Diviser les forces (I)

Diviser les forces vives peut rapporter gros, retarder de plusieurs années des projets d’émancipation.

Francophobie et Quebec bashing - 2008



Si j’étais dans le comité stratégique de la GRC ou du SCRS, dont la principale mission est de défendre l’unité du Canada, je me questionnerais sur la meilleure façon de nuire à un parti indépendantiste, un parti qui veut «briser le Canada en deux». Surtout quand on constate la virulence des propos de Stephen Harper à l’égard du Bloc québécois, en relançant la vieille hargne du reste du Canada vis-à-vis du Québec souverainiste.
Par le passé, on a essayé différentes stratégies. On a volé les listes de membres du Parti québécois pour savoir qui étaient ces «dangereux séparatistes», où ils nichaient, s’il y en avait dans des ministères clés, au Québec et à Ottawa, quels étaient les bailleurs de fonds, s’il y avait des ingérences étrangères, etc. On a installé des micros dans les locaux du Parti québécois, on a aussi perpétré des attentats en les mettant sur le compte du FLQ. Car, pour la GRC, le PQ et le FLQ étaient des frères d’armes. Pas très subtil, en effet.
Là-dessus, une simple anecdote pour donner plus de crédibilité à ce que j’avance. Un jour, lors d’un salon du livre à Montréal ou à Hull, je ne me souviens plus très bien, trois ex-agents de la GRC m’approchent. Ils veulent écrire un ouvrage sur la façon dont la GRC a manipulé la population lors des événements d’Octobre 1970 dans le but de mettre au pas le Québec. Leur méthode d’enquête consiste à effectuer des demandes multiples, à différents moments, à la Commission d’accès à l’information. Ils ont eux-mêmes travaillé «sur mon cas» pendant lesdits événements et ils peuvent donc témoigner des façons de faire de la GRC.
Pourquoi un tel projet? Ce n’est pas par vengeance, m’affirment-ils, même si, en tant que Canadiens français, ils en ont bavé. On les envoyait toujours dans les pires situations, dans les régions les plus éloignées et inclémentes, ils n’avaient que très peu de possibilités d’avancement, bref ils étaient brimés, comme on peut se l’imaginer, en raison de leurs origines québécoises. Ils veulent avant tout mettre les choses au clair. À titre d’exemple de l’incompréhension totale de la GRC à l’égard de la situation politique au Québec, ils m’avouent que dans la filière 24 (je ne me souviens plus du chiffre exact de cette filière), celle qui concerne le mouvement indépendantiste au Québec, le FLQ figure en bonne place aux côtés du Parti québécois, et que René Lévesque est un personnage aussi dangereux que je pouvais moi-même l’être. Il s’agit de quelque chose de tout à fait farfelu, admet-on-le, mais vraisemblable, puisque ces trois ex-agents, bien placés pour en parler, me l’affirment.
Je ne sais pas ce que sont devenus ces ex-agents de la GRC, ni s’ils ont poursuivi leur louable projet, mais je serais très curieux de connaître la suite.
Pour revenir à mon sujet initial, je pense que cette volonté de nuire au grand parti indépendantiste, le Parti québécois, existe toujours en haut lieu. On a vu les moyens énormes que les forces fédéralistes ont pris lors du dernier référendum, le «scandale des commandites» en a révélé une infime partie, foi de Robin Philpot et de Normand Lester. Peut-on croire, naïvement, qu’on s’est croisé les bras à Ottawa dans l’attente d’une prochaine crise? Qu’on ne se prépare pas en planchant sur toutes sortes de scénarios? J’en doute fort.
L’ère de la provocation bébête est dépassée. On est plus méfiant de part et d’autre, surtout depuis l’affaire Claude Morin. Mais les bonnes vieilles méthodes ont déjà fait leurs preuves, pourquoi ne pas y revenir? Une de celles-ci consiste à diviser les forces, à susciter la bisbille dans les rangs des forces ennemies. Cette stratégie est vieille comme la Terre et elle donne toujours de bons résultats, que ce soit au Venezuela, au Nicaragua actuellement, ou au Québec. Diviser les forces vives peut rapporter gros, retarder de plusieurs années des projets d’émancipation. On a vu comment ont éclaté ces révolutions orange dans les anciennes républiques soviétiques, sans que personne s’y attende, sans tambour ni trompette. Cette «stratégie silencieuse» a un nom: la guerre de basse intensité. Pas d’invasion, pas de coups de feu, mais des jeux de coulisses, avec suffisamment d’argent provenant des centaines de fondations et d’ONG créées par l’Oncle Sam pour soudoyer tout ce qui peut être soudoyé.
(À suivre)


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