«Mon Octobre 70»: l’intellectuel d’octobre 1970

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Avant toute choses, les felquistes étaient des révolutionnaires romantiques inspirés par les thèses marxistes


Indicatrice de la police de Montréal, Carole Devault rêve d’être une Mata Hari (1876-1917), célèbre espionne. Elle demande à Robert Comeau, jeune professeur d’histoire à l’UQAM, de faire un vol à main armée au profit du Front de libération du Québec. Cela ne fait « pas partie de mes compétences », répond-il. En fait, c’était un piège tendu par un détective que l’intrigante compare à Eliot Ness !



On plonge presque dans un roman à sensation. Ness, fonctionnaire américain, luttait contre la contrebande d’alcool au début des années 1930. Ici, gouvernement et police voient dans le FLQ non pas tant l’action politique audacieuse que la perpétration de crimes, susceptibles de ternir à jamais la pensée indépendantiste et de maintenir le statu quo constitutionnel.


Les anecdotes étonnantes mais éclairantes que Comeau, aujourd’hui retraité de l’UQAM, rapporte dans son récit autobiographique s’appuient sur ses souvenirs, les écrits de Carole Devault et plusieurs autres sources. Hésitant à cerner une ligne directrice dans un amas de faits, l’intellectuel a eu besoin de l’encouragement et de l’aide d’un collègue et ami, l’économiste Louis Gill, pour mener à bien le projet d’expliquer, après 50 ans, les événements qui changèrent sa vie.


Seuls Jacques Ferron et Pierre Vallières avaient consigné jusqu’ici une pensée bouleversante autour d’octobre 1970. Elle n’excluait pas, chez le premier, une folle désespérance et, chez l’autre, un mysticisme, déconcertant pour beaucoup de progressistes. D’une façon très différente, Comeau s’ajoute à eux pour livrer une réflexion exceptionnelle sur la nécessité de l’indépendance.



Elle s’enracine dans ce qu’il appelle une « analyse matérialiste » de l’histoire du Québec, créée à l’Université de Montréal par Maurice Séguin que lui a fait découvrir, dès son cours classique, le professeur Noël Vallerand. En 1963, un éditorial collectif de la revue Parti pris complète, à ses yeux, cette analyse déterminante.


« La seule morale qui tienne se fonde dans la réalité de la lutte révolutionnaire : est moral ce qui contribue à notre libération », y lit-on. Cela justifie pour Comeau l’action du FLQ, groupe clandestin informel auquel il adhère en 1970. « Je me suis laissé séduire », écrit-il, par « le romantisme révolutionnaire ». À présent, il condamne la violence du FLQ.


D’autant que la commission Keable sur les opérations policières a révélé en 1979 à Comeau que François Séguin, son compagnon de combat au FLQ et après dans le groupe maoïste En lutte !, était un indicateur de police ! « Le pire choc de ma vie », juge l’autobiographe, alors terrassé.


Si Louis Hamelin, dans son essai Fabrications (Boréal, 2014), a prétendu que son roman La constellation du Lynx (Boréal, 2012) sur octobre 1970 était « plus crédible » que la version officielle, pour Comeau, la crise reste un drame intérieur où l’indépendance du Québec devient le seul avenir.


 

Extrait de «Mon Octobre 70»


Si Lionel Groulx voyait l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 comme un pacte, pour Maurice Séguin, il était une simple loi du Parlement de Londres, adoptée sans consultation de la population. L’interprétation de Séguin a été jugée pessimiste par les groulxistes parce qu’elle incitait à ne pas sous-estimer les difficultés de notre émancipation nationale.




Mon Octobre 70


★★★ 1/2


Robert Comeau,VLB, Montréal, 2020, 240 pages






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