«Main basse sur Israël»: le grand tournant

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Les sionistes de gauche effarés devant l'ultranationalisme des Israéliens


Aux législatives du 9 avril dernier, le Likoud, parti de droite, de Benjamin Nétanyahou, premier ministre d’Israël, a obtenu son meilleur résultat depuis 2003. L’essai Main basse sur Israël, de Jean-Pierre Filiu, vient à point nommé. Nétanyahou est en passe de battre le record de longévité au pouvoir de David Ben Gourion, le fondateur de l’État hébreu en 1948. Mais le politologue français déplore en lui « la fin du rêve sioniste ».



Le sionisme, rappelle Filiu, était un mouvement complexe et pluriel, dont Ben Gourion et de nombreux autres Juifs d’origine européenne, aux prises avec l’antisémitisme de leur continent natal, incarnaient une vision plus laïque que religieuse de l’établissement d’un État juif progressiste en Palestine, sans renier pour autant les droits des Arabes qui habitaient déjà le territoire. Mais un courant très antiarabe, d’abord minoritaire, s’est vite formé autour de Zeev Jabotinsky (1880-1940).


Né dans l’Empire russe et mort aux États-Unis, ce dirigeant sioniste de droite, dit « révisionniste » parce qu’il s’opposait à la majorité sioniste d’alors, a inspiré la famille Nétanyahou et surtout Benjamin, qui a vu le jour à Tel-Aviv en 1949. Voilà, explique si bien Filiu, les racines idéologiques de l’attitude du premier ministre d’aujourd’hui et, plus généralement, du grand tournant d’Israël qui, au cours des dernières décennies, d’un État modéré est devenu un État autoritaire.



Le politologue a la lucidité de souligner que le changement s’est fait en respectant le suffrage universel, mais en trahissant l’esprit de la démocratie, axé sur l’idéal humanitaire et la liberté. L’alliance de Nétanyahou avec Donald Trump, scellée en 2018 par la décision du président américain de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, viole l’informelle idée pacifique de tant de pays de voir en cette dernière ville le carrefour historique du judaïsme, du christianisme et de l’islam plus que la capitale officielle d’Israël.


Elle s’accorde la même année avec la loi fondamentale de l’État, nouvelle règle qui, souhaitée par Nétanyahou, fait du développement des « colonies juives » une « cause nationale » et donne à l’arabe, jusque-là langue officielle avec l’hébreu, un simple « statut spécial ». Devant cette attitude, Filiu souscrit à un jugement de l’homme d’affaires américain Ronald S. Lauder, héritier des entreprises Estée Lauder, président du Congrès juif mondial et voix d’une diaspora plus libérale que la présente majorité juive d’Israël.


Le voici : « Si les tendances actuelles se poursuivent, Israël fera face à un choix terrible, soit accorder la plénitude de leurs droits aux Palestiniens et cesser d’être un État juif, soit leur dénier ces droits et cesser d’être un État démocratique. » Le jugement, publié dans le New York Times le 18 mars 2018, a le poids d’une prophétie biblique.


 

Extrait de «Main basse sur Israël»


« Selon la Déclaration d’indépendance, proclamée par Ben Gourion le 14 mai 1948, l’État d’Israël “assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexeˮ. Cette revendication d’égalité a complètement disparu, laissant la place à de très vives craintes de discrimination institutionnalisée et aggravée à l’encontre des 20 % d’Arabes du pays. »


Main basse sur Israël: Netanyahou et la fin du rêve sioniste


★★★★

Jean-Pierre Filiu, La Découverte, Paris, 2019, 224 pages





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