Dans la tête de Bush

Rapport Baker-Hamilton




Malgré le verdict cinglant des élections de mi-mandat, malgré le constat brutal du Groupe d'études sur l'Irak, George W. Bush continue à se lever le matin avec la certitude que l'Histoire lui donnera raison.
«Nous l'emporterons», a déclaré le président au lendemain de la publication du rapport Baker, qui concluait à l'échec de sa politique irakienne, pierre d'assise de sa présidence.
Comment expliquer l'optimisme indestructible du président ? La réponse tient peut-être en deux mots : Harry Truman.
Le président se voit dans la peau de Truman, ce politicien sous-estimé du Missouri qui implanta le plan Marshall pour reconstruire l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, ce président modeste mais résolu dont la doctrine orienta la politique étrangère de son pays du début à la fin de la guerre froide.
Dans sa tête, George W. Bush est ce Harry Truman, incompris et méprisé en son temps, respecté, voire admiré, 50 ans plus tard. Il le dit et le redit à toutes les occasions.
Cette semaine, par exemple, le président Bush a accordé la Médaille de la liberté à l'écrivain David McCullough, auteur de Truman, une biographie du président Harry Truman qui lui a valu en 1994 un prix Pulitzer. S'il y a un livre qui a réhabilité l'image de Truman, c'est bien celui-là.
La Médaille de la liberté, rappelons-le, est la plus haute distinction qu'un citoyen peut recevoir aux États-Unis. Il y a deux ans, le président Bush avait conféré cet honneur à l'ancien directeur de la CIA, George Tenet, qui l'avait aidé à justifier la guerre en Irak.
George W. Bush cite le nom de Truman dans ses discours les plus importants, établissant un parallèle entre la période de la guerre froide et la guerre contre le terrorisme. «Le président Truman a été explicite sur le fait que la guerre froide était une lutte idéologique entre la tyrannie et la liberté», a déclaré le président républicain en mai dernier devant la promotion sortante d'officiers formés à la prestigieuse Académie militaire de West Point.
La guerre contre le terrorisme est également une lutte idéologique, selon le président Bush. Et, pour promouvoir l'instauration de la démocratie au Proche-Orient, il faut venir à bout des «extrémistes» en Irak, a-t-il répété jeudi lors de sa conférence de presse à la Maison-Blanche.
Le verdict électoral ? Le rapport Baker-Hamilton ? Cela ne change rien au discours de George W. Bush. Le président a raison et, vendredi, il l'a dit à la face même des démocrates, en se servant encore une fois de l'exemple de Truman.
«Il a établi un parallèle intéressant», a confié au Chicago Tribune le sénateur démocrate de l'Illinois Dick Durbin, qui a participé à cette rencontre entre le président et les élus les plus importants du Congrès. «Il a dit : Harry Truman est arrivé avec la bonne doctrine, la bonne approche, pour combattre le communisme. Ce n'était pas populaire. Il a quitté la Maison-Blanche rejeté par la majorité du public, mais l'Histoire a montré qu'il avait raison.»
Le sénateur Durbin trouve que le parallèle ne tient pas, et il l'a dit au président, lui rappelant notamment que Truman avait des alliés pour faire face au communisme. Quand les soldats britanniques quitteront l'Irak l'an prochain, les États-Unis se retrouveront à peu près seuls pour affronter le chaos de ce pays.
Le démocrate de l'Illinois a également rappelé au président que Truman n'avait jamais rompu les négociations avec l'ennemi (soviétique).
Au-delà de ce parallèle, plusieurs sénateurs démocrates doutent que le président Bush ait compris le message de l'électorat ou la conclusion du rapport Baker. «Il faut que quelqu'un dise à cet homme qu'il faut des changements significatifs», a déclaré sur un ton impatient Harry Reid, le prochain chef de la majorité démocrate au Sénat.
Le président devrait annoncer des «changements» à sa politique irakienne dans un discours à la nation avant Noël. D'ici là, il mènera des «consultations» à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement. Or, selon un article publié hier dans le Washington Post, la principale préoccupation du président et de ses conseillers est de trouver des solutions de rechange au plan Baker.
Têtu comme Truman
Il y a peut-être un autre parallèle entre Bush et Truman. Pas le Truman de la présidence, mais celui du cinéma. Dans le film Le Show Truman, le personnage joué par Jim Carey vit, à son insu, dans un monde artificiel. Malgré les manipulations de son entourage, il finit par s'en rendre compte.
Il reste deux années à la présidence de George W. Bush.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé