Langue de bois

Du côté politique, c'est carrément une impression d'ignorance qui se dégage.

Recensement 2006 - Langue française


On a entendu beaucoup d' "opinions" sur le recensement de 2006 et l'état du français, mais peu d'analyses. Comme si on les trouvait plates ou trop pessimistes, on invite de moins en moins ceux qui maîtrisent le sujet et ont un regard informé et non complaisant. Du côté politique, c'est carrément une impression d'ignorance qui se dégage.
L'ADQ se plaint sans rien proposer. Le PQ compte sur le retour au grand NOUS et le gouvernement Charest porte des lunettes roses. La langue de bois se perpétue. Il fallait voir les ministres Christine St-Pierre et Yolande James, les Dupond et Dupont de la francisation, rivaliser d'optimisme. "Non seulement le français va bien", nous dit l'une, "mais je dirais même qu'il va TRÈS bien", d'ajouter l'autre. Misère!
Spécialiste de la question linguistique, vous me permettrez, sans prétention, d'insister quand même sur quelques faits.
CACHEZ CE MOT QUE JE NE SAURAIS VOIR
Le recensement de 2006 montre que le français recule au Canada et au Québec. Sur l'île de Montréal, seulement 54 % ont maintenant le français comme langue d'usage. Une bonne nouvelle aurait été que le français GAGNE du terrain, pas qu'il en perd ! Ce qui nous amène à une observation devenue politiquement incorrecte ici : dans toute société multiethnique moderne, une langue ne peut se maintenir que si elle ASSIMILE une forte majorité d'allophones. La folie au Québec est d'avoir fait des mots ASSIMILATION LINGUISTIQUE un tabou alors que c'est un concept de base à travers le monde sur la question linguistique.
La clé de la survie d'une langue n'est plus dans la protection de sa base "ethnique" originelle mais dans sa capacité d'assimilation linguistique. Au Canada anglais, les Anglo-Saxons sont minoritaires mais l'anglais est plus fort que jamais parce qu'il assimile les allophones dès la première ou deuxième génération. Il assimile même des francophones!
Par "assimilation", on entend un transfert linguistique ou l'adoption de la langue de la majorité comme langue d'usage au foyer. Ça n'empêche pas de connaître sa langue d'origine ou d'en apprendre d'autres. Mais pour ce faire, la langue nationale doit être omniprésente et essentielle à la mobilité sociale. À Toronto ou New York, personne ne songerait à réussir une carrière sans parler l'anglais. Par contre, à Montréal, il est encore possible de vivre et de travailler sans parler un mot de français.
Hors Québec, la force d'attraction de l'anglais est telle que l'assimilation se fait toute seule. Pas ici. Le français est de plus en plus minoritaire au pays et sur le continent. À Montréal, il est même en compétition directe avec l'anglais. Bref, toutes les chances doivent être mises du côté du français. Ça veut dire des ressources considérables et des mesures coercitives quant à la langue de travail, d'éducation et d'affichage. À l'exception de la communauté anglophone et des situations de vulnérabilité dans le système de santé, il faut aussi que les communications entre les citoyens et l'État se fassent en français. Et les gouvernants doivent exprimer une volonté politique forte, cohérente et comprise de tous.
PAS REPOSANT
Ce serait sûrement plus reposant si les transferts vers le français se faisaient aussi facilement que vers l'anglais! Mais ce n'est pas le cas. Le problème est que 30 ans après l'adoption de la loi 101, le français ne progresse pas comme il aurait pu et dû le faire. Depuis 15 ans, les gouvernements péquistes et libéraux ont manqué de détermination, refusé de tenir tête aux tribunaux lorsque nécessaire et manqué à leur devoir d'informer les Québécois de la situation réelle du français. L'ironie est que sans Statistique Canada, on ne saurait même pas ce qui se passe!
Le gouvernement Bouchard a aussi sabré dans la francisation. Parce qu'il refusait de renforcer la loi 101, il a désinformé les citoyens et fait taire les inquiets en affirmant une fausseté, soit qu'on avait atteint l'"équilibre linguistique". Ce gouvernement a aussi accouché d'un concept absurde - le français comme "langue publique commune" - comme s'il ne fallait plus parler d'assimilation et se contenter de son usage en public, pourtant impossible à mesurer ! En 2001, les organismes responsables de la loi 101 ont été fusionnés et la "language police" est devenue un gentil toutou inoffensif.
Résultat: À Montréal, une majorité d'allophones passent au cégep et à l'université anglophones, la moitié des nouveaux arrivants allophones travaillent surtout en anglais, l'affichage et la langue d'accueil des commerces se "bilinguisent". Et n'oublions pas l'Outaouais! Surtout, comme le souligne le professeur Charles Castonguay, l'assimilation linguistique des allophones est encore loin d'être proportionnelle au poids démographique du français et de l'anglais au Québec.
Pourtant, nul besoin de réinventer la roue. Camille Laurin, le père de la loi 101, avait la bonne recette pour donner au français une véritable force d'assimilation: agir sur tous les fronts de manière à rendre le français omniprésent et essentiel. L'homme mariait le geste à la parole. Malheureusement, ses successeurs, moins courageux, ont lâché prise.
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