Enseigner le français pour améliorer son usage

Recensement 2006 - Langue française



Dans un message qu'elle livrait dans [Le Devoir du 7 décembre, la présidente de la Commission scolaire de Montréal, Diane De Courcy->10709], réagissait à une étude récente du Centre international pour l'évaluation des apprentissages scolaires (CIEAS) qui révélait que c'est au Québec que le niveau de lecture des familles est le plus bas, tous milieux confondus. Elle annonçait du même coup un «branle-bas de combat» et un plan d'action «pour améliorer l'enseignement du français afin de rehausser les habiletés des élèves en lecture et en écriture».
Reconnaissant d'entrée de jeu qu'il appartient aux enseignants de «faire l'école», la présidente de la CSDM en appelle à ces «passeurs de culture» pour donner aux élèves «la piqûre des mots» et «la passion de la langue». Cette lettre de la présidente de la CSDM illustre bien l'état de confusion dans lequel stagne le milieu scolaire depuis qu'on y instaure les concepts fumeux de constructivisme et de socioconstructivisme imposés par le ministère de l'Éducation avec l'implantation de la réforme.
D'une part, on prétend reconnaître «l'expertise des enseignants et leur capacité de trouver des solutions aux problématiques auxquelles ils sont confrontés quotidiennement», comme l'affirme Mme De Courcy, mais d'autre part, on leur impose un cadre de fonctionnement qui évacue la transmission formelle des connaissances en français, comme dans les autres matières.
En effet, le Programme de formation de l'école québécoise limite l'autonomie professionnelle du personnel enseignant en préconisant des approches pédagogiques fondées sur le socioconstructivisme tandis que la Politique d'évaluation des apprentissages leur interdit de mesurer systématiquement le degré d'acquisition des connaissances que devraient avoir assimilées leurs élèves.
Cette nouvelle orientation de l'école québécoise suppose qu'on n'enseigne plus aux élèves les matières inscrites au curriculum scolaire mais qu'on doit leur faire découvrir des «savoirs» au gré de leurs expérimentations. Ainsi, on tente de leur apprendre à bien exprimer leur pensée sans s'assurer de leur faire connaître, au préalable, les règles de grammaire, d'orthographe et de syntaxe. Et tant pis si ces expériences pédagogiques ne leur permettent pas de les acquérir!
C'est donc la notion même d'enseignement et la profession enseignante qui sont remises en question par ces nouvelles politiques éducatives. On demande aux enseignants d'être des passeurs, des accompagnateurs, des motivateurs auprès des élèves, de leur transmettre la passion de la langue et de leur donner la piqûre des mots pour les inciter à la lecture, mais les profs ne peuvent plus choisir en toute liberté professionnelle leurs approches pédagogiques. [...]
Non seulement les profs en exercice sont contraints d'appliquer ces politiques, mais les aspirants à la profession, actuellement en formation dans les universités québécoises, sont soumis à un programme axé davantage sur la gestion de classe et les compétences pédagogiques que sur les disciplines qu'ils seront appelés à enseigner. En d'autres mots: on donne la priorité au contenant plutôt qu'au contenu.
La présidente de la CSDM en appelle à toute la communauté pour conjuguer les efforts afin d'assurer la réussite éducative, mais son discours rejoint finalement celui des décideurs nationaux qui confondent trop souvent la réussite du système et la réussite des élèves. Si le taux d'échec est réduit statistiquement parce qu'on applique la promotion automatique des élèves, quels que soient leurs résultats, ces derniers ne réussissent pas pour autant leurs études. [...]
L'enjeu est social et interpelle effectivement toute la société. Comme le fait la présidente de la CSDM, je lance donc, moi aussi, un appel pressant aux parents et à l'ensemble des citoyens et je les invite à réclamer, avec nous, le moratoire que nous demandons afin que ne soit pas implantée, en septembre prochain, la réforme en quatrième et cinquième secondaire, ni dans les classes d'accueil du secondaire ni à l'éducation des adultes.
Plutôt que de préparer un autre «branle-bas de combat» dont ni les profs ni les parents n'ont besoin, la CSDM devrait investir ses énergies au soutien des enseignants dans l'exercice de leur mission fondamentale de transmission des connaissances et d'évaluation de leur acquisition. Qu'on nous épargne un autre discours condescendant sur les moyens de développer la passion chez les élèves. Cette passion naîtra de leur enthousiasme au contact du savoir réel plutôt que du plaisir éphémère de la facilité. Quant à la passion des profs, elle se nourrit quotidiennement de la satisfaction du travail accompli et viendra surtout par la reconnaissance sociale de leur rôle.
Les enseignants doivent pouvoir exercer, en toute liberté, leur autonomie professionnelle pour enseigner le français et toutes les matières scolaires. Si la présidente de la CSDM veut mener un combat utile pour l'école publique, qu'elle appuie notre demande de moratoire auprès du ministère de l'Éducation et qu'elle s'associe aux personnes qui cherchent des solutions fondamentales aux problèmes qui empêchent les élèves d'acquérir les connaissances nécessaires au développement de leurs habilités en lecture et en écriture. Pour améliorer l'usage du français, il faudra donc nécessairement promouvoir son enseignement de façon systématique.
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