ces
approches qui, par définition, cherchent à « interpréter la réalité
autrement qu'à travers le prisme des religions » !
La compétence manifester une compréhension éclairée du phénomène
religieux satisfait aux visées des orientations ministérielles.

Nous demeurons perplexes devant cet énoncé.
Comme les approches scientifiques et philosophiques ne semblent pas avoir
beaucoup de place dans ce programme, nous ne savons pas à quoi le terme «
éclairée » pourrait vouloir faire référence...
La compétence pratiquer le dialogue dans la perspective du
vivre-ensemble satisfait aux visées des orientations ministérielles.

Nous sommes tout à fait d'accord avec cet énoncé.
Cette nouvelle compétence que nous voyons apparaître dans la dernière
version du programme nous semble, et de loin, la plus prometteuse, car elle
est en accord avec les idéaux démocratiques de la société québécoise
actuelle.
Le programme ÉCR devrait susciter des réactions positives chez les
divers groupes religieux.

Nous sommes en total désaccord avec cet énoncé.
Nous craignons que la composante culture religieuse ne crée d'innombrables
controverses alors que les composantes d'éthique et d'aptitude au dialogue
seront beaucoup mieux acceptées par l'ensemble de la population. Il serait
fort dommage que les nouveaux programmes soient discrédités sur la place
publique, à cause d'une seule de ses trois compétences et c'est
pourquoi...
En conclusion
Nous souhaitons que disparaisse la composante de culture religieuse des
programmes du primaire et du secondaire, car cette partie de la matière
risque de générer de nombreux conflits et ne correspond certainement pas au
niveau de maturité des enfants et des adolescents.
De plus, la composante de culture religieuse, lorsqu'elle est jointe à la
composante d'éthique, est extrêmement problématique, car elle crée des
conditions propices à la perpétuation de la confusion indue entre les
principes de l'éthique fondamentale et certaines prescriptions religieuses.
Les fondements philosophiques universels du droit ne peuvent être présentés
comme des équivalents aux dogmes religieux, et c'est malheureusement
l'amalgame qui peut facilement se produire lorsque l'éthique et la culture
religieuse sont enseignées dans un seul et même programme.
Nous pensons que des cours d'éthique et aptitude au dialogue tout au long
du primaire et du secondaire seraient suffisants pour assurer l'instruction
commune des jeunes. Des cours de culture religieuse pourraient cependant
être offerts comme cours à option en 4e et 5e secondaires lorsque les
jeunes ont la maturité suffisante pour assumer un tel apprentissage et
mener les réflexions importantes qui en découlent nécessairement.
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