De maîtres chez nous à... Rabaska?

Pendant que les Américains font tout pour diminuer leur dépendance extérieure, nous augmenterons la nôtre pour les alimenter!

Rabaska


Depuis que les projets de ports méthaniers de Gros Cacouna et Rabaska ont été présentés au public, beaucoup de désinformation a été véhiculée par le gouvernement et les promoteurs.
Le portrait est pourtant simple. La consommation d'hydrocarbures ne cessant d'augmenter, la planète se dirige tout droit vers un monumental cul-de-sac énergétique, écologique et économique. Selon un rapport publié l'an dernier par l'Energy Watch Group, un groupe international d'étude sur l'énergie, le pic pétrolier mondial a eu lieu en 2006. Selon eux, la demande dépasse maintenant l'offre, et la production de pétrole devrait décroître de 50 % d'ici 2030 alors que la demande, elle, ne cessera de croître.
Cette raréfaction du pétrole aura comme conséquence inévitable, parmi d'autres, celle d'accélérer le pic du gaz naturel et la hausse de son prix. Notre système économique reposant sur des ressources fossiles à bas prix, cette situation nous mène tout droit vers un choc terrible.
Voilà pourquoi nous assistons, un peu partout dans le monde, à une course effrénée pour la mainmise des ressources mondiales de pétrole et de gaz naturel. Au Canada, la majorité de ces entreprises sont passées de mains canadiennes à des mains étrangères. Au Mexique, où les hydrocarbures sont constitutionnellement de propriété publique, le gouvernement Bush ne cesse de demander au gouvernement mexicain de modifier sa constitution afin de permettre à cette ressource d'être privatisée.
Les Mexicains n'ont pas fait l'erreur d'inclure les hydrocarbures dans l'ALENA. Ainsi, seul le Canada est obligé de continuer à fournir son énergie aux Américains, une fois l'exportation commencée, et cela, même si nous venons à en manquer, comme le montre l'étude de Gordon Laxer, un économiste de l'Université d'Alberta, intitulée Freezing in the Dark: Why Canada Needs Strategic Petroleum Reserves.
Si nous prenons la même voie pour le gaz naturel en cessant de nous approvisionner au pays et en nous lançant dans l'importation, notre sécurité énergétique sera encore plus menacée.
Le gouvernement garde ces faits très importants sous silence lorsqu'il parle d'urgence et qu'il approuve les projets de terminaux méthaniers.
Les faussetés...
Outre l'argument écologique des promoteurs qui a été discrédité par les faits (voir infos à [www.quebeckyoto.org->www.quebeckyoto.org], [www.aqlpa.com->www.aqlpa.com]), l'argument invoqué par le ministre Claude Béchard selon lequel diversifier nos sources d'approvisionnement fera baisser le prix de cette énergie est faux, car ce raisonnement ne pourrait être que pour une très courte durée si jamais il y avait baisse. Pourquoi?
Parce que la demande mondiale de gaz naturel liquéfié est déjà plus grande que l'offre et que cet écart ne fera que croître. Ainsi, les promoteurs pourront engranger des profits records sur le dos de tous ceux qui en consommeront... C'est à dire nous.
De l'avis de Ressources naturelles Canada, l'ouest canadien a suffisamment de ressources pour offrir du gaz naturel pendant encore 70 ans. Mais on veut augmenter de façon exponentielle sa consommation pour multiplier la production de pétrole issu des sables bitumineux, fortement polluant et responsable d'une importante partie des augmentations de gaz à effet de serre (GES) au Canada. Pourquoi? Pour alimenter les États-Unis, qui veulent encore et toujours plus de notre gaz et de notre pétrole. [...]
Je me souviens?
En 1962, le gouvernement libéral de Jean Lesage, sous la direction de René Lévesque, a lancé le projet «Maîtres chez nous» de nationalisation de l'hydroélectricité afin que le Québec prenne le contrôle de ses ressources naturelles et, du fait même, de son économie. Ce projet est devenu le premier grand vecteur d'émancipation des gens du Québec et nous a collectivement aidés à nous sortir de cet état de colonie économique dans lequel nous croupissions depuis trop longtemps.
Avec les projets de ports méthaniers, notre gouvernement fait exactement l'inverse. Pour satisfaire des intérêts particuliers, ces élus sont en train de collaborer à la reprivatisation de notre énergie, la perte de contrôle sur nos ressources naturelles et notre économie. Pire, ils contribuent à augmenter notre dépendance envers des ressources fossiles importées pour lesquelles nous n'avons de contrôle ni sur le prix ni sur la distribution.
