Environnement - Punir les responsables

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Il serait le temps d'y penser

Peut-on avoir confiance en une entreprise qui entrepose illégalement des BPC depuis quinze ans, en une société minière qui laisse tout derrière elle avant de fermer boutique ou en une compagnie ferroviaire qui transporte des produits explosifs sur des voies pourries ? Si la réponse est non, comment expliquer que tous les gouvernements aient réduit leurs contrôles au lieu de les resserrer au fil des ans ?
On ne connaît pas les motifs qui ont amené le propriétaire de la compagnie Reliance Power Equipment de Pointe-Claire à se soumettre à l’ordonnance du ministère de l’Environnement, vendredi dernier. Si la compagnie que le ministre Yves-François Blanchet a qualifiée de « bum » respecte son engagement, elle présentera aujourd’hui même un plan crédible de disposition des transformateurs contenant des milliers de litres d’huile contaminée aux BPC, puis de décontamination des lieux. Une opération qu’elle n’a visiblement pas les moyens de mener à terme, du moins pas sur un horizon de temps acceptable compte tenu du produit en cause.

Il y a donc lieu de douter des intentions véritables de ses dirigeants. Que dire, entre autres choses, de cette étrange visite du directeur général de la compagnie qui s’est chargé de déménager, de nuit, plusieurs boîtes de documents ?

En somme, tout le monde craint avec raison que la réponse surprenante de la compagnie à l’ordonnance du ministère ne soit qu’un moyen facile, et légal, de gagner du temps. À l’instar de la Montreal Maine and Atlantic, Reliance pourrait même choisir de se placer sous la protection des tribunaux, neutralisant du même coup toute revendication gouvernementale à incidences financières.

Depuis que la nouvelle circule, l’opposition libérale et les élus de Pointe-Claire ont accusé le ministère de l’Environnement de traîner les pieds. Pourtant, si les élus municipaux n’étaient pas au courant, leurs propres fonctionnaires l’étaient depuis mars dernier.

Quant aux libéraux, ils sont mal placés pour critiquer, eux qui ne sont jamais intervenus pendant leurs neuf années de pouvoir. Et pas seulement à Pointe-Claire, puisqu’il existe des dizaines d’autres lieux d’entreposage de produits dangereux au Québec. Que dire, par exemple, des 679 sites miniers orphelins connus dont la décontamination tarde encore après des années d’abandon par ces autres corporate bums de la création-de-la-richesse !

Puisque ces minières n’existent plus ou ont fait l’objet d’acquisition, que jamais les gouvernements n’ont eu le courage de se doter des moyens légaux de surveiller et de poursuivre leurs dirigeants, ce sont les contribuables qui assumeront seuls le 1,2 milliard (en dollars d’aujourd’hui) nécessaire pour en venir à bout.

Heureusement, il en sera autrement à l’avenir puisque les sociétés minières devront prévoir les sommes nécessaires à la restauration des lieux avant d’en extraire le minerai. Mais lorsqu’elle était dans l’opposition, l’actuelle ministre des Richesses naturelles, Martine Ouellet, avait aussi promis une taxe sur les activités minières en cours pour corriger la négligence passée. Une bonne blague électorale sans doute, puisqu’il n’en est plus question.

Chaque fois qu’on veut introduire une notion de responsabilité personnelle des administrateurs dans un projet de loi québécois, le milieu des affaires se braque sous prétexte que «les tragédies environnementales sont habituellement liées aux opérations d’une entreprise, non à son administration », comme la Fédération des chambres de commerce du Québec aime à le répéter. Un tel traitement, ajoute-t-on, priverait les entreprises « des conseils judicieux d’administrateurs aguerris » qui refuseraient de siéger à leur conseil d’administration. Grosse paie, p’tites responsabilités !

Si nous voulons que les entreprises cessent de se moquer des lois et des contribuables, il ne tient qu’à nous d’exiger de nos élus qu’ils cessent de réduire la portée des normes environnementales et les contrôles, qu’ils réorientent le travail des fonctionnaires vers les enquêtes sur les activités à risque au lieu de perdre du temps à remplir des formulaires et, surtout, qu’on rende les dirigeants et les administrateurs privés légalement responsables des infractions commises par l’entreprise qui les enrichit.


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