Éthique: Claude Blanchet avait des actions chez des partenaires de la SGF

2012 - Crise au PQ - leadership




(Québec) L'ancien président de la Société générale de financement, M. Claude Blanchet, a détenu pendant son mandat de 1997 à 2003 des actions de plusieurs sociétés publiques avec lesquelles la SGF ou ses filiales brassaient des affaires.
En raison de ses liens avec Pauline Marois, M. Blanchet est le seul président d'une société d'État dont les investissements ont été rendus publics. Les ministres sont tenus de déclarer leurs intérêts ainsi que ceux de leur conjoint une fois l'an. Or les déclarations d'intérêts de Mme Marois montrent que M. Blanchet a détenu plusieurs titres ne faisant pas l'objet d'une fiducie sans droit de regard, dans des entreprises qui faisaient affaire avec la SGF ou bénéficiant de contrats avec le gouvernement et ses sociétés.
Ainsi, il détenait des actions de la compagnie Alcan en 2001 et en 2002, alors que Mme Marois était vice-première ministre et ministre des Finances. Or le 8 février 2002, la SGF a cédé à Alcan sa parti­cipation de 20 % dans l'aluminerie Alouette pour la somme de 264 millions $. Le 22 février, un communiqué de presse du premier ministre Landry rappelait que la SGF avait manifesté un intérêt dans un projet d'Alcan de 50 millions $ touchant la construction d'une usine de fabrication de roues d'aluminium.
Quelques jours plus tard, le 26 février 2002, le premier ministre Landry, accompagné de Mme Marois, dévoilait une série de projets à Saguenay, aux cotés du président d'Alcan Métal primaire Québec et États-Unis, M. Richard Yank. Qui plus est, Alcan Métal primaire était alors un locataire de M. Blanchet. La firme occupait et occupe encore un local dans un immeuble appartenant à Claude Blanchet situé au 86, rue Saint-Louis à Québec. Il faut préciser ici qu'Alcan était déjà locataire de cet édifice avant que M. Blanchet n'en fasse l'acquisition.
La compagnie n'est d'ailleurs pas la seule entreprise à louer des locaux dans un édifice de Claude Blanchet. La société minière Polycor Inc., dans laquelle le Fonds de solidarité dirigé auparavant par M. Blanchet avait des intérêts, loge au 139, rue Saint-Pierre à Québec. Selon la déclaration d'intérêts de la ministre Marois, l'immeuble est détenu par M. Blanchet par le biais l'une de ses compagnies, la Société immobilière du bassin Louise.
Un portefeuille bien garni
Les intérêts de Claude Blanchet dans des sociétés publiques sont tellement nombreux qu'il est difficile d'identifier toutes les actions détenues dans des compagnies impliquées de près ou de loin avec la SGF. Un survol des déclarations d'intérêts de son épouse montre néanmoins d'autres cas où il détenait des titres de cette nature :
- En 1999, M. Blanchet avait des actions de SNC-Lavalin. Pendant la même année, la SGF avait une participation de 20 % dans un projet d'exploitation de magnésium de Magnola, à Asbestos, un projet de 750 millions $, signé Noranda et SNC-Lavalin. À la même époque, la compagnie Rexfor, une filiale de la SGF, s'engageait à verser 8 millions $ en partenariat avec SNC-Lavalin dans une usine de panneaux de cèdre Ded-Or, au Témiscamingue.
- Les déclarations d'intérêts de Pauline Marois pour 1997 et 1999 indiquent que son époux a eu des actions de la firme ABL à Bécancour, propriété à 49 % de la SGF. La société avait investi 3,9 millions$ dans ABL en 1993, avec la firme espagnole Petresa.
- La déclaration d'intérêts de 1999 indique que M. Blanchet détenait des actions dans Bombardier. La même année, la SGF a mis 12 millions $ dans le projet Metaforia à Montréal, en collaboration avec Bombardier capital, Investissement Québec et Innovitech.
- Toujours en 1999, M. Blanchet détenait des actions de Quebecor, alors que le gouvernement et la SGF étaient impliqués avec la compagnie pour relancer la papetière Donohue à Matane, «une aventure» qui, depuis 10 ans, a coûté «très cher» au trésor public, disait alors Bernard Landry.
Une porte-parole de M. Blanchet a communiqué mercredi avec Le Soleil et soutenu que le code d'éthique de la SGF permettait aux dirigeants de l'institution de détenir des actions d'entreprises partenaires, à la condition de ne pas faire de transactions sur ces titres.
On ne trouve rien d'aussi précis dans le code d'éthique qui existait à la SGF lorsque M. Blanchet en est devenu le président en 1997. Ce code incitait par ailleurs les dirigeants à une grande prudence, afin d'éviter toute situation «pouvant donner lieu à des conflits d'intérêts, réels ou apparents».
Le 21 avril 1999, la SGF s'est donné un nouveau code d'éthique, renforçant l'appel à la prudence. Le texte rappelle, sous un chapitre intitulé «Apparence», l'importance de ne pas poser des gestes pouvant «laisser croire que leurs transactions sont faites sur la foi d'informations privilégiées ou de renseignements confidentiels».
Les documents introuvables
L'étude des déclarations d'intérêts de Pauline Marois a mené à une trouvaille bizarre que personne n'est en mesure d'expliquer. Où sont les déclarations d'intérêts des ministres pour les années 1998 et 2000?
Le bureau de Jean Charest a répondu dans un premier temps que ces déclarations n'avaient pas été déposées, et qu'elles n'étaient donc pas de nature publique. Devant l'insistance du Soleil, on a vérifié davantage pour expliquer que les fonctionnaires chargés de la sauvegarde de ces documents refusaient de les transmettre parce qu'ils n'avaient pas été déposés en bonne et due forme, dans le temps.
Au cours des derniers jours, le bureau de Jean Charest avait changé de discours: on ne sait pas si ces documents existent. Les adjoints de Pauline Marois n'en savent pas davantage, et même les anciens adjoints de Bernard Landry ont été incapables de dire si les déclarations d'intérêts avaient été faites, et sinon, pourquoi.


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