Crise de foi

À lire absolumentPQ divisé entre "souverainistes" et "autonomistes"... DANGER!

En juin 1994, Daniel Johnson avait déclaré en entrevue au Devoir que la souveraineté était inscrite dans la «fibre» de tous les Québécois, y compris dans la sienne, même s'il estimait que ce n'était pas la solution aux problèmes auxquels le Québec faisait face.
L'ancien premier ministre n'avait pas tort. Malgré les creux de vague, la possibilité que le Québec devienne un jour un pays souverain est toujours demeurée présente dans les esprits, comme un rêve pour les uns, comme une simple police d'assurance pour les autres.
Le sondage Léger Marketing dont Le Devoir a publié la deuxième tranche hier a de quoi laisser perplexe. La souveraineté est peut-être dans la fibre des Québécois, mais elle disparaît de leur écran radar. Moins du tiers (31 %) d'entre eux croient encore qu'elle se réalisera un jour. Même chez les péquistes, 40 % ont jeté l'éponge. Or le militantisme carbure à l'espoir. Si la foi n'y est plus, qui va transporter les montagnes?
C'en est au point où 45 % des électeurs qui votent pour le PQ sont maintenant d'avis que ce parti devrait chercher à améliorer le statut du Québec au sein de la fédération canadienne plutôt que de poursuivre l'objectif de l'indépendance.
Quand Pauline Marois est revenue, il y a un an, elle a voulu lui insuffler un peu de réalisme politique. La promesse de tenir un référendum le plus rapidement possible au cours d'un premier mandat le plaçait manifestement en porte-à-faux avec l'opinion publique, mais c'est à se demander si elle n'a pas un peu trop forcé la dose.
Certains semblent vraiment croire à la possibilité qu'un gouvernement péquiste puisse négocier le rapatriement de certains pouvoirs liés à l'identité, comme le dernier conseil national en a retenu l'idée.
On peut vouloir jouer la carte du fédéralisme renouvelé pour des raisons stratégiques, dans l'espoir qu'une nouvelle rebuffade crée des «conditions gagnantes», mais il est assez troublant de constater que le quart des péquistes (24 %) voteraient NON lors d'un éventuel référendum sur la souveraineté.
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Remarquez, comment s'en étonner si le PQ fait maintenant la critique du fédéralisme en termes fédéralistes? À l'entendre, ce n'est plus la souveraineté mais un meilleur partage des pouvoirs qui permettrait de résoudre les problèmes.
Cette semaine, la réaction péquiste à la menace de fermeture des salles de nouvelles de TQS a consisté à réclamer le rapatriement des pouvoirs en matière de radiodiffusion et de télécommunications.
L'exemple est plutôt mal choisi: la voie constitutionnelle est si longue et si incertaine qu'elle apparaît comme le moyen le plus sûr de rééditer à TQS, 40 ans plus tard, le drame des «gars de Lapalme», qui avaient combattu jusqu'à leur dernier souffle pour sauver leur emploi, sans succès.
Par ailleurs, en acceptant que la question puisse être réglée dans le cadre fédéral, le PQ rend légitime aux yeux de la population la démarche du gouvernement Charest, qui réclame la création d'un bureau régional du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), dont les membres seraient choisis en concertation avec le Québec.
Des demi-mesures comme celle-là ont fait très bonne impression sur l'opinion québécoise depuis deux ans, si on en juge par le taux de satisfaction de 46 % à l'endroit du gouvernement Harper, malgré sa mauvaise foi en matière d'environnement, l'impopularité de l'engagement canadien en Afghanistan, les mensonges (Chalk River, l'affaire Cadman) et les tricheries (violation de la loi électorale).
On a accueilli comme une grande victoire l'octroi d'un strapontin au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO, qui ne répond pourtant pas du tout aux revendications que le Québec a fait valoir depuis 40 ans en vertu de la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement international de ses compétences constitutionnelles.
Si besoin était, les tours de passe-passe qu'a dû faire Monique Jérôme-Forget pour boucler son dernier budget témoignent de façon éloquente que le problème du déséquilibre fiscal demeure entier, même si tout le monde en parle comme s'il était réglé ou, plutôt, n'en parle plus.
Dans l'esprit du PQ, il ne s'agit peut-être que de récupérer quelques outils en attendant le jour où il sera possible de mettre la main sur tout le coffre, mais contrairement à ce que dit le proverbe, l'appétit ne vient pas nécessairement en mangeant.
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Au printemps dernier, Pauline Marois avait indiqué qu'elle serait disposée à appuyer les revendications constitutionnelles d'un éventuel gouvernement adéquiste, dont la bonne foi en matière de renouvellement du fédéralisme serait moins suspecte que la sienne.
Bien entendu, la chef du PQ ne pouvait pas souhaiter l'élection d'un gouvernement adéquiste, mais elle sait très bien qu'elle ne pourrait pas orchestrer elle-même une réédition de l'échec de l'accord du Lac-Meech. Remarquez, les demandes d'un gouvernement adéquiste demeureraient sans doute très en deçà de celles du rapport Allaire, mais on peut penser que ses prétentions autonomistes seraient très mal reçues dans le reste du Canada.
La dégringolade de l'ADQ modifie toutefois les perspectives. Si la tendance des derniers mois se maintient, Mario Dumont pourrait bien se retrouver encore une fois dans le «poulailler» de l'Assemblée nationale avec une poignée de compagnons d'infortune. On peut même imaginer que, de guerre lasse, il décide de quitter la politique et que les survivants soient absorbés par les «vieux partis». Il y a des limites à jouer les Sisyphe.
Après le résultat désastreux du 26 mars 2007, le report du référendum sine die était sans doute inévitable, mais il est clair qu'il a eu un effet démobilisateur. Dès le départ, plusieurs au PQ ont grimacé à l'idée de se faire les complices de l'ADQ. Si ce parti disparaît, ils comprendraient encore plus mal quel la doctrine autonomiste lui survive sous le couvert de la «gouvernance nationale».
Le danger qui guette le PQ est que ceux qui ont besoin de continuer à croire n'arrivent plus à trouver chez lui matière à nourrir leur foi, comme l'a bien expliqué Victor-Lévy Beaulieu en se joignant au Parti indépendantiste.
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mdavid@ledevoir.com


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