Il est arrivé dans le passé que le responsable d'un organisme relevant de l'Assemblée nationale soit mis à la porte. Cela avait été notamment le cas du protecteur du citoyen, Daniel Jacoby, après que le vérificateur général eut découvert de troublantes irrégularités dans ses rapports de dépenses et dans l'utilisation de son personnel.
Officiellement, le directeur général des élections (DGE), Marcel Blanchet, a démissionné, mais les attaques brutales et injustifiées dont il a été victime aussi bien de la part de membres du gouvernement que de députés de l'opposition équivalaient à un congédiement.
On peut sans doute reprocher à M. Blanchet d'avoir été un peu mou par moments. Aux yeux des parlementaires qui l'ont crucifié sur la place publique, il a plutôt commis le crime impardonnable d'avoir respecté la loi qu'ils lui avaient confié le mandat d'appliquer. Doit-on comprendre qu'il aurait dû la violer?
Le premier ministre Charest a déclaré qu'il n'avait aucun reproche à adresser à la vice-première ministre, Nathalie Normandeau, qui avait accusé le DGE d'attaquer «le fondement même de notre démocratie» avec son projet de redécoupage de la carte électorale, ni au ministre de l'Agriculture et des Affaires municipales, Laurent Lessard, qui avait crié à la trahison. Dans les circonstances, cela équivaut à une approbation.
On peut comprendre l'amertume des députés venant de régions qui perdront des circonscriptions, mais M. Blanchet fait un bouc émissaire trop commode. Le blâmer pour un problème que l'Assemblée nationale est incapable de régler, alors que sa position lui interdit de répliquer à ses détracteurs avec toute la fermeté que cela mériterait, relève de la lâcheté.
Dans sa lettre de démission, que M. Charest a citée à l'Assemblée nationale, M. Blanchet «remercie tous les parlementaires pour la confiance» qu'ils lui ont témoignée. Il est difficile de ne pas y voir un trait d'humour noir.
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Alors que le gouvernement Charest est prêt à ouvrir une nouvelle brèche dans la Charte de la langue française pour se plier au jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles, Mme Normandeau a déclaré qu'il fallait «aller au-delà du fameux jugement de la Cour suprême» qui a établi en 1991 que l'égalité du vote des électeurs constitue une condition essentielle à la «représentation effective» garantie par la Charte canadienne des droits et libertés.
Bien entendu, en raison de la réalité démographique, sociologique et géographique des régions, cette égalité ne peut être que relative, mais il vient un moment où les exceptions autorisées deviennent insuffisantes pour que la représentation soit réellement effective.
Si la vice-première ministre estime que le cadre imposé par la Constitution canadienne est trop rigide pour assurer une représentation équitable à sa région, elle n'a qu'à en tirer les conclusions. Chose certaine, ce n'est pas au DGE qu'elle doit s'en prendre.
Le projet de loi de Claude Béchard, qui a dû être abandonné en raison de l'opposition intraitable du PQ, avait certainement ses défauts, mais les parlementaires devront un jour ou l'autre décider dans quelle mesure ils sont prêts à prendre les moyens pour tenir compte de la spécificité des régions.
Pour concrétiser la reconnaissance de la nation québécoise, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion réclamant que 25 % des sièges à la Chambre des communes soient réservés au Québec, sans égard à son poids démographique. Si cela vaut pour le Québec dans son ensemble, pourquoi pas pour ses régions?
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On a reproché à M. Blanchet de ne pas avoir suffisamment traqué les contrevenants à la Loi régissant le financement des partis politiques. Comment pouvait-il être aussi inefficace dans la recherche des prête-noms, alors qu'avec des moyens bien moindre, Amir Khadir a pu en débusquer des dizaines dans les grandes firmes de génie-conseil?
Sans doute le DGE aurait-il pu être plus vigilant, mais il n'est pas responsable de la facilité avec laquelle les dispositions de loi peuvent être contournées. Cela fait plus de trente ans que tous les partis le déplorent, mais en profitent allègrement.
En 2005, un groupe de réflexion comptant des représentants des trois partis représentés à l'Assemblée nationale avait été constitué à l'initiative de M. Blanchet. Tous les correctifs un peu musclés qu'il leur a proposés ont été systématiquement rejetés.
C'est seulement parce que les odeurs de scandale étaient devenues insupportables pour la population qu'un projet de loi, que l'opposition péquiste a évidemment jugé insuffisant, a été déposé à l'automne 2009, mais il n'a pas encore été adopté.
Il s'agit sans doute d'un pas dans la bonne direction. Les sanctions imposées aux délinquants seront renforcées, mais le projet ne contient aucune mesure qui empêchera le recours aux prête-noms.
Tout le monde a bien compris que la principale raison pour laquelle le gouvernement s'entête à refuser la tenue d'une enquête sur la corruption dans l'industrie est la crainte de voir dévoilées les généreuses contributions à la caisse du PLQ. C'est sûrement la faute de M. Blanchet.
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mdavid@ledevoir.com
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