Duel décisif entre Marois et Duceppe

La chef péquiste essuiera la semaine prochaine plusieurs attaques de syndicalistes pro-Duceppe

2012 - Crise au PQ - leadership


Québec — Alors qu'elle poursuivra demain sa contre-attaque avec l'annonce d'une autre candidature, Pauline Marois sera la cible de nombreux tirs dans les prochains jours. D'abord, de l'ancien premier ministre Bernard Landry; mais surtout, a appris Le Devoir, du monde syndical, habituellement un allié du Parti québécois.
Le premier à dégainer a été le président de la CSQ, Réjean Parent, hier. Il accuse la chef péquiste de ne pas tenir compte les intérêts des syndicats: «Au cours de l'histoire, nous avons eu nos différends, voire d'importants affrontements avec le Parti québécois. Mais un tel déni du mouvement syndical, du monde du travail, c'est du jamais vu!» a-t-il déclaré hier au site Web de L'Autjournal. Le rédacteur en chef de cette publication est Pierre Dubuc, du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre).
Dans l'entrevue, M. Parent se dit «abasourdi» de constater que le programme du PQ de 2011 ne comprenne aucune section sur le monde du travail et ait abandonné les mots «travailleurs» et «syndicats». Deux prises de position particulières de la chef péquiste sont dénoncées par
M. Parent. Notamment sur le projet de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp, présenté cet automne, d'imposer d'importantes compressions aux commissions scolaires. «Dans un premier temps, [Mme Marois] a déclaré qu'elle prenait "avec un grain de sel" la proposition [...]. Puis, elle l'a critiquée du bout des lèvres en reprenant le mantra libéral-caquiste voulant qu'il y aurait "trop de bureaucratie" dans le réseau scolaire», a dénoncé M. Parent. Ce dernier soutient que les militants libéraux, à leur congrès, «ont fait preuve d'un sens critique plus aiguisé que la cheffe [sic] de l'opposition officielle! C'est drôlement inquiétant!»
M. Parent cite ce qu'il considère comme d'autres erreurs d'aiguillage de la part de Mme Marois, notamment sa timidité à l'égard du projet de loi 399 sur les briseurs de grève. Celui-ci visait à moderniser la loi anti-briseurs de grève afin de réduire la possibilité de lockout comme ceux du Journal de Québec et du Journal de Montréal. «On a été extrêmement étonné de voir Mme Marois prendre ses distances avec le projet de loi anti-scab, d'autant plus qu'il avait été déposé par son propre parti! Faut le faire!» La chef péquiste avait soutenu que si cette loi était modifiée, il fallait donner quelque chose au patronat pour maintenir «l'équilibre entre les deux parties». François Vaudreuil, Louis Roy et Michel Arseneault, respectivement présidents de la CSD, de la CSN et de la FTQ, avaient d'ailleurs dénoncé dans Le Devoir, le 23 novembre, la chef péquiste en soulignant que faute de modernisation, «la loi maintient un déséquilibre inacceptable dans le rapport de force» entre employeurs et employés à l'avantage des premiers. Malade, M. Parent n'a pu s'entretenir avec Le Devoir hier. Dans l'entrevue, il soutient «ne pas vouloir se mêler des affaires internes d'un parti politique», mais affirme qu'il «trouve la situation extrêmement déplorable».
Mauvais sondage
D'autres sorties de dirigeants syndicaux hostiles à Pauline Marois et favorables à son remplacement par l'ex-chef du Bloc et ancien syndicaliste Gilles Duceppe seraient à prévoir cette semaine, a-t-on appris. «Qu'on ait appuyé la fin du placement syndical [dans le monde de la construction], la FTQ, les TCA, entre autres, ne l'ont pas ben ben digéré», admet un proche de Pauline Marois.
Au caucus péquiste, l'ancien métallo Guy Leclair (Beauharnois) est d'ailleurs reconnu comme un adversaire de Pauline Marois. Selon nos sources, il compte réclamer ouvertement sa démission lors de la réunion du caucus de mercredi et de jeudi à Joliette. M. Leclair a eu des démêlés avec la direction du PQ cet automne, qui le soupçonnait d'ourdir un putsch contre la chef. Il a été exclu du caucus une semaine.
L'information selon laquelle il avait été arrêté pour alcool au volant a été dévoilée à ce moment-là. Il n'a pas rappelé Le Devoir ces jours derniers. Selon nos informations, d'autres syndicalistes en interne pourraient toutefois prendre la défense de la chef, dont Marjolain Dufour (René-Lévesque).
Landry se prépare, Duceppe répète
Aux interventions défavorables à Mme Marois, il s'en ajoutera une de l'ancien premier ministre Bernard Landry en début de semaine. Joint hier, l'adversaire de Mme Marois dans plusieurs batailles a confirmé avoir déjà préparé un texte. «J'ai un brouillon sous les yeux. Je vais le peaufiner. Dans les circonstances, c'est un texte très important, n'est-ce pas? Je ne veux pas qu'il y ait la moindre faille. Ça doit être très nuancé et le plus profond possible», a-t-il annoncé.
Quant à Gilles Duceppe, joint par Le Devoir hier, il a insisté pour dire qu'il n'y avait pas de mouvement concerté pour lui au PQ: «Je n'ai aucune organisation sur le terrain. Il n'y a personne qui va faire des appels. Je ne veux rien savoir de ça. J'ai été très clair dans ce que j'ai dit», a-t-il dit. Répétant sa formule de mercredi, il a soutenu qu'il faisait «confiance aux militants et à Pauline Marois pour prendre les bonnes décisions». «Et Pauline Marois l'a répété [cette phrase]. Et a dit qu'elle vivait bien avec ça. Parfait!» Selon une source, l'ancien chef du Bloc considère son «jeu ouvert» jusqu'à la fin du conseil national péquiste le dimanche 29 janvier.
Hier matin, Mme Marois avait en effet confirmé la conversation, plus tôt cette semaine, qu'elle avait eue avec l'ancien chef bloquiste. «M. Duceppe a dit qu'il avait confiance de me voir prendre les bonnes décisions. Alors ma décision est prise: je vais assumer mes responsabilités jusqu'au bout comme chef du Parti québécois», a-t-elle déclaré, soutenant que M. Duceppe avait promis de respecter ce choix.
De son côté, le nouveau candidat péquiste Daniel Breton, présenté hier (et dont on ignore dans quelle circonscription il atterrira), a dû s'expliquer sur plusieurs anciens commentaires très critiques à l'égard du PQ, notamment que c'était «le parti d'une seule idée». Il a dit que le PQ sous Mme Marois était plus ouvert qu'à l'ère Boisclair: «Ce que j'ai dit à l'époque, je le croyais. Je ne le crois plus.»
La direction du PQ a par la suite fait savoir qu'il (sic) annoncerait une autre candidature demain, celle de l'expert en gériatrie et ex-doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, Réjean Hébert. Il briguera les suffrages pour une seconde fois dans Saint-François, où il avait bien fait. «Si on était en campagne électorale, je dirais qu'on a "gagné la journée"», soutenait un proche de Mme Marois en début de soirée hier. Reste à voir qui remportera ce duel.


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