Et ça s'appelle la «Chambre haute»

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Quand les fédéralistes entreprennent de faire du « Canada bashing »


Lorsqu'il est devenu, en 2009, le plus jeune sénateur de l'histoire du Canada, à 34 ans, on se demandait bien ce qui pouvait valoir à Patrick Brazeau une telle nomination, outre, bien sûr, le fait d'être un ami d'un proche conseiller du premier ministre Harper.
On pouvait évidemment saluer la nomination au Sénat d'un autochtone, mais les listes soumises au premier ministre comportaient sans doute le nom d'autres candidats sénateurs issus des Premières Nations plus méritoires et dont la feuille de route était plus longue et impressionnante que celle de Patrick Brazeau.
Près de quatre ans plus tard, le parcours lamentable de M. Brazeau à Ottawa ne convaincra personne que M. Harper a eu raison de l'élever au rang d'honorable de la Chambre haute.
Évidemment, M. Harper ne peut être tenu responsable des écarts de conduite de son jeune sénateur, mais une simple vérification aurait permis de découvrir que certains de ses problèmes étaient antérieurs à sa nomination.
Et puis, je repose la question: qu'avait accompli M. Brazeau, à 34 ans, de si extraordinaire pour mériter l'honneur de se retrouver honorable sénateur, un poste qui lui garantissait 41 ans de généreuse rémunération (jusqu'à 75 ans), en plus d'une plantureuse pension?
À force de nommer n'importe qui au Sénat, M. Harper ne fait pas que ridiculiser cette institution qu'il dit vouloir réformer, il s'attire aussi des problèmes.
M. Harper donne aussi de nouveaux arguments aux gens qui souhaitent l'abolition pure et simple du Sénat, une institution archaïque dont le besoin est douteux, dernier repaire des planqués, qui fonctionne sous des codes et des règles d'une autre époque et qui permet à des non-élus de mener grand train sans avoir de comptes à rendre. Le Sénat, c'est la planque ultime.
Par dérision, certains néo-démocrates et libéraux à Ottawa disent que c'est précisément ce que cherche M. Harper: ridiculiser cette institution pour miner ce qu'il lui reste d'honorable.
Si tel est le plan, la nomination de Patrick Brazeau y aura puissamment contribué.
Ce qu'on retient du sénateur Brazeau, après quatre ans au Sénat, c'est qu'il détient le record d'absentéisme, qu'il fait l'objet d'une enquête pour des réclamations d'allocations douteuses, qu'il s'est fait taper sur les doigts par Revenu Québec parce qu'il ne payait pas la pension alimentaire de son fils, qu'il s'est fait poursuivre pour harcèlement sexuel (à l'époque où il était chef national du Congrès des peuples autochtones), qu'il a traité une collègue journaliste de salope parce qu'elle avait écrit sur son manque d'assiduité.
Ah oui, on se souvient aussi que «Brazman» s'est fait battre par Justin Trudeau dans un combat de boxe, l'an dernier. Et qu'il avait passé des commentaires méprisants à l'endroit de la chef Theresa Spence, qui faisait un jeûne pour protester contre les politiques du gouvernement Harper.
Si les accusations pesant contre l'honorable Patrick Brazeau n'étaient pas si graves, je dirais que ce personnage est un clown et que sa nomination au Sénat allait de soi puisque la Chambre haute est devenue, plus que jamais sous Stephen Harper, un véritable cirque.
Mais les accusations sont graves et elles laissent croire, à première vue, que M. Brazeau a de graves problèmes. De toute évidence, ça ne tourne pas rond dans la tête du jeune sénateur.
Je m'abstiendrai donc de faire de l'humour avec cette situation qui n'a rien de drôle. Au contraire, elle est même révoltante à plusieurs titres.
Il est révoltant, au premier chef, qu'un personnage comme Patrick Brazeau ait été nommé au Sénat à 34 ans avec une feuille de route aussi mince.
Il est révoltant aussi que le premier ministre n'ait pas sévi (à part lui demander de s'excuser) lorsqu'il a traité une journaliste de salope sur Twitter. Pas plus sur le fond, d'ailleurs, c'est-à-dire ses absences répétées.
Il est révoltant aussi de penser que Patrick Brazeau, même expulsé du caucus conservateur, siégera comme indépendant (de toute façon, ça ne changera pas grand-chose puisqu'il n'est pas très souvent présent au Sénat!) et qu'il touchera, jusqu'à preuve du contraire, son salaire de quelque 132 000$, une situation embarrassante pour une institution qui compte déjà son lot de détracteurs
Il y a deux ans, l'ex-sénateur libéral Raymond Lavigne, reconnu coupable de fraude, avait démissionné (après des mois de suspension avec salaire) le jour où ses pairs devaient voter pour le destituer, ce qui lui a permis de conserver sa pension.
M. Harper promet depuis des années de réformer le Sénat. En attendant, il se sert de certains sénateurs comme porte-parole non élus, comme Pierre-Hugues Boisvenu, bien utile aussi pour traduire ce que les ministres unilingues anglos sont incapables de dire en français. Ou de cheerleaders, comme l'ancien animateur Mike Duffy, toujours prêt à bien faire paraître son maître dans des rencontres scénarisées avec des citoyens. M. Duffy, lui aussi visé par une enquête pour réclamations douteuses, a suggéré à ses anciens collègues journalistes de la colline parlementaire de s'«occuper de choses sérieuses» lorsqu'ils ont posé des questions sur ses allocations contestées.
Minoritaire, M. Harper disait que les partis de l'opposition l'empêchaient de réformer le Sénat, mais majoritaire, il a remis la suite des choses entre les mains de la Cour suprême.
À ce rythme-là, M. Harper n'aura pas besoin de réformer le Sénat, celui-ci va s'effondrer sous son lourd poids de ridicule.


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