Robitaille, Antoine; Bourgault-Côté, Guillaume; Dutrisac, Robert - Québec - Rompant avec son mutisme des derniers jours sur la crise à Ottawa, Jean Charest s'est dit préoccupé par le «sentiment de Quebec bashing qu'on retrouve dans le reste du Canada», un «piège» dans lequel «des gens sont tombés» ces derniers jours, a-t-il affirmé hier, en fin d'après-midi. Du même souffle, il a défendu la légitimité du Bloc québécois à Ottawa.
Le chef libéral a qualifié le sentiment de Québec bashing de «complètement inutile» dans un contexte où «on a un enjeu économique majeur». Il a intimé ceux qui s'y adonnent de se concentrer sur l'économie et d'«arrêter de faire des procès d'intention». «Ça ne donne rien», a-t-il soutenu. Puis, il a défendu la légitimité du Bloc québécois en soulignant le fait que «la démocratie a parlé le 14 octobre». Selon lui, les quelque 1,4 millions d'électeurs québécois qui ont voté pour le Bloc ont droit au respect, comme tous les autres électeurs, «peu importe leur origine, peu importe le parti qu'il représente. Ils ont le droit de s'exprimer». Après tout, a-t-il souligné, la présence de souverainistes au parlement fédéral n'est pas sans précédent: «En 1867, [...] les députés de la Nouvelle-Écosse élus à la Chambre des communes étaient tous, sans exception, envoyés à Ottawa pour séparer la Nouvelle-Écosse du Canada!» Du reste, les Québécois souverainistes sont à son avis bien placés pour réclamer le respect, «depuis le temps qu'on débat de l'avenir du Québec et qu'on le fait de manière pacifique. Je vis dans une société où les gens peuvent être fédéralistes souverainistes, mais se respectent, et la même chose devrait être vraie dans le parlement fédéral. On n'a pas à faire de procès d'intention de quiconque parce qu'il défend une position ou l'autre», a dit M. Charest.
À l'époque où il évoluait sur la scène fédérale, M. Charest lui-même avait déjà été victime de telles accusations, a-t-il rappelé, lorsqu'il avait «appuyé des positions du Bloc Québécois». Notamment au moment de son opposition au renvoi sur la clarté, orchestré par le ministre libéral Stéphane Dion à la fin des années 90. Le chef libéral et premier ministre de l'époque, Jean Chrétien, avait alors accusé M. Charest «d'appuyer les séparatistes [...] et les souverainistes».
Plus tôt, le chef libéral avait réitéré sa position des derniers jours selon laquelle le gouvernement du Québec n'a pas à se prononcer pour ou contre la formation d'une coalition. «On n'a pas à faire des choix», a-t-il dit.
Capitaine Canada
Cette position de neutralité a été dénoncée par la chef péquiste, Pauline Marois, en ces termes: «Capitaine Canada a décidé qu'il ne défendait pas nos intérêts», a dit Pauline Marois.
Le «Quebec bashing» au Canada anglais fait sourciller la chef péquiste, tout comme le «mépris» manifesté par M. Harper envers les «séparatistes». Elle a dit ne pas comprendre «qu'on casse du sucre sur notre dos [alors que] l'attitude du Bloc québécois est respectueuse». En appuyant la coalition, le Bloc cherche à éviter que le Canada se retrouve en élections, ce que personne ne souhaite, a fait valoir Mme Marois.
«On ne pourra toujours bien pas accuser les souverainistes de vouloir provoquer une crise. C'est M. Harper qui est en train de la provoquer», a-t-elle souligné.
La chef péquiste s'est par ailleurs montrée enchantée de la sortie de Jacques Parizeau, qui a accordé une entrevue au Journal de Montréal hier et qui soutient que l'entente sur le gouvernement de coalition à Ottawa était une «victoire impressionnante» pour le Québec.
Mais aux yeux de Mario Dumont, l'intervention de Jacques Parizeau dans le débat démontre «la faiblesse» de la chef péquiste. «Au moment où, dans son propre mouvement, les gens sont choqués, où ils ne comprennent plus rien, là, elle a besoin de M. Parizeau pour sauver la mise. C'est évident qu'il y a un malaise énorme. Et même si les dirigeants du PQ essaient de faire une parade pour sauver leur base, les Québécois nationalistes se rendent compte que ce parti-là a perdu sa boussole», croit M. Dumont.
Le chef adéquiste a aussi dénoncé le silence de Jean Charest au sujet de la coalition. «C'est le seul qu'on n'a pas entendu», a fait valoir M. Dumont hier matin, sur la Rive-Sud de Québec. «Il y a clairement un manque de leadership au Québec. On a un premier ministre qui se déguise en courant d'air, et Pauline Marois qui applaudit le fait que Stéphane Dion devienne premier ministre. L'un et l'autre tiennent aujourd'hui des positions décevantes pour le Québec», estime le chef de l'ADQ.
Hier comme les deux dernières journées, M. Dumont s'en est surtout pris à Pauline Marois. Devant la Chambre de commerce de Lévis, il n'a pas hésité à parler de la coalition PQ-Bloc-PLC, puisqu'il estime que la signature de Gilles Duceppe est aussi celle de Mme Marois.
Au moment d'écrire ces lignes, avant que Stephen Harper ne prononce son discours à la nation, Mario Dumont a dit souhaiter que la situation se calme à Ottawa. «Il y a suffisamment de confusion pour que le premier ministre vienne faire la lumière», a-t-il dit. Selon lui, une prorogation de la session ne fera que retarder le dénouement attendu de la crise: de nouvelles élections, ou la nomination de Stéphane Dion, deux solutions qu'il juge inacceptables.
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