Embouteillage politique

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Le poids étouffant du fédéralisme

François Legault a très bien traduit l’exaspération des Montréalais et des résidants de la Rive-Sud, à la pensée des bouchons qui vont leur empoisonner l’existence pendant des années, quand il a lancé mardi à l’Assemblée nationale : « Il n’y a personne ici qui va me convaincre qu’on n’est pas capable de remplacer le pont Champlain avant 2021. »

Le fouillis des relations fédérales-provinciales est assez déroutant pour le commun des mortels avec ses chevauchements de compétence, ses programmes conjoints et ses formules compliquées pour calculer la péréquation et d’autres paiements de transfert.

Le débat sur le remplacement du pont Champlain permet cependant d’illustrer jusqu’à la caricature le dysfonctionnement qui peut en résulter et ses pénibles conséquences sur la vie quotidienne de dizaines de milliers de citoyens.

Il n’y a aucune rationalité dans le statut des quatre ponts enjambant le fleuve, ce qui est propice à la formation de monstrueux embouteillages de nature politique. Les ponts Champlain et Jacques-Cartier sont les seuls ponts intraprovinciaux au Canada qui sont de propriété fédérale. Ils sont administrés par une société d’État qui gère également la portion de l’autoroute Bonaventure située entre le pont et le canal de Lachine, de même que le tronçon des autoroutes 15 et 20 situé entre le pont et l’avenue Atwater.

Le pont Mercier, lui, est administré à la fois par Ottawa et Québec. La partie sud-ouest, de propriété fédérale, est administrée par la même société d’État que les ponts Champlain et Jacques-Cartier. Le reste du pont est la propriété du ministère des Transports du Québec, qui est cependant responsable des opérations quotidiennes sur l’ensemble du pont. Sans oublier l’entente qui, depuis 1934, accorde une priorité d’emploi aux Mohawks de Kahnawake.

Quant au pont Victoria, qui est le plus ancien (1860), il appartient au CN. Étant au départ un pont ferroviaire, qui a été ouvert plus tard à la circulation automobile, il est régi par un règlement fédéral.

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En mars 2012, le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, avait ouvert la porte à un éventuel transfert de compétence sur les ponts au gouvernement du Québec, avec toutes les discussions que cela suppose, notamment sur la compensation financière que Québec ne manquera pas d’exiger, mais il reportait toute négociation après l’achèvement du nouveau pont Champlain. Cela ne règle donc rien dans l’immédiat.

La première ministre Marois, qui voudrait que le pont soit achevé dès 2017, soit quatre ans plus tôt que prévu dans l’échéancier fédéral, a proposé à son vis-à-vis canadien, Stephen Harper, que Québec prenne l’entière responsabilité de sa construction, évaluée entre 3 et 5 milliards. Cette proposition n’a cependant trouvé aucun écho à Ottawa, ce qui est interprété à Québec comme une fin de non-recevoir.

Mercredi, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion réclamant que le gouvernement fédéral accélère l’échéancier et intègre à la nouvelle structure un système léger sur rails (SLR), mais le différend sur le « plan d’affaires » que M. Lebel s’est engagé à rendre public d’ici la fin de l’année risque de perdurer.

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Avec un peu de bonne volonté, la participation fédérale au financement du SLR ne devrait pas poser de problème insurmontable. Malgré l’opposition de tous les intervenants de la région, M. Harper a cependant été très clair lors de son récent passage à Montréal : son gouvernement ne financera pas la reconstruction du pont Champlain si un péage n’y est pas implanté, même si cela a pour effet de congestionner complètement les autres ponts.

Le maire Coderre n’y voit qu’une position de négociation sur laquelle Ottawa sera éventuellement forcé de revenir, mais le premier ministre canadien a la tête particulièrement dure. Hier, le gouvernement fédéral a démontré sa détermination en accordant un contrat de 1,1 million de dollars pour faire l’évaluation de différents systèmes.

Pour Québec, il ne s’agit pas d’un « nouveau pont », mais plutôt d’un « pont de remplacement », qu’une meilleure construction et un entretien plus constant auraient peut-être rendu moins nécessaire, mais cela ne change rien à son coût. Réplique de M. Harper : « Nous n’avons aucun projet comme cela dans le reste du Canada. C’est seulement ici que nous avons un pont régional qui sera construit entièrement par le fédéral. Il est nécessaire, pour avoir l’appui des contribuables [ailleurs au pays], que nous ayons la participation financière de la population ici. »

Pour des raisons analogues, son gouvernement a refusé toute participation au financement de l’amphithéâtre de Québec, tout en sachant qu’il y aurait un prix électoral à payer. Les automobilistes pris dans les embouteillages sur le pont le plus achalandé au pays ne votent même pas conservateur.


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