Élections - La Caisse: parlons-en!

L'affaire de la CDPQ — le scandale

Depuis quelques jours, les chefs des trois principaux partis politiques et plusieurs experts ont émis des opinions divergentes sur la pertinence de dévoiler les rendements de la Caisse de dépôt à cette étape de la crise... et de la campagne électorale. Loin de repousser le sujet, il faut en parler ouvertement.
Sans connaître l'ampleur exacte des pertes subies cette année par la Caisse de dépôt et placement, on peut présumer qu'elles atteignent quelques dizaines de milliards de dollars. S'agit-il de 20, de 30 ou de 40 milliards par rapport à un actif net de 155 milliards en début d'année? À cause de la loi, ou grâce à elle, nous ne connaîtrons la réponse qu'en février. D'ici là, bien de l'eau aura coulé sous les ponts, mais la probabilité est forte que ces résultats varient beaucoup malgré les corrections épisodiques à la hausse, comme celles d'hier et de vendredi dernier.
En temps normal, personne ne trouve à redire au fait que la Caisse ne divulgue ses résultats qu'une fois l'an. Si certains souhaiteraient qu'il en soit autrement, c'est que nous sommes en campagne électorale. Car même s'il est de pratique courante pour d'autres caisses de retraite de fournir des résultats trimestriels, cette façon de faire peut aussi avoir l'effet pervers d'inciter les gestionnaires à poser des gestes encore plus risqués pour mieux paraître à court terme.
Cela dit, on peut quand même se permettre de discuter ouvertement de l'opportunité de modifier la loi, voire de remettre en cause le type de placements et le niveau de risques autorisés par la Loi.
Au cours des cinq dernières années, la Caisse de dépôt a vu l'actif de ses déposants doubler pour passer de 77,7 à 155,4 milliards, en partie à cause des nouvelles cotisations des déposants (+14,5 milliards), mais surtout grâce à ses rendements ( +63,2 milliards$).
En revanche, c'est aussi à cause du niveau de risque élevé, et de mauvais placements dans les papiers commerciaux, que la crise actuelle fait si mal. Sur une plus longue période, disons une dizaine d'années, la situation ne sera donc pas dramatique si les revers récents ne sont que très passagers, comme ce fut le cas lors de l'explosion de la bulle des titres de technologie en 2000. Mais si la récession mondiale perdure, la Caisse aura besoin de plusieurs années pour seulement renflouer ses coffres, avant de générer le rendement moyen d'au moins 7 % indispensable pour répondre aux besoins de ses déposants à long terme.
Cette situation n'est pas sans conséquence. Par exemple, l'été dernier, sans même prendre en compte la crise financière, la Régie des rentes faisait savoir qu'elle entendait demander une hausse de ses cotisations afin de seulement maintenir les avantages de l'actuel régime à long terme. De combien seront ces hausses si les rendements attendus de la Caisse ne sont pas au rendez-vous au cours des trois ou quatre prochaines années? Même chose pour la CSST et la Société de l'assurance automobile dont les primes sont aussi calculées en tenant compte des rendements attendus de la Caisse de dépôt?
Que dire aussi du fameux Fonds des générations créé en 2006 pour réduire la dette du Québec? Parce qu'il devait être plus rentable d'investir à 10 % de rendement annuel que d'économiser 5 % en intérêts sur la dette, Québec a confié l'argent de ce fonds à la Caisse de dépôt au lieu de rembourser les emprunts contractés par le passé. Selon le ministère des Finances, le fonds devrait contenir 1,9 milliard de dollars en mars prochain, mais, au rythme où vont les choses, il ne serait pas surprenant de se retrouver avec un demi-milliard de moins à cette date.
La question se pose: faut-il continuer d'investir dans un fonds au lieu de rembourser la dette?
Les situations de crise sont toujours difficiles, mais elles sont aussi des occasions de remise en cause des façons de faire du passé. Que l'on aime ou pas, les partis d'opposition ont raison de questionner le gouvernement sortant, y compris au sujet de la Caisse de dépôt dont les résultats auront des conséquences importantes sur l'avenir financier des Québécois.
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j-rsansfacon@ledevoir.com


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