Gaz de schiste

Des faits qui commandent un moratoire

le gouvernement n'a pas d'autre choix que d'imposer un moratoire immédiatement, de nous redonner nos droits d'exploration dès maintenant et d'engager un débat national sur notre avenir énergétique afin que nous puissions repartir du bon pied

Gaz de schiste


À la lumière des faits rendus publics au cours des dernières semaines, aucun doute n'est possible: le gouvernement du Québec peut et doit imposer un moratoire sur le développement des hydrocarbures, en général, et sur l'industrie des gaz de schiste, en particulier. Voici l'état des lieux dans ce dossier au Québec.
- Les Québécois se font flouer économiquement
Il est maintenant clairement établi que, en ce qui concerne les droits d'exploration, les Québécois se font flouer, puisque la Colombie-Britannique a reçu 1000 fois plus d'argent pour les droits (3,5 milliards de dollars) que le Québec (3,6 millions de dollars) en 2008 et 2009, comme l'a clairement démontré un texte publié dans La Presse et intitulé: «A-t-on manqué le bateau?». Pourtant, la ministre Nathalie Normandeau a dit vouloir s'inspirer des meilleures pratiques dans cette province...
Il est faux de dire qu'un moratoire ferait fuir les entreprises. Si nous nous tenons debout face à ces entreprises, nous n'avons pas à craindre leur réaction, car le gaz est chez nous. Lorsque Danny Williams, premier ministre de Terre-Neuve, a tenu tête aux entreprises pétrolières, elles sont parties... puis sont revenues en acceptant ses conditions.
- Le BAPE ne pourra être crédible
Des experts en consultation publique sur l'environnement ont reconnu que le BAPE n'a ni les moyens, ni le temps, ni le mandat nécessaires pour considérer de façon scientifiquement sérieuse les enjeux de sécurité et d'environnement, perdant du coup sa crédibilité (voir l'article de Louis-Gilles Francoeur dans Le Devoir intitulé: «Deux experts se prononcent: le BAPE, un mandat atrophié»). Pourtant, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, qui a donné ce mandat au BAPE, a reconnu publiquement que nous n'avions pas encore l'expertise pour savoir à quoi nous en tenir quant au gaz de schiste. Au sud de la frontière, 62 présidents de sociétés scientifiques américaines viennent de demander au gouvernement Obama de soumettre l'exploitation des gaz de schiste à une évaluation écologique avant d'aller plus loin avec cette filière.
N'ayant pas d'étude scientifique indépendante qui nous permettrait de croire que le gaz naturel issu des schistes est aussi propre que le gaz naturel habituel, on ne peut se fier sur la simple parole des promoteurs en ce qui a trait à la sécurité et à la protection de l'environnement. Rappelons que le gouvernement américain s'était fié à BP dans le golfe du Mexique. Rappelons aussi la somme des infractions commises par des entreprises de gaz (dont certaines sont ici) en Pennsylvanie en deux ans et demi: 1435 infractions diverses, dont 952 à caractère écologique.
- Nous ne sommes plus «maîtres chez nous»
Mme Normandeau invoque l'héritage de Jean Lesage («Maîtres chez nous»), sous prétexte que, en prenant du gaz d'ici plutôt que du gaz de l'Alberta, on accroîtra notre indépendance énergétique. En réalité, c'est exactement le contraire. Si Jean Lesage et René Lévesque ont proposé en 1962 la nationalisation de l'électricité, c'était parce que les centrales sur NOTRE territoire appartenaient à des intérêts privés, pour la plupart étrangers.
Le présent gouvernement est en train de démanteler l'héritage libéral incarné par «Maîtres chez nous» en redonnant pour une bouchée de pain le contrôle de nos ressources énergétiques à des entreprises privées, dont plusieurs étrangères. Pour ce qui est des quelques entreprises québécoises telles que Junex, rien ne nous garantit qu'elles resteront québécoises.
Les droits d'exploration ont déjà été octroyés aux entreprises de gaz en vertu de cette loi désuète qu'est la loi des mines. Ainsi, des citoyens sont impuissants lorsque des entreprises s'installent chez eux sans demander aucune permission et entament des activités industrielles dans des secteurs souvent résidentiels ou agricoles. De plus, ces entreprises peuvent en venir à exproprier des citoyens de leurs propres terres. Rappelons-nous ce qui est arrivé à Malartic, où des maisons ont été déménagées pendant l'audience du BAPE sur le projet.
En réponse à ceux qui prétendent qu'une prise de contrôle publique des ressources est une solution de pays émergent qui ne s'applique pas au Québec, rappelons qu'en Norvège l'État garde 51 % de la propriété des droits d'exploitation des hydrocarbures et que ce pays est classé comme le meilleur au monde quant au niveau de vie, selon une analyse de 2010 effectuée par les Nations Unies.
- Une loi désuète et une omission importante
La ministre des Ressources Naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, a reconnu que la présente loi des mines est totalement désuète. Cela n'a pas empêché son gouvernement d'octroyer des droits tout en connaissant les problèmes majeurs auxquels les citoyens feraient face. De plus, la stratégie énergétique datant de 2006 n'a jamais fait mention du gaz de schiste.
- Une absence de vision énergétique durable et rentable
Le Québec, comme le reste de la planète, doit absolument diminuer sa consommation d'énergie pour des raisons écologiques et économiques évidentes. Or ce gouvernement a au contraire adopté une politique d'augmentation constante de notre consommation et de notre production d'énergie et va, contrairement à ce qu'il affirme, rater les objectifs de Kyoto.
Une surabondance de gaz sur le marché nord-américain (qui est en train de se concrétiser) aura pour effet potentiel de fermer la porte, en abaissant trop les prix de l'énergie, à tout futur projet d'exportation rentable d'électricité d'Hydro-Québec. Or nous sommes devant des surplus électriques très importants (au moins jusqu'en 2020, selon H-Q) qui ne tiennent même pas compte des projets La Romaine, Magpie, Petit Mécatina, des petites centrales hydroélectriques privées et du Plan Nord.
Conclusion?
La planète fait face à une grave crise climatique, énergétique et économique. S'ajoute au Québec une crise de confiance majeure envers ce gouvernement. Nous sommes d'avis que, devant les faits énumérés ici sur le gaz de schiste (arguments que nous pourrions étendre à toute la filière énergétique québécoise), le gouvernement n'a pas d'autre choix que d'imposer un moratoire immédiatement, de nous redonner nos droits d'exploration dès maintenant et d'engager un débat national sur notre avenir énergétique afin que nous puissions repartir du bon pied.
L'avenir énergétique, économique et écologique du Québec en dépend.
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Daniel Breton - Président du groupe Maîtres chez nous-21e siècle (MCN21) et André Bélisle - Président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)


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