Élections québécoises - À contretemps

Élection Québec - 8 décembre 2008

Le Québec est à nouveau en élections. Jean Charest reprend à son compte le pari du premier ministre Stephen Harper de pouvoir, à la faveur d'une conjoncture politique apparemment favorable, obtenir un mandat majoritaire. Aura-t-il plus de succès que son homologue fédéral en a eu le 14 octobre?
Le prétexte justifiant ce nouveau scrutin est la situation économique. L'argument du premier ministre Charest est simple: la stabilité politique, entendre un gouvernement majoritaire, est ce qui peut le mieux engendrer la stabilité économique. Pour nous en convaincre, il nous martèlera pendant les 33 jours de la campagne électorale le slogan «L'économie d'abord, OUI», sur le mode «it's the economy, stupid!», qui avait servi de leitmotiv à Bill Clinton pour gagner la présidence des États-Unis en 1992.
L'argument invoqué par le chef libéral s'inverse. S'il faut «affronter la tempête», selon les propres mots de M. Charest, la priorité ne devrait-elle pas être de se consacrer dès maintenant à soutenir l'économie plutôt que de se lancer sur le sentier électoral? Pendant 33 jours, il y fera une série de promesses qui ne seront mises en oeuvre que quelques mois plus tard. Peut-être trop tard! Il y a là une contradiction que les partis d'opposition, à raison, rappelleront à l'infini au cours de la campagne.
Cette campagne électorale est à contretemps. Le statut minoritaire du gouvernement libéral ne l'a pas empêché de gouverner ces 18 derniers mois et il pouvait compter sur l'appui tant du Parti québécois que de l'Action démocratique pour poursuivre la cohabitation encore plusieurs mois. Par contre, vouloir pour cette raison punir le Parti libéral, comme nous invite à le faire le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, serait pousser plus loin que nécessaire le cynisme. Jean Charest a certes déclenché ces élections avant tout par opportunisme électoral, pour profiter de la faiblesse de l'opposition au moment où les sondages le favorisent. Mais il y a des élections et l'essence même du processus électoral est de choisir l'équipe qui paraît la plus apte à faire progresser le Québec ces quatre prochaines années. C'est le choix que nous devrons assumer le 8 décembre.
Le premier ministre Jean Charest ayant pris l'initiative de ces élections, il aura le fardeau de la preuve. Nous aurons à examiner le bilan de son action comme chef du gouvernement ces cinq dernières années et à évaluer sa capacité à assurer la stabilité économique qu'il promet. On ne saurait se contenter à cet égard du slogan mobilisateur que veut être le OUI en complément de «l'économie d'abord». Il y a là un rappel subliminal du «YES we can» de Barack Obama. Récupération, plutôt que rappel, puisque ce que propose le Parti libéral est la continuité et non le changement.
Peu importe la couleur du prochain gouvernement, la capacité financière de l'État interdira d'entreprendre de nouvelles réformes et de grands projets ces prochaines années. Que les partis mesurent leurs promesses! La tempête économique que voit venir M. Charest aura un effet direct sur les finances publiques, dont on mesure mal s'il conduira à un retour aux déficits budgétaires. À cet égard, le gouvernement libéral a manqué de transparence en ne déposant pas à l'Assemblée nationale ses états financiers vérifiés, de telle sorte que l'on est tenu de se fier aux interprétations de ministres en campagne qui cherchent à rosir la situation.
Le débat sur l'état de l'économie et des finances publiques aurait pu se tenir à l'Assemblée nationale. Le premier ministre Charest a voulu y faire participer les Québécois. La moindre des choses serait qu'ils disposent de toute l'information pour évaluer la situation. En ne jouant pas à livres ouverts, il alimentera le cynisme des électeurs, dont une majorité trouve déjà que ces élections sont inutiles. Si, comme Stephen Harper, il devait perdre son pari, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même.


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