15 ans de pouvoir libéral, déjà ! Le 14 avril 2003, Jean Charest est devenu premier ministre du Québec. Par ailleurs, il y a une semaine, le PLQ fêtait le quatrième anniversaire de son retour au pouvoir, avec Philippe Couillard à sa tête. Pendant la campagne de 2014, le PLQ, sous le slogan des « vraies affaires », a misé sur un mythe qui a la vie dure, celui du parti de l’économie. Les machines de communication ont toujours su habituellement présenter l’équipe libérale comme un groupe de gestionnaires sérieux et professionnels, garant d’ordre et de stabilité. Pas très excitant, certes, mais pas de mauvaises surprises en vue.
Cette légende tire ses origines, au Québec, dans la polarisation liée à la question nationale : il y aurait, d’un côté, les rêveurs mal-rasés et les poètes mal-lavés voulant courir le risque de briser un pays riche, et, de l’autre, des administrateurs pragmatiques en vestons-cravates connaissant les recettes de la prospérité. Les libéraux défendent une vision du développement économique comme étant synonyme du bien-être des investisseurs. Le message est très clair : si nous ne gâtons pas les entreprises, elles iront chez le voisin. Pensons simplement au Plan Nord, où les libéraux cherchent à faire miroiter aux investisseurs qu’ils pourront piger dans nos ressources naturelles comme dans un bar ouvert, sans contrepartie.
Le parti de l’économie, le PLQ ? Non ! D’une certaine conception de l’économie où seuls les plus forts sont appelés à s’en sortir. Nous n’avons qu’à nous rappeler de cette sortie du Conseil du patronat du Québec, en pleine période de coupures libérales, qui invitait à aller encore plus loin et à tout bonnement fermer les régions pauvres pour se concentrer sur les pôles économiques les plus dynamiques. Et ajoutons qu'en contexte d’austérité, ni Bombardier, ni les médecins spécialistes n’ont eu à se serrer la ceinture.
Mais revenons à 2003. À peine installés aux commandes, les libéraux de Jean Charest ont détourné l’État québécois pour qu'il soit au service du monde des affaires.
Pensons tout d’abord aux Partenariats publics-privés (PPP). L’idée du PPP est la suivante : l’État confie la construction d’un élément d’infrastructure ou d’un bâtiment public à l’entreprise privée qui pourra aussi gérer, dans certains cas, le service qui y sera abrité. Le service public se trouve réduit au statut d’occasion d’affaires. Quant au prétendu partage des risques, on se doute bien de qui, entre l’État et l’entreprise, assumera les dépassements de coûts s'il y avait une mauvaise gestion, et lequel des deux va engloutir les profits.
Mais le plus profond détournement de l’État sous les libéraux de Jean Charest est aussi celui qui a été le moins exposé. Le gouvernement libéral a réalisé, dans le silence le plus complet, de véritables privatisations de sociétés d’État, sans toutefois avoir à réaliser une seule transaction. Le gouvernement Charesta réformé le mode de nomination des CA des sociétés d’État (comme Hydro-Québec, la Financière agricole, etc.), en imposant qu’ils soient à majorité « indépendante ». Ça signifie que les deux tiers des administrateurs d’un CA ne pourront provenir de l’État. Si les administrateurs ne viennent pas du secteur public, ils viendront du privé. On l’aura compris : la porte est grande ouverte à l’investissement massif par le milieu des affaires de la gérance des sociétés d’État, qui sont aussi un haut lieu de réseautage pour les intérêts privés, qui seront bien au courant des futures occasions. C’est une formidable alternative à la privatisation de type conventionnel : pourquoi vendre l’entreprise publique quand il suffit de la donner ?
Pour finir, le gouvernement Charest est aussi celui qui a changé le mandat de la Caisse de dépôt et placement pour que celle-ci se centre sur un objectif de « rendement maximal » et se mette à jouer au casino sur les marchés financiers, menant à des pertes de 40 milliards de dollars. Une sordide affaire qui n’a jamais été pleinement élucidée, le gouvernement ayant refusé la Commission d’enquête réclamée par les partis d’opposition, par plusieurs groupes de la société civile, ainsi que par des anciens premiers ministres du Québec. Aujourd’hui, la Caisse trempe, jusqu’au cou, dans les gaz de schiste et les sables bitumineux, et s'est radicalement désengagée de l'économie québécoise.
Retenons une chose : le gouvernement libéral n’a pas fait entrer le loup dans la bergerie, il a transformé la bergerie en enclos de loups, ayant transformé l’État québécois en véritable succursale, sans vision, sans envergure et sans autre vocation que celle de servir des intérêts privés. Les libéraux ont démantelé nos institutions, celles qui font notre spécificité. Ce n’est pas surprenant que le Québec se soit littéralement couché devant Ottawa pendant toutes ces années.