Pendant que les Américains font tout pour diminuer leur dépendance extérieure, nous augmenterons la nôtre pour les alimenter!
La grande illusion
La plus grande illusion des promoteurs est de nous faire croire que ces projets seront bons pour notre économie. Si, à court terme, ils semblent positifs, à moyen terme, c'est tout le contraire pour les raisons évoquées précédemment. C'est exactement le même problème qu'avec Bécancour en 2004: la construction de ce projet s'est révélée désastreuse pour l'économie à cause de l'augmentation du prix du gaz naturel (le prix auquel cette centrale vend l'électricité à Hydro-Québec a augmenté de 75 % entre le début de sa construction et son ouverture en 2006) et l'écologie du Québec (1 350 000 tonnes de CO2/ an ou 350 000 voitures), malgré les prétentions des promoteurs.
Comble de l'absurde, Hydro-Québec s'est retrouvé devant la régie de l'énergie l'automne dernier pour demander l'arrêt temporaire de production d'électricité de cette centrale, car Hydro-Québec avait trop d'électricité ce qui faisait baisser son prix.
Ainsi, 14 mois seulement après son ouverture, on arrête déjà la production de la centrale de Bécancour! De plus, Hydro-Québec, c'est-à-dire nous, devrons payer une compensation à la compagnie Enbridge, pour ne pas qu'elle produise d'électricité, d'environ 150 millions de dollars! Où sont la Fédération des chambres de commerce du Québec et Gaz Métropolitain, deux fervents promoteurs de Bécancour et de Rabaska, maintenant que nous devons maintenant tous payer pour ce fiasco? Et ils voudraient nous faire croire qu'ils ont à coeur l'intérêt économique du Québec?
Avant-gardistes plutôt qu'immobilistes
Certains lobbies tentent par tous les moyens de convaincre l'opinion publique que nous sommes «immobilistes» pour mieux lui faire avaler des projets totalement inacceptables qui ne profiteraient qu'à eux. Ils veulent notre bien... et ils comptent tout faire pour l'avoir. À cela nous répondrons que nous sommes au contraire des avant-gardistes, car nous voulons mettre en avant des solutions du XXIe siècle et qu'eux, pire qu'immobiles, sont totalement rétrogrades en voulant nous imposer des solutions dépassées.
Le Québec est une terre extraordinaire pour développer les énergies vertes, et des pays tels que la Suède, la Norvège ou l'Islande ont décidé de se sortir de leur dépendance envers les énergies fossiles. C'est cet exemple que nous devrions suivre. Si, et seulement si nous devons continuer à utiliser le gaz naturel, cela doit être en dernier recours. Comme l'a très clairement indiqué le GIEC l'automne dernier, nous devons tout faire pour réduire radicalement nos émissions de gaz à effet de serre, et il n'y a qu'un seul moyen d'y arriver, c'est de réduire radicalement l'utilisation des combustibles fossiles.
Pour les emplois?
Ces deux projets d'importation massive de gaz naturel vont créer environ 100 emplois permanents directs. Pourtant, ce même gouvernement a dit non au projet de 4 milliards de Siemens qui en aurait créé 2500 et aurait établi un partenariat Siemens/Hydro-Québec en R&D pour l'éolien, une technologie du XXIe siècle!
Plus que jamais, il nous faut être visionnaires et courageux tout comme l'ont été MM. Lesage et Lévesque, qui ont eu à coeur l'intérêt supérieur du Québec et non de quelques lobbies. Nous avons besoin d'hommes et de femmes audacieux qui comprennent l'avenir de notre énergie, de notre économie et de notre planète, pas de politiciens et de gens d'affaires qui font dans la petite politique, bafouent la démocratie, se moquent des considérations légitimes de leurs concitoyens et mettent en danger la sécurité et la santé publique.
Le fait que ce gouvernement refuse de divulguer les avis de plusieurs ministères sur le projet Rabaska, même si une majorité d'élus (PQ, ADQ) exige qu'ils soient rendus publics, démontre très clairement qu'il se moque de nous et qu'il est en train de vendre notre démocratie.
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Yves St-Laurent, Collectif Stop au méthanier
André Bélisle, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
Daniel Breton, Québeckyoto
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