Cinquante-huit pour cent des Québécois estiment que le débat sur la souveraineté est dépassé. À peine 14% croient que le Québec sera souverain dans 30 ans. C'est ce que nous dit un sondage CROP réalisé pour le compte du réseau L'Idée fédérale. Ces chiffres sont clairs. C'est fini.
Est-ce qu'on est étonnés? Depuis des années, tous les sondages et tous les résultats électoraux vont dans ce sens. Tout le monde sait bien que c'est fini. Les souverainistes le savent, mais font semblant de continuer le combat. Les fédéralistes militants le savent, mais n'osent pas baisser les bras, de crainte d'une improbable résurgence, et parce que la menace souverainiste les arrange. Et la grande majorité des gens s'en balancent.
Je ne suis évidemment pas étonné. J'ai écrit une longue série d'éditoriaux, il y a dizaine d'années, qui reposaient sur l'idée que le projet souverainiste était sans issue et qu'il fallait passer à autre chose. J'ai écrit un essai là-dessus il y a trois ans, À mes amis souverainistes, où je leur demandais ce que l'on fait quand on sait que ça n'arrivera pas.
La réalité que décrivent ces chiffres est trop implacable. Quand à peine 24% des gens se disent souverainistes, l'objectif devient inatteignable. Quand 78% des Québécois se définissent, dans des proportions variables, comme Québécois et Canadiens, on voit que la question identitaire ne mène pas spontanément à vouloir la rupture. Le courant dominant au Québec, c'est maintenant le «ninisme», les 47% de Québécois qui ne sont ni fédéralistes, ni souverainistes ou quelque part entre les deux.
Les souverainistes ont toujours cru que leur principal ennemi était la peur, la crainte des Québécois de faire le grand saut. Mais leur véritable défi, c'est de combattre un ennemi encore plus redoutable: l'indifférence.
Par contre, on sait aussi que cet échec du projet souverainiste n'a pas mené pour autant à une victoire du fédéralisme. On a plutôt assisté à une implosion de la souveraineté, qui a perdu sa pertinence. Le statu quo fédéral a gagné par défaut. Et les Québécois, surtout francophones, ressentent toujours un malaise dans la fédération.
L'important, c'est de savoir ce que nous devrions faire maintenant. Le Québec est dans une impasse, prisonnier d'un cadre politique défini il y a une quarantaine d'années qui ne correspond plus aux besoins et aux préoccupations des Québécois. Il y a un décalage entre l'univers politique et le réel, qui est un important facteur de paralysie et de désaffection.
Comment s'en sort-on? Il y a plusieurs pistes. La première, c'est accepter que la réalité soit imparfaite. Accepter, ce n'est pas se résigner. C'est prendre acte du fait qu'une fédération binationale sera toujours bancale, qu'une minorité vivra toujours un certain inconfort, peu importe son statut, et qu'il y a d'autres solutions que la quête un peu naïve d'absolu.
On peut, comme le fait L'Idée fédérale, raffiner la réflexion sur le fédéralisme. Il faut aussi pousser les souverainistes à prendre acte de cette réalité et à délaisser leur option. Parce que leurs stratégies de contournement, pour compenser le vide laissé par l'abandon d'un rendez-vous référendaire, comme gratter le bobo identitaire ou vouloir multiplier les affrontements avec Ottawa, ont quelque chose de débilitant.
Je crois aussi qu'il faut travailler à partir du nationalisme québécois, en espérant que l'on puisse redéployer cette énergie créatrice vers d'autres débats que les enjeux de nature constitutionnelle, pour susciter une ferveur dans la réussite similaire à celle de la Révolution tranquille.
Et si on ne fait rien? La perspective n'a rien de jojo. C'est le pire des deux mondes. Dans 30 ans, les Québécois n'auront pas réalisé la souveraineté, mais ils en parleront encore!
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