De colonie française à nation québécoise

Québec fête ses 400 ans sous la pluie

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Québec 2008 - l'art de détourner le sens la Fête

Québec — Dans un discours inspiré, à l’occasion de la cérémonie soulignant les 400 ans de la fondation de Québec, le premier ministre français François Fillon s’est réjoui hier que la France ait pu s’«agrandir» en Amérique «sans se diviser». Il a souhaité que le rêve de Champlain trouve son prolongement dans un accord transatlantique entre le Canada et l’Union européenne.
Loin de la politique, son homologue québécois, Jean Charest, a quant à lui opté pour un hommage à Samuel de Champlain. «Il y a 400 ans, un découvreur est venu et aujourd’hui, c’est une nation qui le salue», a-t-il déclaré.
«Il n’y a qu’une France et c’est elle qui, depuis quatre siècles, est présente en Amérique», a affirmé François Fillon lors d’une imposante cérémonie devant la statue de Champlain, en présence des premiers ministres Charest et Harper, de la gouverneure générale, Michaëlle Jean, du ministre des Affaires européennes de l’Irlande, Dick Roche, et du chef huron, Max Gros-Louis. «D’une poignée de Saint-Ongeais, de Poitevins, de Normands, de Bretons, ces bateaux ont fait des Québécois.»
Et de faire référence au discours du général De Gaulle en 1968 en déclarant que, 40 ans plus tôt, «une grande voix historique» avait tiré le Québec de son «hivernement» dans l’esprit de ses «compatriotes».
Des propos qui ont sonné comme de la musique aux oreilles de la chef du Parti québécois, Pauline Marois. «J’ai trouvé que c’était un très beau discours qui me rejoignait profondément… en parlant d’un projet de pays, finalement.» À un journaliste qui soulignait que M. Fillon n’avait pas prononcé un «Vive le Québec libre», elle a répondu qu’il avait «failli».
L’attaché de presse du premier ministre Harper, Dimitri Soudas, a refusé de commenter le discours du chef du gouvernement français. «J’ai pas entendu tous les discours. J’étais en train de courir à gauche et à droite.» Pour le reste, il s’est réfugié dans la formule «c’était une belle journée».
Après avoir souligné qu’en dix ans, 30 000 Français étaient venus s’établir au Québec, soit autant qu’en 150 ans à l’époque de la Nouvelle-France, François Fillon a aussi formulé le souhait que ces liens trouvent un sens nouveau dans le projet d’accord transatlantique défendu par le premier ministre Jean Charest.
«Tout Français qui vient à Québec porte dans ses bagages ce contrat vierge que signent par avance les grands pays d'avenir. Nos entreprises, nos universités, nos agences technologiques, nos élus travaillent à en réaliser les promesses. Demain, c'est un large accord économique entre l'Europe et le Canada que la France défendra.» Au terme d'une rencontre de travail plus tôt en matinée, MM. Fillon et Charest avaient d'ailleurs réitéré leur volonté de conclure une entente de mobilité de la main-d'oeuvre et cet accord de commerce.
De son côté, le premier ministre du Québec a opté pour la prudence, se tenant loin du terrain glissant de la politique et des interprétations historiques. Son discours se voulait essentiellement un hommage à Samuel de Champlain.
«Il y a 400 ans, un découvreur est venu et aujourd'hui, c'est une nation qui le salue. Et cette nation le salue dans sa langue. Cette langue que Champlain a portée dans ses bagages et que nous avons su, en 400 ans, faire fleurir. C'est notre héritage le plus précieux», a-t-il évoqué lors de cet événement auquel tout le gratin politique avait été convié. Un événement au chic toutefois atténué en raison du mauvais temps, les dignitaires devant se vêtir de ces immenses imperméables transparents auxquels on reconnaît souvent les touristes.
Une pluie d'hommages pour Québec
Assailli par de fortes averses, Québec célébrait ses 400 ans en présence de nombreuses personnalités politiques et d'une foule de courageux venus assister en grand nombre au déjeuner organisé par le maire, à la cérémonie en hommage à Champlain ou encore au défilé militaire. Un défilé que des manifestants antiguerre ont tenu à dénoncer lors d'un événement parallèle dans le même parc où se réunissait le groupe nationaliste Commémoration Québec.
«Le 3 juillet 1608 aussi, il pleuvait beaucoup», a blagué le maire Régis Labeaume lors de la cérémonie du matin. Contrairement à ce qui était prévu au protocole, ce n'est pas M. Labeaume mais bien Michaëlle Jean qui s'est exprimée en premier, un peu avant 11h. Un changement de dernière minute d'autant plus étonnant que des voix s'étaient déjà élevées contre la trop grande place qu'elle occupait dans les célébrations. Ce qui avait créé des tensions sur le plan du protocole, comme le rapportait Le Devoir d'hier.
Au 400e, on expliquait ce changement par le retard du premier ministre Fillon. Même son de cloche au bureau de la gouverneure générale, où on nous assurait qu'il n'y avait «rien de politique» dans cette décision. «Il y avait du retard et le discours de la gouverneure générale était étroitement lié au "sonnement" des cloches prévu pour 11h», a expliqué sa porte-parole, Marthe Blouin. À l'invitation de l'Organisation des capitales canadiennes, les églises de nombreuses villes, dont Saint-Boniface et Ottawa, ont fait sonner leurs cloches en même temps pour souligner le 400e.
Pour cette journée du 3 juillet, les organisateurs du 400e avaient prévu un horaire particulièrement chargé: déjeuner public devant l'hôtel de ville, messe du cardinal Ouellet à la basilique, défilé militaire, hommage à Champlain, présentation du spectacle commémoratif Rencontres devant le parlement (avec Diane Dufresne, Charlebois, Dubois et al). À cela s'ajoutaient les événements de la soirée: le lancement du Festival d'été (avec Van Halen, IAM et consorts), la projection du film de Jean-Claude Labrecque (avec Jorane et l'OSQ), Le Moulin à images et le grand spectacle pyrotechnique sur le fleuve.
Présenté en fin d'après-midi, l'événement Rencontres restera sûrement gravé dans les mémoires comme l'une des beaux succès du 400e en réussissant précisément là où on avait tout raté le 31 décembre. Mis en scène par Pierre Boileau, ce spectacle prend la forme d'une sorte de comédie musicale dont les numéros chantés sont entrecoupés de monologues historiques d'Yves Jacques, dans le rôle du fondateur de Québec, Samuel de Champlain.
Conçue pour la télévision, cette performance s'appuie sur un dispositif imposant avec des dizaines de danseurs, choristes et acrobates ainsi qu'une gigantesque scène circulaire autour de la fontaine de Tourny. On a aussi mis le paquet avec des entrées en scène assez spectaculaires (Champlain apparaissant en haut de la façade du parlement, Diane Dufresne sur une moto, Marie-Jo Thério en calèche, Ariane Moffatt en vélocipède, Robert Charlebois sur un trône, etc.).
Tous les numéros se défendaient, mais on se rappellera notamment du très beau medley de Ariane Moffatt et Karkwa en hommage à Leclerc et Léveillée. Et comme si ce n'était pas assez, les organisateurs avaient réservé au public deux autres belles surprises en leur offrant Pagliaro et Vigneault. Avis aux intéressés, le spectacle sera de nouveau présenté en après-midi aujourd'hui et demain. Il sera également télédiffusé ce soir à l'antenne de Radio-Canada.
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Avec La Presse canadienne et la collaboration d'Antoine Robitaille


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