Écoles passerelles - Les privilèges des riches

Écoles passerelles - Loi 115



Le gouvernement Charest a présenté hier sa solution au problème des écoles passerelles. Il se plie au jugement de la Cour suprême qui, l'an dernier, a invalidé la loi 104 adoptée en 2004 pour mettre fin à la pratique par laquelle des parents «achetaient» un droit à l'école anglaise par un bref séjour de leurs enfants dans une école anglophone privée non subventionnée. Cette pratique sera circonscrite et encadrée, mais se voit néanmoins accorder une reconnaissance légale.
On ne pouvait s'attendre du gouvernement Charest qu'il adopte la solution préconisée par le Conseil supérieur de la langue française et privilégiée par le Parti québécois consistant à soumettre les écoles privées non subventionnées à l'autorité de la Charte de la langue française. Ainsi, un message clair aurait été donné à tous, soit que la langue d'enseignement au Québec au niveaux primaire et secondaire est le français, à l'exception des enfants de familles anglophones détenant des droits historiques.
Pour envisager une telle solution, il aurait fallu que ce gouvernement soit prêt à affirmer sa volonté sans compromis de protéger la langue française. Il aurait fallu qu'il soit disposé à avoir recours à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits pour éviter de nouvelles contestations judiciaires. C'était trop lui demander.
Le recours à la clause nonobstant est toujours délicat. Il doit être bien fondé, car il en résulte généralement la restriction de droits pour des individus ou des groupes d'individus qui font entendre leurs protestations haut et fort. Ainsi, le premier ministre Robert Bourassa paya un fort prix lorsqu'en 1989 il avait dû recourir à la clause dérogatoire pour maintenir les dispositions de la loi 101 sur l'affichage commercial. Trois ministres anglophones avaient quitté son cabinet. Il y avait ici un risque similaire pour le gouvernement Charest, qui dispose d'une majorité fragile à l'Assemblée nationale. Il était l'objet d'un lobby très intense de la communauté anglophone, qui voit dans les écoles passerelles un apport important à son réseau scolaire.
Le recours à la clause dérogatoire aurait pourtant été fondé ici. Dans ce cas des écoles passerelles, ce ne sont pas de droits dont il s'agit, mais d'un détournement des principes de la loi 101 par des parents qui payaient pour s'approprier un droit que la loi ne leur accorde pas. Ce ne sont pas les droits d'individus qui sont à protéger, mais les droits de la majorité francophone qu'il faut assurer dans les circonstances.
La solution adoptée par le gouvernement est un compromis qui en a tous les défauts. L'octroi du droit à l'école anglaise pourra s'acquérir à partir d'une évaluation du cas de chaque enfant qui aurait un parcours académique jugé «authentique». Parmi plusieurs critères, il y aura la durée de ce parcours (trois ans dans une école anglophone privée non subventionnée), la constance de l'engagement familial, la situation particulière de l'enfant. Les contestations de l'évaluation que feront les fonctionnaires seront inévitables chaque fois que le résultat sera négatif. Cela nous ramène à l'époque des tests linguistiques de la loi 22 auxquels devaient se soumettre les enfants pour accéder à l'école anglaise, tests abandonnés à cause de leur caractère odieux.
L'ensemble des mesures proposées restreindra le phénomène des écoles passerelles. Ce ne seront plus des milliers d'enfants qui contourneront la loi. Combien? Cela se comptera plus en centaines qu'en milliers. Mais ce seront des enfants de parents qui ont les moyens de payer ce privilège. Appelons cela un système de droits à deux vitesses.
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bdescoteaux@ledevoir.com


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