Équilibre budgétaire: le casse-tête de Charest

Le premier ministre convie les Québécois à un grand dialogue sur le déficit zéro

Budget Québec 2010

Saint-Hyacinthe -- Bien qu'ayant les «deux mains sur le volant», Jean Charest refuse de prendre seul les décisions douloureuses pour ramener l'État québécois à l'équilibre budgétaire et souhaite donc convier «le plus grand nombre de Québécois possible» à un grand «dialogue» sur le sujet. Sommet de type péquiste (1981, 1996)? Grand événement du genre Forum des générations (2004)? Pour l'instant, la formule n'est pas arrêtée.
«On n'est pas fixés sur une formule en particulier», sauf les habituelles consultations prébudgétaires. «Maintenant, est-ce qu'on fera autre chose en plus? On est en réflexion sur la meilleure façon d'aborder ce dialogue», a soutenu le premier ministre hier, à l'issue d'un caucus présessionnel de deux jours à Saint-Hyacinthe.
L'entourage du premier ministre a précisé peu après que M. Charest n'était pas «fort sur les grands sommets» comme ceux organisés dans le passé par les gouvernements Lévesque et Bouchard. Cependant, en 2004, quelques mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement Charest avait mis sur pied un Forum des générations, centré sur les problèmes du vieillissement de la population et de la démographie. Est-ce là un modèle pour le dialogue sur le déficit zéro? «On n'est pas rendus là», a-t-on répondu. Ce n'est pas d'hier que M. Charest souhaite cette consultation. Il l'a déjà évoquée lors de la clôture du congrès des jeunes libéraux, au début du mois.
Le gouvernement avait «déjà prévu un certain nombre de mesures pour le retour à l'équilibre budgétaire», notamment la hausse de 1 % de la taxe de vente du Québec, annoncée pour 2011 dans le dernier budget Jérôme-Forget. «Mais on n'a pas tout prévu», a ajouté Jean Charest. En effet, le budget 2009-10 indiquait que pour renouer avec l'équilibre en 2014, on devait d'ici là trouver quelque 4 milliards de revenus supplémentaires. Déjà, en 2009-10, le déficit prévu est de 3,9 milliards; et jusqu'en 2014, selon les prévisions, c'est un déficit de plus de 11 milliards qu'il faudrait ajouter à la dette.
Autre difficulté à l'horizon: le gouvernement fédéral a lui aussi renoué avec les déficits astronomiques cette année. Lorsqu'un journaliste lui a demandé ce qu'il ferait si jamais un éventuel gouvernement à Ottawa le prenait de vitesse et haussait la TPS avant qu'il n'occupe le champ, Jean Charest a paru décontenancé. «Question intéressante», a-t-il dit en marquant une pause, soulignant ensuite que les partis fédéraux devront se commettre sur la manière dont ils comptent retourner à l'équilibre budgétaire. Réduiront-ils les transferts aux provinces comme dans les années 1990? «Ah, alors voilà une question importante. Je pense qu'il faut poser la question», s'est borné à dire le premier ministre.
Et à Québec, la solution passera-t-elle par une hausse des impôts? Le premier ministre semble avoir déjà écarté ce scénario: «Ce n'est pas un sujet qui a été soulevé dans nos discussions», a-t-il révélé, soulignant que son gouvernement avait beaucoup travaillé, «dans la mesure de nos moyens», pour «réduire les impôts, les ramener à la moyenne [canadienne]». Des hausses de tarifs -- à l'exception des garderies à 7 $ -- sont toutefois à prévoir, a fait comprendre le premier ministre en rappelant que le dernier budget prévoyait une «remise à niveau sur la question».
La responsabilité au PQ
La première étape pour retourner au déficit zéro, nécessaire à la «crédibilité des finances publiques au Québec» a insisté Jean Charest hier, réside dans l'adoption du projet de loi 40. Celui-ci avait occasionné des débats épiques entre les partis d'opposition et le ministre Raymond Bachand à la session dernière. Il visait à suspendre l'application de la loi prohibant les déficits adoptée en 1996 par Lucien Bouchard, notamment en ce qui concerne l'obligation de retour à l'équilibre en cinq ans.
Dans sa dernière sortie en juin, l'ex-critique péquiste François Legault avait vivement dénoncé cette absence d'échéancier dans la première mouture du projet de loi 40. Il soulignait que le gouvernement se donnait cinq ans pour revenir au déficit zéro (alors que la loi de 1996 n'en donnait que quatre) et que le projet de loi ne contenait aucun montant de déficit décroissant. «Il pourrait y avoir 10 milliards de déficit par année pendant quatre ans et, comme par hasard, la cinquième année, bien, ce sera probablement dans le prochain mandat.» Autrement dit, un parti autre que le PLQ risque alors d'être au pouvoir. Jean Charest, hier, a soutenu être prêt à faire «un compromis» et à préciser, dans une nouvelle version du projet de loi 40 que le déficit serait ramené à zéro lors de l'exercice budgétaire 2013-14. Cette «main tendue» devrait contraindre le PQ à «prendre ses responsabilités» et à appuyer le gouvernement. «Ce sera un premier test pour Pauline Marois et le Parti québécois sur la question de l'économie», a-t-il soutenu, défiant.
Les partis d'opposition ont rejeté cette injonction par communiqué. «M. Charest essaie de faire porter sur les autres son profond manque de responsabilité», a soutenu le péquiste Jean-Martin Aussant. Quant à l'ADQ, il reproche au premier ministre d'inciter les parlementaires à adopter le projet de loi 40 tandis que son gouvernement est incapable de dire «comment il va s'y prendre pour sortir le Québec des déficits».


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