CRISE AU LIBAN : Un sujet radioactif

Géopolitique — Proche-Orient


Markos Moulitsas, alias Kos, a choisi de ne pas écrire sur le conflit au Proche-Orient. Il n'a pourtant pas l'habitude de passer une occasion de critiquer le président républicain George W. Bush et ses alliés. Cinq jours par semaine, cet ex-militaire claironne ses opinions sur le blogue politique le plus populaire et redoutable des États-Unis.
À la tête d'une armée de "Kossacks", le jeune blogueur est devenu une force incontournable au sein du Parti démocrate. Sa passion est contagieuse. Son franc-parler est décapant. Et pourtant, sur Israël et le Liban, il ne pipe mot, sous prétexte que le conflit est insoluble.
Bill Kristol, éditeur du magazine The Weekly Standard, en parle beaucoup, lui, comme il a beaucoup parlé de l'Irak avant la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Aujourd'hui, faisant fi du fiasco irakien, le journaliste néoconservateur encourage le président Bush à attaquer l'Iran. Car tout passe par l'Iran, dans l'esprit de Kristol : le Hezbollah, la Syrie et le rapt de deux soldats israéliens, le 12 juillet.
"Nous devrions penser à répliquer à cet acte d'agression iranienne avec une frappe militaire contre les équipements nucléaires iraniens. Pourquoi attendre ? (...) Oui, il y aurait des répercussions - et elles seraient saines, révélant une Amérique forte qui a renoncé à l'apaisement", a-t-il écrit récemment.
Le silence de Kos et l'appel de Kristol en disent long sur le climat politique aux États-Unis.
Les démocrates ne font pas entendre la moindre critique sur l'offensive israélienne au Liban, dont la férocité a entraîné une crise humanitaire. Comme au lendemain du 11 septembre 2001, ils soutiennent massivement la position de l'administration républicaine. Cette fin de semaine, certains d'entre eux se joindront même à une délégation de parlementaires républicains en Israël.
"La délégation va montrer clairement que nous sommes aux côtés de notre allié Israël dans sa lutte contre le terrorisme et que nous sommes aux côtés de tous les peuples et gouvernements de la région qui s'opposent au terrorisme", a déclaré le chef de la délégation, le républicain Dennis Hastert.
La sénatrice démocrate Hillary Clinton n'a pas dit autre chose lundi dernier devant une foule new-yorkaise. Ainsi, par l'entremise d'Israël, les démocrates refont la paix avec les républicains.
La quasi-unanimité autour d'Israël n'est pas moins frappante dans les médias, où le jupon de certains journalistes dépasse. Cette semaine, le magazine électronique Slate, qui appartient aujourd'hui au Washington Post, a publié un texte signé par son éditeur, Jacob Weisberg, intitulé : "Ne blâmez pas Bush". Dans son article, qui s'adresse aux démocrates, Weisberg évoque son passage récent à la frontière qui sépare Israël du Liban.
"D'où nous nous tenions, mes collègues et moi, nous pouvions voir les combattants du Hezbollah", a écrit Weisberg, en précisant que son voyage en Israël avait été payé par l'organisme AIPAC, qui est à Israël ce que la NRA est aux armes à feu, un lobby américain des plus influents.
Et Kos n'a rien à dire, comme si le sujet était radioactif.
Le révérend Jerry Falwell, lui, n'est pas silencieux. Jeudi, le fondateur de la Moral Majority a participé à une conférence de presse à Washington, où il a pris la parole au nom d'une nouvelle organisation, appelée Christians United for Israel. Le devoir de tout bon chrétien, a-t-il dit, c'est d'appuyer l'État hébreu dans son combat vital.
"Ce n'est pas une position populaire dans les médias internationaux, dans une bonne partie de l'Europe et du monde, mais c'est la bonne chose à faire", a-t-il déclaré.
L'appui des chrétiens fondamentalistes à Israël n'est pas tout à fait désintéressé. Ils sont convaincus que le Messie reviendra en Terre promise après avoir rassemblé (et converti) le peuple juif.
Dans ce contexte fiévreux, George W. Bush semble avoir retrouvé ses certitudes. Le président américain voit dans la crise actuelle une occasion de poursuivre sa mission révolutionnaire au Proche-Orient et d'aller à la "source" du problème.
Il se défend de vouloir attaquer l'Iran, souhaitant seulement son "isolement". Cependant, s'il suit de nouveau les conseils de Bill Kristol, le Proche-Orient deviendra radioactif au sens propre comme au sens figuré.
En attendant, Kos est muet. Chez les démocrates, seul le président du parti, Howard Dean, a osé formuler une critique, non pas à l'endroit d'Israël, mais à propos du désengagement de l'administration Bush au Proche-Orient.
"Refuser de s'engager tout en parlant fermement et en ignorant les problèmes internationaux ne constitue pas une politique étrangère. Il nous faut une politique étrangère qui sont à la fois ferme et intelligente", a-t-il dit.


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