Le Liban et le 11 septembre

Géopolitique — Proche-Orient


New York - Il y a une semaine, George W. Bush a commencé à lier la crise libanaise au 11 septembre 2001. Il est revenu sur ce thème lundi à Miami, où il prenait la parole devant des militaires.
"Pendant des décennies, le Moyen-Orient a permis à la tyrannie et à la terreur de prospérer. Et comme nous l'avons vu le 11 septembre 2001, le statu quo au Moyen-Orient conduit à la mort et à la destruction aux États-Unis, et cela doit changer", a déclaré le président américain, appelant à la défaite militaire du Hezbollah. "Quand elle (la démocratie) se répandra au Moyen-Orient, a-t-il ajouté, les peuples de cette région troublée auront un avenir meilleur, les terroristes perdront leurs refuges et leurs recrues, et les États-Unis seront plus en sécurité."
Ce discours était remarquable à plusieurs égards. Rappelons d'abord que le père de George W. Bush a contribué à ce "statu quo" qui mène "à la mort et à la destruction aux États-Unis". Contrairement à son fils, George H. W. Bush a refusé de souder complètement la politique étrangère des États-Unis à celle d'Israël (il s'est notamment mis à dos le gouvernement Shamir sur la question des colonisations juives). Il a d'autre part renoncé à envoyer ses soldats à Bagdad lors de la guerre du Golfe. Ce commandant en chef préférait le "statu quo" - Saddam Hussein au pouvoir en Irak - à l'occupation américaine d'un territoire arabe.
Le discours de Miami illustrait un autre point: dans l'esprit du président américain, la guerre entre Israël et le Hezbollah est devenue celle de son pays. Ce n'est pas un hasard.
George Walker Bush, born-again christian, a découvert la Terre sainte en 1998 en compagnie d'Ariel Sharon, alors ministre des Affaires étrangères. Bush était gouverneur du Texas. Les deux ont survolé Israël à bord d'un hélicoptère. Selon la légende, Bush a dit à Sharon, en voyant l'endroit où l'État hébreu est le plus étroit: "Nous avons des entrées de garage plus larges que ça au Texas."
La relation entre Bush et Israël s'est approfondie après l'élection du Texan à la Maison-Blanche. En mars 2001, voici ce qu'il a dit à Sharon, selon une anecdote publiée mercredi à la une du New York Times: "J'utiliserai la force pour protéger Israël." Selon le Times, Sharon n'en revenait pas.
Comme tous les chrétiens évangéliques, George W. Bush a une affection profonde pour Israël. La différence, c'est qu'il peut transformer cette affection en politique révolutionnaire, voire messianique. Sa secrétaire d'État, Condoleezza Rice, parle ainsi de bâtir un "nouveau Moyen-Orient" alors que la guerre fait rage en Irak, au Liban, en Israël et dans la bande Gaza, alors que les populations arabes détestent souvent Israël et les États-Unis avec une même passion.
George W. Bush et Condoleezza Rice se retrouvent aujourd'hui au ranch de Crawford, au Texas, où le président commence ses vacances estivales (d'une durée de neuf jours, elles seront beaucoup plus courtes que les précédentes). Le hasard a voulu que le président et sa secrétaire d'État soient ensemble un 6 août. Dans une certaine mesure, cette date est aussi importante que le 11 septembre.
L'histoire est bien connue: le 6 août 2001, George W. Bush est en vacances au Texas. Le matin, un analyste de la CIA lui présente le fameux PDB (presidential daily brief), compte rendu quotidien de l'agence de renseignement au président.
Le titre du document est sensationnel: Ben Laden déterminé à frapper les États-Unis. Le document affirme: "Les membres d'Al-Qaeda, dont certains sont citoyens américains, ont résidé ou ont voyagé en Amérique depuis des années, et le groupe y maintient apparemment une structure de soutien qui pourrait appuyer des attentats."
La réaction de Bush? Selon The One Percent Doctrine, le nouveau livre de Ron Suskind, journaliste réputé, il déclare à l'analyste de la CIA: "You've covered your ass, now" (tu t'es bien couvert, là).
Condoleezza Rice a souvent défendu le président en disant que la note du 6 août 2001 était de nature "historique", qu'elle ne contenait aucune menace précise.
La note du 6 août était bien sûr d'actualité. Elle n'était qu'une alerte de plus dans un long été d'alertes. Le 25 juin 2001, par exemple, Richard Clark, tsar de l'antiterrorisme, avait averti Condoleezza Rice que six rapports venant de différents services de renseignement annonçaient un attentat prochain. Cinq jours plus tard, un autre rapport confirmait que "Ben Laden prépare des attentats de grande ampleur à une date rapprochée".
Mais Oussama ben Laden n'intéressait pas George W. Bush. Dans sa soupe, il voyait Saddam Hussein, l'homme qui avait échappé à son père.
George W. Bush et Condoleezza Rice se retrouvent donc un 6 août au Texas pour planifier la suite des choses au Moyen-Orient. C'est rassurant.


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