Toujours, le goût de l'avenir (3)

Derrière le vacarme, il y a comme une forêt qui pousse

Le Québec et la crise



En avril 2004, Michel Venne annonçait dans ces pages la création de l'Institut du Nouveau Monde (inm.qc.ca). Cinq ans plus tard, il se demande: où en est le Québec ? Un rendez-vous, ici, les quatre mardis d'avril. Voici le troisième d'une série de quatre articles.
J'emprunte l'expression à Daniel Tygel, du forum brésilien de l'économie solidaire: «Il est très facile d'entendre le bruit d'un arbre qui tombe, mais on n'entend pas toute une forêt qui pousse.»
Derrière le vacarme de la crise économique et la tiédeur des Années molles, il y a au Québec, justement, comme une forêt qui pousse. Cette forêt est faite du foisonnement d'initiatives, grandes et petites, qui redonnent vie à un village, propulsent une invention québécoise à l'échelle planétaire, apaisent les souffrances des pauvres et des malades, donnent accès à la culture universelle, créent de la richesse et de la justice.
Cette forêt qui pousse, c'est celle des PME florissantes et créatrices d'emplois. Et de ces nouveaux agriculteurs qui contribuent à la révolution gastronomique québécoise tout en contribuant au développement économique, en mettant sur nos tables des fromages fabuleux ou des boissons sulfureuses faites d'eau d'érable.
Les arbres de cette forêt prennent parfois la forme de moulins à vent, ces éoliennes majestueuses qui produiront à terme de l'énergie propre, pourvu, bien entendu, que l'on sache gérer l'aménagement de ces parcs avec prévenance pour les riverains et redonner aux communautés locales le bénéfice de leur exploitation.
Ils ont aussi l'allure de chapiteaux, ceux de nos cirques innovateurs. Ils se transforment en trains à grande vitesse, ceux de Bombardier, qui roulent en Europe à défaut de trouver au Québec un réseau ferroviaire approprié. Ils poussent aussi sur les écrans d'ordinateurs de nos créateurs multimédias, parmi les meilleurs au monde.
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Cette forêt se régénère dans l'innovation sociale. Le Québec est un modèle pour l'organisation des services de garde à l'enfance avec les CPE, qui sont en train de devenir le réseau d'éducation préscolaire dont nous avons besoin pour favoriser la réussite éducative de nos enfants, en les préparant bien à entrer à l'école.
Pour que la forêt pousse, des jardiniers sont à l'oeuvre. Ils l'ensemencent et l'entretiennent, la nettoient et reboisent au besoin. Ces jardiniers sont actifs dans une multitude d'organisations économiques et sociales: les centres locaux de développement (CLD) créés il y a dix ans, le chantier de l'économie sociale, les coopératives de développement régional, les fonds de solidarité syndicaux, les forums jeunesse régionaux, et j'en passe et des meilleurs.
Ces organisations créent des liens entre les personnes, ramènent les jeunes dans leurs régions de naissance, rendent accessible aux entrepreneurs et aux citoyens la connaissance la plus à jour pour lancer de nouvelles initiatives, stimulent l'innovation.
Je n'oublie pas nos universités et centres de recherche, qui produisent leur lot de découvertes scientifiques. Le Québec est une des sociétés les plus scolarisées au monde! Nos enfants se classent parmi les meilleurs dans les concours internationaux de français, d'anglais et de mathématiques.
Et puis le Québec est un symbole vivant de la diversité culturelle dans le monde, petite nation francophone capable d'accommodements parfaitement raisonnables et créateur d'un modèle d'intégration dont Montréal est le fer de lance.
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Le problème est que nous n'avons pas conscience de ce foisonnement et qu'il manque, dirait-on, une impulsion pour aller un cran plus haut, là où nous aurions le sentiment de progresser ensemble et de participer à un mouvement plus large.
Prêtez l'oreille et vous entendrez vous aussi le bruit de cette forêt qui pousse. Comme pour moi, cela vous donnera de l'espoir.
La crise économique nous fait prendre conscience des déficiences profondes du système dans lequel nous vivons. Ce système, fondé sur la spéculation, l'endettement et les inégalités, montre ses limites. Le pire est que les puissants de ce monde ne feront rien pour le changer radicalement. Vous avez vu, ces dernières semaines? Le chômage augmente, les Bourses remontent... La souffrance des uns fait le bonheur des autres.
Mon espoir tient dans le fait que je vois au Québec se déployer un véritable laboratoire de l'altermondialisme, cette vision d'un monde plus juste, ouvert, solidaire, pacifique et durable. Les exemples que j'ai mentionnés plus haut l'illustrent déjà, et je pourrais en énumérer d'autres.
La jeunesse
J'ai une autre raison d'espérer. Elle est blottie au coeur des jeunes que je rencontre depuis cinq ans dans les écoles d'été de l'Institut du Nouveau Monde. Entre 500 et 1000 d'entre eux se réunissent chaque année pour mieux comprendre le monde d'aujourd'hui et commencer à inventer celui de demain. Ils repartent à la maison le coeur empli de confiance et la tête pleine de projets.
J'ose espérer que c'est pour bientôt: cette forêt aura atteint la maturité. Le laboratoire du nouveau monde que j'évoque ici aura produit de nouvelles normes. Les jeunes qui fréquentent l'université prendront le pouvoir.
Ceux-là auront trouvé, car ils le voudront vraiment -- et ils le feront en alliance avec les générations qui les précèdent --, comment faire triompher ce qui pour l'heure ressemble encore à de l'expérimentation mais qui constitue la voie à suivre, celle du développement durable. En somme, la voie de la responsabilité.
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Michel Venne, Directeur général de l'Institut du Nouveau Monde
michel_venne@inm.qc.ca

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Michel Venne35 articles

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Directeur général Institut du Nouveau Monde

Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences et est l’auteur de nombreux articles scientifiques. Il est membre du Chantier sur la démocratie à la Ville de Montréal, membre du comité scientifique sur l’appréciation de la performance du système de santé créé par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, membre du conseil d’orientation du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques favorables à la santé, membre du conseil d’orientation du projet de recherche conjoint Queen’s-UQAM sur l’ethnicité et la gouvernance démocratique.





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