André Noël et Francis Vailles - Le patron de l'agence de sécurité BCIA, Luigi Coretti, s'est servi de ses cadres pour verser des milliers de dollars au Parti libéral du Québec et rendre service à son ami, le député Tony Tomassi, selon plusieurs témoignages.
Sept anciens cadres de l'agence ont parlé à La Presse sous le sceau de la confidentialité. Tous ont dit que M. Coretti leur avait donné des billets pour participer à des activités de financement du PLQ en 2007 ou en 2008.
L'agence BCIA vient de se placer sous la protection de la Loi sur la faillite. Le gouvernement québécois est l'un de ses principaux financiers, par l'entremise des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER). Les FIER, qui ont injecté 4 millions dans l'entreprise de 1003 employés, risquent maintenant de tout perdre.
Tony Tomassi venait régulièrement visiter son ami Luigi Coretti dans les locaux de l'agence BCIA, ont unanimement affirmé les cadres. L'un d'eux dit même avoir vu le député remettre en personne à M. Coretti des billets pour un cocktail de financement du PLQ qui a eu lieu au golf d'Anjou le 7 avril 2008. M. Coretti a ensuite distribué les billets, de 500 $ chacun, à une dizaine de cadres, pour une somme globale d'environ 5000 $.
Contributions
Au Québec, les entreprises n'ont pas le droit de contribuer à la caisse des partis politiques, rappelle Audrey Garon, porte-parole du Directeur général des élections (DGE). Quant aux particuliers, ils n'ont pas le droit de verser plus de 3000 $ par année. Selon les rapports du DGE, M. Coretti a déclaré avoir versé 1000 $ au PLQ en 2008.
Alors qui a payé les quelque 5000 $ que coûtaient les billets du cocktail au golf d'Anjou ? Les cadres l'ignorent. «En tout cas, moi, je n'ai rien payé», ont répété les anciens employés l'un après l'autre.
Des demandes d'entretien avec M. Coretti ont été faites mercredi à son bureau et à son cabinet de relations publiques, mais nul n'y a donné suite. La Presse a aussi insisté pour parler à M. Tomassi, mais sans succès.
«Moi, je ne voulais pas aller au golf d'Anjou et aux autres soirées, mais Luigi Coretti m'a obligé à y assister, a dit un ancien directeur de service. Il a fallu que je retourne chez moi pour me changer après mon quart de travail. Ça ne me tentait pas du tout.»
Selon ce cadre, Tony Tomassi était la vraie vedette du cocktail au golf d'Anjou. Le premier ministre Jean Charest était présent, ainsi que plusieurs autres ministres et députés, dont Jacques Dupuis, ministre de la Sécurité publique. Ce fait a été confirmé mercredi par le responsable des communications du PLQ.
Plusieurs cadres ont dit qu'ils avaient aussi reçu des billets pour participer à un cocktail du PLQ au Madison, une salle de réception située à Saint-Léonard, le 19 novembre 2007. Dans ce cas, les billets valaient 250 $ chacun. Cette année-là, M. Coretti a déclaré avoir donné 2500 $ au PLQ.
Un des anciens employés a affirmé avoir participé à quatre ou cinq activités de financement du PLQ.
Tous les anciens cadres ont constaté que Tony Tomassi et Luigi Coretti étaient amis intimes. «Moi, je les ai vus six ou sept fois ensemble chez BCIA, a dit l'un d'eux. Tony Tomassi venait parfois avec ses enfants. Il se promenait dans l'agence sans contrainte, même dans les endroits à accès limité.»
Des cadres disent par ailleurs avoir vu le militant libéral bien connu Pietro Perrino dans au moins une fête de Noël organisée par BCIA. Ancien président des jeunes libéraux du Québec, M. Perrino a travaillé à la campagne électorale de Jean Charest en 1998, et celui-ci l'a nommé au conseil d'administration de la Société des alcools du Québec en 2004.
M. Perrino est administrateur de deux des quatre FIER qui ont chacun investi un million de dollars dans BCIA. L'entreprise a obtenu un contrat de la SAQ et de plusieurs autres organismes publics, comme l'Agence métropolitaine de transport.
Proposition
BCIA a jusqu'au 22 mai pour faire une proposition à ses créanciers. Lundi, l'entrepreneur en construction Gioacchino Arduini, de Gestion Gamarco, a accepté d'allonger 800 000 $ pour que BCIA poursuive ses activités jusque-là. L'homme d'affaires veut reprendre l'agence et dit avoir l'appui des partenaires privés membres des FIER.
Selon la proposition qui circulait la semaine dernière, les FIER pourraient récupérer seulement 100 000 $ des 4 millions qu'ils ont injectés dans BCIA. Le Mouvement Desjardins ne retrouverait qu'une fraction des 12,5 millions engloutis dans l'agence. Les créanciers ordinaires peuvent espérer se voir rembourser 5 cents par dollar de créance.
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