Et s'ils étaient davantage "nous" que nous-mêmes?

Cette semaine, un étudiant iranien né là-bas m'a même affirmé que le DGE fédéral était tombé sur la tête.

Tribune libre - 2007

Lorsque je suis arrivé, à titre d'enseignant, dans un cégep des
Basses-Laurentides en 1994, j'avais été étonné du nombre d'étudiants
portant des noms à consonance non française. Bien entendu, on n'en trouve
pas autant qu'à Montréal, loin de là, mais le phénomène s'est étendu avec
les années. Au début, beaucoup d'entre eux étaient nés à l'étranger;
maintenant, nous en sommes, le plus souvent, à la génération née au Québec,
dont les noms composés sont en passe de devenir majoritaires. Chose
remarquable, je n'ai jamais entendu parler, encore moins été témoin,
d'incidents dignes de mention où l'on aurait évoqué l'origine, la couleur,
la religion ou les coutumes de ces étudiants. Des broutilles, oui, à
l'occasion. Par ailleurs, rares sont ceux qui comprennent la langue
correspondant à l'origine de leurs parents et encore plus rares ceux qui la
parlent. La plupart, si d'aventure on leur demande leur nationalité, vous
répondront «Québécois», pas «Canadiens».
Bien que collées sur Laval et Montréal, où travaillent la majorité des
résidants, les Basses-Laurentides peuvent cependant être considérées comme
une région au même titre, par exemple, que l'Estrie, même si de nombreux
habitants proviennent en fait de l'île de Montréal. En général, on n'aime
pas tellement se rendre "en ville", on se distrait et on achète de
préférence dans les environs. On aurait alors pu croire que l'intégration,
même facilitée, en principe, par l'écrasante majorité de Québécois
d'origine, aurait rencontré davantage de difficultés à cause des
différences plus évidentes que dans le patchwork montréalais. Apparemment,
il n'en est en général rien.
Ces dernières années, nous avons remarqué une présence plus forte, chez
ces nouveaux Québécois, de musulmans. Forcément, j'ai cru que
l'effervescence à propos des accommodements raisonnables dans les médias
aurait des rebondissements jusque chez nous. On ne peut préjuger de
l'avenir, mais lorsque j'aborde la question avec surtout les principales
intéressées, presque invariablement elles s'étonnent: «Heille, on n'est pas
en Arabie (en Iraq, en Iran) icitte! Si tu penses que j'accepterais de
porter un voile ou même un foulard! Vous devriez pas écouter ceux qui
disent qu'on veut ça, c'est des malades, qu'ils retournent donc chez eux!»
«Pis je mangerai halal si ça me chante; de toute façon, beaucoup de choses
que tout le monde achète, même les catholiques, est déjà halal ou kasher
parce que les multinationales de l'alimentation ne veulent pas manquer le
bateau. Fou braque!»
Cette semaine, un étudiant iranien né là-bas m'a même affirmé que le DGE
fédéral était tombé sur la tête. «On dirait que les Canadiens et les
Québécois se sentent toujours obligés de nous faire plaisir, même lorsque
nous n'avons rien demandé.» Puis, avec un sourire malicieux, il me demande
pourquoi nous nous comportons comme si nous avions toujours quelque chose à
nous faire pardonner. «Savez-vous, ajoute-t-il en éclatant de rire, si ça
continue comme ça, moi, je déménage à Hérouxville! Eux-autres, ils ne
parlent pas aussi bien que votre monsieur Bouchard, mais, au moins, ils
savent qu'ils sont chez eux et tiennent à le rester. Ils ont quand même
charrié un peu au début, mais je pense qu'ils le savaient, ça les amuse
d'écoeurer les journalistes!»
Cette dernière réponse a levé mes doutes: le problème, ce n'est pas eux,
c'est nous!
Si le Québec ne comptait pas qu'un seul grand pôle économique,
probablement aurions-nous économisé notre salive depuis une quinzaine de
jours, mais c'est une autre histoire.
Raymond Poulin
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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