De nouveau l’errance

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La «constance exemplaire» de Martine Ouellet

La performance de Pierre Karl Péladeau durant sa première année à la tête du PQ en avait déçu plusieurs. On ne saura jamais dans quelle mesure il aurait fini par apprendre son métier de politicien. Après vingt ans d’errance, il avait toutefois réussi à redonner une direction claire à son parti.

Même s’il demeurait vague sur l’échéancier référendaire, personne ne doutait de sa détermination absolue à faire du Québec un pays. Quiconque osait mettre les militants en garde contre la foi aveugle et les dangers de la précipitation était cloué au pilori, comme Jean-François Lisée en a fait la douloureuse expérience.

Maintenant qu’il est parti, le PQ est de nouveau en proie au doute, comme s’il avait perdu sa boussole. Tout se retrouve encore une fois sur la table dans cette triste course : le référendum à tout prix, le report aux calendes grecques, les « conditions gagnantes »… Misère !

En mai dernier, il était tout à fait remarquable de voir Gérald Larose, qui en avait déjà surpris plus d’un en se ralliant au « roi du lockout » au nom de la cause sacrée de l’indépendance, donner maintenant raison à Jean-François Lisée de vouloir « sauver le Québec » du péril libéral, quitte à reporter le référendum à la semaine des quatre jeudis. Il fallait vraiment que l’heure soit grave.

De passage au Devoir jeudi, à l’issue d’une réunion du caucus péquiste, dont elle déplorait le peu d’intérêt pour les discussions sur la souveraineté, Martine Ouellet reprochait précisément à ses adversaires dans la course à la direction d’avoir en quelque sorte intériorisé le discours fédéraliste selon lequel il faut d’abord s’occuper des « vraies affaires », en oubliant la raison d’être du PQ.

Selon elle, ses collègues députés, dont aucun ne l’appuie, ne sont pas représentatifs de la base militante. Les chiffres de Léger tendent à lui donner raison. Un peu plus de la moitié (53 %) des électeurs péquistes, du moins ceux qui voteraient oui, souhaitent que le PQ s’engage à tenir un référendum rapidement, mais 31 % sont d’avis contraire et 16 % ne savent pas quoi penser. Il est vrai qu’ils n’ont pas à s’inquiéter de leur siège.


Plusieurs se réjouiront pourtant des résultats du dernier sondage Léger-Le Devoir: enfin, il y a au PQ une vraie course qui pourrait même nécessiter plus d’un tour le 7 octobre. Alexandre Cloutier, qui la voyait comme une sorte de colistière, n’a tiré aucun profit du retrait de Véronique Hivon, dont les partisans ont plutôt rallié le camp de Jean-François Lisée et surtout de Martine Ouellet.

M. Cloutier n’a que lui-même à blâmer. La révélation de la course de l’an dernier a déçu en menant une campagne aussi peu inspirante que la précédente avait été rafraîchissante, alors que M. Lisée, qui a toujours quelque chose à dire, et Mme Ouellet, dont la constance est exemplaire, ont été égaux à eux-mêmes. M. Péladeau pouvait se permettre une campagne pépère, mais le député de Lac-Saint-Jean a encore trop de choses à démontrer pour se permettre ce luxe.

Avec une avance de 13 points sur son collègue de Rosemont, il n’y a pas de quoi paniquer. Dans la plausible hypothèse d’une finale Cloutier-Lisée, le premier serait le choix de 49 % des partisans de Mme Ouellet. Normalement, les partisans d’un référendum au plus vite devraient préférer celui qui en tiendra peut-être un à celui qui n’en veut pas.

La course entre toutefois dans une phase plus délicate : celle des débats. M. Cloutier a bien compris qu’il n’avait pas d’autre choix que de les accepter tous, mais c’est vers lui que le gros des attaques sera dirigé et l’ambiguïté est la position la plus difficile à défendre, aussi bien lors d’un débat que durant une campagne électorale.

L’an dernier, les militants péquistes avaient conspué Bernard Drainville, quand il avait tenté de forcer Pierre Karl Péladeau à préciser ses intentions. Il n’est pas certain que M. Cloutier aura droit à la même indulgence. On peut compter sur Martine Ouellet pour rappeler la descente aux enfers du printemps 2014, quand Pauline Marois avait réussi le tour de force de mobiliser les électeurs libéraux et de décourager ceux du PQ.


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