Et il faudrait être fier?

Les fédéralistes commencent à s'inquiéter

Il était touchant d’entendre le premier ministre Couillard clamer toute la fierté que lui inspire cette grande réalisation québécoise qu’est la Série C de Bombardier. On souhaiterait simplement que cet élan identitaire déborde le secteur aéronautique.

Tout le monde reconnaît les grandes qualités techniques de cet appareil, qui font honneur à notre savoir-faire, même s’il est permis de s’interroger sur sa capacité à s’imposer dans un marché dominé par les géants américain, européen et bientôt chinois, qui feront tout pour éliminer ce concurrent aux reins infiniment moins solides, dont la survie dépend largement de l’aide de l’État.

Soit, il fallait se porter au secours de Bombardier, dont la contribution à l’économie québécoise est inestimable, mais cela ne dispense pas M. Couillard de tirer le meilleur parti possible des fonds publics que son gouvernement a engagés dans cette aventure.

On comprend très bien que Bombardier ait dû faire un prix d’ami à Air Canada. Pour asseoir la crédibilité du nouvel avion, il était impératif qu’un transporteur prestigieux en fasse l’acquisition. Cela ne justifie cependant pas de dégager Air Canada de toute obligation envers les 1800 ex-employés québécois d’Aveos, dont les emplois ont été déménagés à Singapour, Hong Kong ou Tel-Aviv, en retour d’un hypothétique centre d’entretien qui entrera en activité seulement en 2025.

« Un litige devant les tribunaux, ça ne crée pas d’emplois », répète à satiété M. Couillard, mais qui sait ce que la Cour suprême pourrait ordonner à Air Canada ? Chose certaine, une autre défaite l’aurait au moins incité à prendre ses engagements plus au sérieux. S’il n’a pas tenu ceux qu’il avait pris lors de sa privatisation, pourquoi le ferait-il dans ce cas-ci ? Non seulement ce largage des ex-employés d’Aveos est moralement indéfendable, mais le gouvernement envoie au surplus le signal qu’on peut manquer impunément à un engagement, même s’il est enchâssé dans une loi, pour peu qu’on en prenne un autre, si vague soit-il. Et il faudrait être fier ?


M. Couillard s’est indigné quand Pierre Karl Péladeau s’est interrogé sur la crédibilité qu’on peut accorder aux nouvelles promesses d’Air Canada. « Est-ce qu’on pourrait parler avec un peu de respect de nos partenaires d’affaires ? » a-t-il lancé. Encore faut-il que ce respect soit mérité.

Le premier ministre a une conception passablement souple de ce qui constitue un engagement. Par exemple, il ne voit pas de contradiction entre la suppression de 400 emplois au siège social d’Alcan depuis 2009 et ce qui avait été convenu lors de son acquisition par Rio Tinto. L’entente ne faisait pas référence à un quelconque plancher d’emplois, mais plutôt à un maintien d’activités, a-t-il expliqué à l’Assemblée nationale jeudi. « Un concept, si on peut dire, qualitatif. »

Si l’engagement concernant le centre d’entretien de la Série C a le même caractère « qualitatif » que celui qu’avait pris Rio Tinto, il y a de quoi être sceptique. Les dirigeants de Lowe’s, qui ont promis de maintenir le siège social de Rona à Boucherville, ont certainement pris bonne note des considérations sémantiques du premier ministre.

On ne peut certainement pas reprocher à Air Canada d’avoir bien joué ses cartes, mais pourquoi le gouvernement Couillard s’est-il laissé rouler dans la farine aussi grossièrement ?

Depuis le début, le dossier Bombardier constitue un véritable boulet. À tel point que le premier ministre a préféré le laisser à Jacques Daoust plutôt que d’hypothéquer sa nouvelle vedette économique, Dominique Anglade. S’il avait fallu qu’Air Canada fasse mine de tergiverser et que Bombardier encaisse 1,3 milliard de fonds publics sans qu’un seul nouvel avion ait été vendu, alors que les ravages de l’austérité deviennent chaque jour plus apparents, le tollé aurait été général.
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