D'abord gouverner, la souveraineté attendra

PQ - XVIe congrès avril 2011



Denis Lessard - (Beaupré) Pauline Marois veut avoir les coudées franches. Pas question de préciser d'échéancier pour la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec. La liste des revendications d'un gouvernement péquiste à l'endroit d'Ottawa est très longue, mais samedi, la chef péquiste ne voulait pas préciser la stratégie de son gouvernement s'il se heurtait à un mur du côté fédéral.
Rendue publique samedi, la «proposition principale» qui servira de canevas au prochain programme péquiste adopté au congrès d'avril 2011, propose simplement que la souveraineté soit réalisée «à la suite d'une consultation par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement». «On se garde toute la liberté d'action, c'est la position que je défends depuis que je suis revenue au Parti québécois», a dit Mme Marois tout en rappelant que son plan d'action avait été adopté à l'unanimité. «Je me sens assez solide là-dessus» a-t-elle affirmé.
Tous les moyens pour plus de pouvoirs
«Le référendum important, celui qu'on veut tenir, doit porter sur la souveraineté», continue Pauline Marois. La stratégie des «référendums sectoriels» pour revendiquer des compétences spécifiques n'est pas écartée. Ce n'est cependant pas la voie «privilégiée» prévient la chef péquiste. Le document péquiste prévoit le recours au nonobstant et même «l'adoption de modifications constitutionnelles». Les outils privilégiés seront des résolutions de l'Assemblée nationale ou des recours aux tribunaux plutôt que des «gestes de rupture» préconisés par l'aile orthodoxe du PQ.
«Notre vision sera dans chacun de nos gestes. Notre option, elle, sera dans chacune de nos politiques. Notre idée du Québec sera partout. Avant, pendant et après l'élection, nous sommes des souverainistes. Le Québec peut et doit agir en toute liberté», a-t-elle soutenu. «Gouverner le Québec en souverainiste, cela veut dire qu'on n'acceptera pas béatement des intrusions fédérales dans nos pouvoirs, qu'on va repousser à la limite le carcan constitutionnel canadien. On occupera tout l'espace possible, pour assurer notre développement.»
S'il est élu, le PQ «utilisera tous les moyens à sa disposition pour mettre fin aux ingérences du gouvernement fédéral dans les domaines de l'éducation, de la culture, de programmes sociaux, de la santé et de toute autre compétence exclusive du Québec», lit-on dans le document. «Notre objectif est de faire avancer le Québec, pas de provoquer des crises. Et pour avancer, le Québec a besoin de pouvoirs», soutient la chef péquiste.
Agenda de «bon gouvernement»?
Le caractère vague des engagements du PQ donnait samedi plus de poids aux déclarations de Jacques Parizeau, publiées The Globe and Mail. Il est d'avis que trop de souverainistes misent sur le pouvoir en proposant un agenda de «bon gouvernement» plutôt que de préparer la souveraineté du Québec. «Si vous voulez que des gens adhèrent à une sorte d'idéal, certains diraient un rêve, vous devez définir l'objectif et les moyens de s'y rendre (...) Vous ne pouvez pas remplacer des idées claires. Et actuellement, je présume que pas mal de choses doivent être clarifiées», avait soutenu M. Parizeau, à la veille du dépôt du plan de match péquiste pour les prochaines élections.
«Nous prouvons aujourd'hui qu'on prépare l'indépendance, a rétorqué Mme Marois. J'échange régulièrement avec M. Parizeau et je sens plutôt un appui de sa part. M. Parizeau est toujours impatient, c'est normal, nous le sommes aussi.»
Les propos de M. Parizeau ont soulevé bien des commentaires sur place. Pierre Curzi et Bernard Drainville, députés de Borduas et Marie-Victorin, jugent que le plan de match de Mme Marois est tout à fait compatible avec le souhait de l'ancien chef. La souveraineté est l'aboutissement des revendications du PQ, résume M. Curzi.
«Le discours de Mme Marois est clair. La souveraineté imprègne toutes nos pensées, toutes nos revendications. La maquette du Québec souverain se fait, elle se construit actuellement», a affirmé le député de Borduas.
Le français, cheval de bataille
Comme l'indiquait La Presse il y a deux semaines, le texte propose d'imposer la loi 101 au collégial - les francophones et les allophones ne pourraient aller au CÉGEP en anglais, une disposition applaudie par les délégués. En revanche les collèges francophones devront offrir aux étudiants qui le demandent une session d'immersion en anglais. Les CEGEP anglophones devront offrir de l'immersion en français. Le PQ compte réduire les subventions aux écoles privées qui refusent d'intégrer des élèves en difficulté d'apprentissage et on coupera les vivres à celles dont l'enseignement s'appuie avant tout sur la religion. On appliquera aux entreprises qui comptent entre 11 et 49 employés les dispositions de la Charte de la langue réservées jusqu'ici aux firmes qui ont plus de 50 salariés. Les cours d'histoire nationale au niveau secondaire seront revus.
Un Québec «vert et bleu» et riche
Le Québec sera «vert et bleu» sous le PQ, a souligné Pauline Marois durant son discours. Le gouvernement investira dans l'économie verte tout en ciblant l'indépendance énergétique. Transport collectif et énergies renouvelables seront au centre des activités d'un gouvernement souverainiste. «Nous pourrons aller plus loin, plus vite, beaucoup plus en profondeur quand nous aurons tous les moyens d'un pays souverain. Mais nous agirons cependant sans attendre, à nos yeux c'est aussi un moyen de devenir plus libres», a-t-elle dit.
Un gouvernement du PQ déclencherait la fameuse enquête sur l'industrie de la construction, ramènerait à 500$ le plafond des contributions aux partis politiques qui est actuellement de 3000$. Un gouvernement péquiste reverra le mandat de la Caisse de dépôt.
Aussi le Québec se dotera d'une politique de l'entrepreneurship, protègera les forêts et le secteur agricole. Le PQ fera la promotion de la création de la richesse, «un objectif incontournable». Le PQ «n'est pas dogmatique en matière d'économie. Si les moyens collectifs sont utiles, on va les prendre. Si ça passe par l'initiative individuelle, on va la soutenir», a promis Pauline Marois.
Une proposition dévoilée au dernier moment
Curieusement, les 300 militants péquistes réunis hier pour le dévoilement de cette plateforme n'ont eu accès au texte de la proposition qu'après une longue présentation, enthousiaste, du président de la commission politique du PQ, Daniel Turp, et du président du parti, Jonathan Valois. Le but était de permettre à l'assistance de se concentrer sur la présentation, a expliqué Pauline Marois; ils auront amplement le temps de débattre du texte d'ici le congrès.
L'ex-syndicaliste Marc Laviolette, président de l'association de Jacques Cartier, ne cachait pas sa déception. «Il faut que nos revendications soient claires. C'est très décevant, on nous présente un programme de gérance provincialiste. Si on calcule le coût des politiques sociales décrites, il va falloir aller chercher l'argent à Ottawa. Il faut le dire sinon, si on gère une province comme souverainiste, on se fait haïr», a lancé M. Laviolette. À son avis, le PQ devrait dire clairement ce qu'il demandera et prévenir qu'il en appellera au peuple en cas de refus d'Ottawa. «Le Bloc Québécois paraîtrait ainsi bien plus déterminé dans sa démarche souverainiste», a dit l'ex-ténor du SPQ libre. Pour sa part, Monique Richard, députée et à l'origine du club politique souverainiste, était pleinement satisfaite de la proposition de son parti.


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