HISTOIRE

Des patriotes aux vire-capot

Peu d’ex-patriotes se sont opposés à l’Union de 1840 et à la Confédération de 1867

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«Une première synthèse claire et accessible.»

En publiant sa Brève histoire des patriotes à la faveur de la commémoration de ceux qui illustrèrent l’insurrection de 1837-1838 et le mouvement progressiste sous-jacent, Gilles Laporte dépoussière un sujet presque usé. Pas si brève que le veut le titre, sa synthèse, plus soucieuse de pensée politique que de bravade, justifie la prudence de Papineau et donne tort à Wolfred Nelson qui, aussi versatile qu’intempestif, finira par se rallier au pouvoir.

« Je diverge d’opinion avec M. Papineau et je crois que le temps est venu de fondre nos plats d’étain pour en faire des balles ! » s’écrie, en octobre 1837, Nelson, l’un des patriotes les plus en vue. Il reproche à Louis-Joseph Papineau, le chef politique, de ne pas, dans l’immédiat, appeler au soulèvement du Bas-Canada contre l’Empire britannique.

L’analyse de Laporte est limpide et ramassée : « L’indécision de Papineau peut-elle en partie expliquer ultimement l’échec de l’insurrection ? Clairement pas. » L’historien le démontre de façon très convaincante : « Les conditions matérielles à une victoire militaire patriote n’étaient tout simplement pas réunies. » On ne peut affronter la plus puissante armée du monde avec des fourches et des soldats d’un jour.

Crises et émancipation

L’éditeur ne pèche pas par flatterie en présentant l’ouvrage comme « une première synthèse claire et accessible ». Pour en faire ressortir la portée internationale, Laporte compare la lutte des patriotes contre la domination britannique à celles que mènent, à la même époque, les Polonais contre l’Empire russe et, en particulier, l’Irlande aussi bien que le Haut-Canada précisément contre Londres.

Il prend soin de souligner ce qui différencie le Haut-Canada (l’Ontario actuel) du futur Québec : les réformistes n’y « bénéficient pas du soutien d’une majorité de la population qui, contrairement à celle du Bas-Canada, demeure profondément loyaliste et applaudira même à la répression ». Il rappelle que, dans les fameuses 92 résolutions adoptées par les patriotes mais répudiées par Londres, la défense de la langue française et de la culture qu’elle exprime y figurait.

Laporte note, avec beaucoup d’à-propos, que, dans l’Amérique du Nord britannique, « il n’y a qu’ici que la crise sociale et la crise politique se soient superposées à une lutte d’émancipation nationale ». Nommé par Londres en 1838 gouverneur en chef pour enquêter, Lord Durham vit d’ailleurs ici « deux nations en guerre au sein d’un même État ».

Si Laporte a raison de conclure qu’il fallait « attendre 1960 et la Révolution tranquille » pour réentendre les accents « libérateurs » de 1837, on s’étonne avec regret qu’il place « sans rougir » George-Étienne Cartier, transfuge des patriotes comme tant d’autres et père de la Confédération, dans la même chaîne de l’évolution québécoise que René Lévesque. Le jugement le plus généreux de sa part lui permet-il la confusion la plus aberrante ?


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