Des commandites aux plaines d'Abraham

Le projet de célébration de 1759 a germé il y a une dizaine d'années

1759-2009: 250e de la bataille des Plaines d'Abraham

Québec -- L'instigateur de la célébration du 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham, André Juneau, est un ardent promoteur de la «visibilité canadienne» qui caresse depuis longtemps le projet de faire une reconstitution de la fameuse confrontation entre Wolfe et Montcalm.
Président de la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN) depuis 1995, André Juneau réévalue actuellement l'«angle choisi» pour commémorer l'événement. Admettant que le caractère festif (bal masqué, croisière, spectacle Wolfe-Montcalm, etc.) n'était pas de mise pour souligner un tel anniversaire, il a mis ce «faux pas» sur le compte de la précipitation à réaliser avant les vacances de Noël les outils de communication.
M. Juneau prépare pourtant depuis longtemps le rendez-vous de l'été 2009. Il avait évoqué dès 1999 le projet de célébrer ce 250e anniversaire. En 2004, au moment d'une reconstitution de la bataille qui opposa Américains et Anglais, la CCBN avait annoncé pour 2009 la «réédition» de la bataille des Plaines. Les descendants des généraux Wolfe et Montcalm étaient même attendus à Québec pour commencer à «préparer ces reconstitutions».
Des comédiens personnifiant les deux généraux ont du reste fait une apparition le 28 mai 2007, lors d'une conférence de presse durant laquelle on annonça que la Commission était «l'instigatrice et l'organisatrice» de la reconstitution militaire, «activité spectaculaire et gratuite», pouvait-on lire dans le communiqué.
Hier, M. Juneau refusait toute demande d'entrevue, car il était en train de consulter des historiens au sujet de la commémoration. L'affiche officielle des célébrations de 2009 a toutefois déjà disparu du site Internet de la CCBN. On y voyait les descendants respectifs des deux généraux se serrer la main lors d'une précédente reconstitution en 1999.
Protéger Wolfe
Par ailleurs, des sources soulignent que M. Juneau a déjà «protégé la place de Wolfe» sur les Plaines. En effet, en 2004, il aurait contribué à faire échouer un projet qui aurait donné une place importante à la France, au moment du 400e anniversaire de Québec. Le maire de l'époque, Jean-Paul L'Allier, et le président du Musée national des Beaux-Arts du Québec, John Porter, souhaitaient faire de l'avenue qui mène au MNBAQ, situé sur les Plaines, une allée bordée de sculptures de bronzes de Rodin, de Claudel et de Bourdelle. La France aurait prêté des oeuvres à long terme, et la rue aurait été rebaptisée «Allée de France». Le maire L'Allier souhaitait que la France soit «l'invitée d'honneur du 400e». Mais le fait de rebaptiser l'avenue Wolfe au bout de laquelle se trouve la colonne dressée en l'honneur du général anglais «dérangeait profondément M. Juneau», a expliqué une source très au fait du dossier, hier. «Il disait: "vous voulez provoquer le fédéral? Vous voulez réécrire l'histoire?".»
Malgré l'appui de Jean Charest et de la France, les Plaines et le gouvernement fédéral ont finalement opposé leur veto. M. Juneau était aussi, à l'époque, premier Commissaire fédéral des fêtes du 400e de Québec. Récemment, lors d'une conférence, M. L'Allier a déploré que l'on n'ait pu faire à la France, en 2008, une place équivalente à celle que l'Angleterre avait eue en 1908.
Plaines et commandites
Sur le Web, certains fouillent le parcours de M. Juneau. Alain Lavallée, un blogueur ([quebec.blog.lemonde.fr->www.quebec.blog.lemonde.fr]), a fait ressortir que ce dernier a participé pleinement, dans ce parc fédéral au coeur de la capitale québécoise, aux opérations visibilité de l'époque des commandites du gouvernement Chrétien.
En février 2001, M. Juneau avait réclamé près d'un demi-million de dollars au ministre des Travaux publics d'alors, Alfonso Gagliano. Il sollicitait alors «une aide précieuse sous forme de commandite pour assurer sa visibilité et celle du gouvernement du Canada», selon ce que Le Soleil révélait en 2001.
M. Juneau avait promis au ministre Gagliano que le «logo du Canada» et l'unifolié seraient visibles dans pas moins de 14 activités: «du Carrousel de la GRC au "polo sur les Plaines" en passant par l'Halloween et Noël 2001».
La CCBN s'était même dotée d'un «plan de commandite 2001-2002» où l'on affirmait que «les budgets réguliers de la Commission ne lui permettent pas d'assurer une visibilité suffisante du gouvernement du Canada, particulièrement une visibilité pro-active». La CCBN soulignait qu'elle avait besoin de l'aide de Travaux publics afin de «rencontrer les objectifs [sic] du gouvernement du Canada en matière de visibilité».
M. Juneau présentait cette offensive comme une simple opération administrative. Le ministre Gagliano lui-même l'a contredit le jour même: «C'est bien plus qu'une simple mesure administrative. L'objectif de ce programme de commandite, c'est de montrer que le gouvernement canadien existe, avec ses symboles et le drapeau. Il n'y a pas de honte là-dedans», avait précisé le ministre.
Ancien fonctionnaire fédéral et ex-maire de Cap-Rouge, M. Juneau est d'ailleurs reconnu comme «très fédéraliste», dit un ancien élu qui l'a bien connu. En 1999, TVA avait révélé que M. Juneau s'était fait rembourser par son employeur, la CCBN, plusieurs contributions politiques: 500 $ pour participer à un cocktail-bénéfice du PLC en février 1999, 200 $ pour un tournoi de golf organisé par le Conseil pour l'unité canadienne et 40 $ pour un lunch organisé en avril 1999 en l'honneur du premier anniversaire de l'élection de Jean Charest à la tête du Parti libéral du Québec.


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