Démolir le PQ

Tribune libre 2011


Je demeure dans une région pleine de ce qui semble à première vue de splendides maisons, ici c’est dans le style Nouvelle-Angleterre, ailleurs au Québec, Nouvelle-France.
Et chaque année, quelqu’un et sa chouette se trompent de chemin.
Elle est à l’abandon, même pas un courtier en immeuble pour l’annoncer. Vous descendez, plein d’admiration, quelle chance d’avoir pris le mauvais chemin. Bon, vous êtes à 15 kilomètres du premier chemin asphalté, 60 de la première ville d’importance, mais vous approchez de la cinquantaine et quelle bonheur d’être ici, à la campagne, tranquille. Tiens votre compagne vient de découvrir qu’il y a un joli ruisseau. Et voilà que dans un nuage de poussière, passe devant vous une immense camion, un pick-up, aux roues gigantesques, qui s’arrête brusquement, recule et arrives à votre hauteur.
« Maudite belle place! », vous dit le conducteur. « C’est d’valeur de laisser pourrir une affaire pareille. Quelqu’un qui aime les vieilles choses, qui sait comment s’y prendre, pourrait faire une belle maison icitte. » Dans mon coin c’est avec l’accent anglais. En campagne, la plupart des anglais parlent français. « J’pense pas que les fils McChose demanderaient une fortune, ils ont la vendu la terre à MacAutre il y a des années, j’parlerais pas à John, j’essayerais Tommy, y’é tanné lui, y’a fait la passe à Calgary. » Vous l’admettrez plus tard, si jamais, mais vous venez de tomber dans un piège. « Vous avez son numéro de téléphone? » Le piège vient de se refermer.
Bon, il a exagéré un peu le Tommy, c’est beaucoup plus cher que vous pensiez. Vous décidez donc de prendre quelques semaines de vacances de plus et hop, vous voilà à la campagne pour remettre la maison en état.
Premier problème, l’électricité. Une grosse boîte de 30 ampères, plus rouillée que possible. Pas de téléphone, pantoute, le cellulaire ne se rend pas. Mais c’est la sainte paix.
L’électricien, c’est un bon gars du coin, vous demande si vous avez fait inspecter la maison avant d’acheter. « Vous devriez avant de commencer, si j’étais à votre place. Dites donc, ce serait pas McBonhomme qui vous a mis dans les pattes de son cousin McChose? »
L’inspecteur, l’ami d’un ami, vous semblez un peu méfiant des locaux, vous dit que c’est réparable, mais qu’à votre place, je louerai un bulldozer ou j’inviterai les pompiers à venir mettre le feu chez-vous pour un exercice. Vous êtes prêt à le tuer. Vous lui avez donné $500 et il vous dit de mettre tout cela à terre! « Pas question. On rénove. Pas vrai, ma chouette? » La chouette déprime un peu... en fait, pas mal.
L’ami de l’ami vous fait visiter la maison. « Structurellement, c’est solide, faut refaire les fondations APC, mais ça tient. Pas trop croche encore. Le toit kaput, et il faut tout enlever, chanceux pas de champignons, mortel les champignons, faut brûler. Bon, vous mesurez un bon six pieds, dans le temps les gens mesuraient presque un pied de moins, vous allez vous cogner la tête tout le temps et en passant, pensez lit simple pour le deuxième et IKÉA pour le reste. Y’a pas un meuble qui va pouvoir monter. Vous montez les boîtes et vous assemblez à l’étage.
Ayoye, ça fait mal dans mon cœur de rénovateur.
« Mais maudit que c’est une belle forme de maison!, vous dit l’ami de l’ami en partant, avec son $500. »
Que faire? Laisser la maison à l’abandon? Accepter la perte d’une partie importante de vos économies?
C’est vrai qu’elle est belle la maison, elle serait encore plus belle une vingtaine de pieds plus loin du chemin. Et puis la chouette, elle est encore plus belle qu’à vingt ans, assise les pieds dans l’eau dans le petit ruisseau. Tellement que… Comme ils ont déjà plusieurs enfants…
Votre grand, ça pousse vite ces enfants aujourd’hui, qui passe avec sa femme et vos petits-enfants, vous trouve pas mal rouge tous les deux.
Votre bru qui est un plus vite sur ces choses, sourit et les deux petits-monstres se ruent vers vous et votre chouette. « Viens Albertine, il y a un ruisseau; maman, on peut se baigner dedans? Et fait si chaud, et votre Angelo, la bru est italienne, du haut de ses huit ans, fonce vers la voiture et prend les costumes de bain.
« Encore un plus beau coin que tu me parlais papa. Mais il y a de l’ouvrage. Y’a de l’ouvrage. »
Ce n’est jamais plaisant de pleurer devant vos enfants, mais vous en êtes presque là. Après lui avoir fait le portrait de la situation, sans oublier aucun détail sordide, tout ce qui lui reste à dire c’est : « On appelle les pompiers tout de suite! Tu ne connais pas Micheline, l’amie de Sophie (c’est la cadette), tu sais la tomboy, elle est devenue contracteur, faut le faire, une fille, elle a quoi, vingt, vingt-deux et elle est contracteur! J’la ferai venir. »
En premier, vous avez haï l’anglais. Maudit menteur de cros… de bloke, cal… de tête carrée. Et puis la chouette, qui a de la mémoire, elle se rappelle encore de vos bas mis à l’envers le premier soir, verts, elle se remémore même la couleur, vous rappelle mot pour mot la conversation de l’anglais. Ce n’est pas de sa faute si on a mal compris. Il n’a jamais dit que la maison pouvait être rénovée. Mais qu’elle était belle, que c’était un beau coin, que quelqu’un qui voudrait y ferait une belle maison.
Vous auriez dit quoi à Sophie?
L’auriez-vous appelé?
Est-elle venue, dans un pick-up Ford encore plus gros que ceux qui passe dans le coin?
***
Le PQ est rendu à cette étape. On reste avec une maison pourrie, jolie de loin, s’effondrant de proche, mal adaptée à la réalité d’aujourd’hui, à ses exigences, vos besoins, votre avenir.
Ce n’est pas la faute du Canada, ni des États, mais le PQ est une belle maison, qui serait encore plus belle adaptée à aujourd’hui, un peu plus loin du chemin elle pourrait être agrandie proportionnellement pour abriter des gens de six pieds, elle serait bien isolée, vous avez autre chose à faire que de payer des arabes pour leur pétrole et vous n'avez pas le temps de passer un mois à fendre du bois. Le téléphone, vous apprenez que vous n’avez pas besoin de fils, que l’antenne sur le silo en haut de la colline vous apporte l’Internet aussi vite qu’en ville avec le téléphone VOIP en prime, que vous pouvez faire un petit étang avec votre ruisseau, et que le chum de Sophie vous a expliqué que vous pourriez générer un peu d’électricité, que si la terre en face n’est plus à vous que vous avez un cent acres en montagnes, de quoi vous chauffer durant des siècles.
Vous rénovez encore? Ou vous regardez les pompiers se pratiquer?


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • L'engagé Répondre

    15 septembre 2011

    Votre texte est intéressant, mais c'est du pays que vous parlez.
    Le PQ, c'est une des entreprises pour mettre la maison en valeur. Malheureusement, les gestionnaires actuels font fuir les jeunes travailleurs avant-gardistes.
    Plusieurs travaillent à l'extérieur du parti. Un fera votre toit, l'autre consolidera les fondations, un autre, la plomberie.