Course à la chefferie du PQ: l’importance du mode de scrutin.

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PKP largement favori


La course à la chefferie du PQ ne fait que commencer (l’élection est dans 6 mois environ, les 13-15 mai pour le premier tour). Il y a 5 candidats officiellement déclarés, mais le grand favori n’a en fait pas encore annoncé. En effet, PKP n’est pas encore candidat bien que les sondages le placent largement en tête. Et je dis bien « pas encore » tant il serait surprenant qu’il ne se présente pas.


Le premier sondage, fait par Léger à la fin septembre, plaçait PKP à plus de 50% parmi les sympatisants PQ, loin devant tous les autres candidats potentiels (tous sous les 7%). Plus récemment, un sondage Crop trouvait que 28% des électeurs seraient davantage enclins à voter pour le PQ si PKP en était le chef. Là aussi, l’effet est bien supérieur à celui de tous les autres candidats. PKP pourrait créer un gain net de 8 points (28% plus probables et 20% moins probables), un effet non négligeable.


Premièrement, bien que la question posée par Crop soit intéressante, elle n’est vraiment pas directement comparable à la question posée par Léger. À l’avenir, il serait sympa si ces deux firmes pouvaient au moins poser la même question aux mêmes personnes (Léger demandait aux partisans PQ, Crop à tous les électeurs; Pour rappel, le PQ a décidé de ne pas faire des « primaires ouvertes » et seuls les membres du PQ pourront voter).


Le sondage Léger nous indique que PKP est le favori parmi les candidats. Mais le sondage ayant été fait avant même qu’aucun candidat n’annonce officiellement, il est raisonnable de penser que PKP profitait d’être le plus connu (bien que Jean-François Lisée ou Bernard Drainville ne sont de loin pas des inconnus). Tandis que le sondage Crop nous indique que PKP a le potentiel pour augmenter les appuis au PQ (et est en fait le seul qui semble pouvoir le faire). Ainsi, ces deux sondages sont vraiment complémentaires.


PKP semble en particulier apte à ralier les souverainistes. Ce qui n’est pas vraiment surprenant après la dernière campagne électorale. Sauf que réactiver le clivage souverainistes-fédéralistes n’est peut-être pas la meilleure stratégie pour reprendre le pouvoir. Mais c’est un autre débat.


PKP crée aussi la controverse sur plusieurs points, notamment le fait qu’il possède une bonne partie des médias au Québec. Sur cet enjeu, le sondage Crop nous indique qu’une majorité de Québécois (54%) trouve cela inacceptable (dont 30% qui sont dans la catégorie « tout à fait inacceptable »). La façon dont PKP a géré cet enjeu (et les autres crises) montre que Pierre Karl Péladeau n’est pas un candidat conformiste et qu’il ne cherche pas forcément à faire l’unaniminité. Son avance actuelle semble énorme, mais on peut se demander si nous ne verrons pas un effet « anything but PKP » au PQ à un moment ou à un autre. Lors des courses à la chefferie, ce genre d’effets n’est pas rare et PKP a pratiquement le profil parfait pour que cela se produise (nouveau au sein du parti; ayant des positions différentes, notamment sur le rôle du privé en santé; est le grandissime favori dès le début; etc).


Et c’est là que le mode de scrutin choisi par le PQ pourrait avoir son importance. Les règlements actuels ne sont pas super clairs. S’il est bien indiqué qu’un candidat doit recevoir plus de 50% des votes pour être élu au premier tour, les modalités du 2e tour sont moins claires. Le PQ semble avoir opté pour un mode de scrutin « à la française » où l’on garde les deux premiers candidats et on revote. Cela est différent des scrutins récents où les membres pouvaient classer les candidats dans l’ordre désiré et on ne faisait que redistribuer les votes. Avoir un vrai 2e tour, 5-6 jours plus tard, crée une dynamique différente. Pour PKP en particulier, cela signifie que s’il y a une bonne partie des membres du PQ qui sont contre lui, ils auront l’occasion de s’organiser et s’allier. Ce n’est pas sans rappeler Michael Ignatieff qui avait terminé en tête au premier tour mais n’avait pas réussi à récolter beaucoup de votes auprès de ses adversaires. Et si vous ne croyez pas que le mode de scrutin a son importance, l’exemple du PLC est pertinent. Si ce parti avait utilisé le mode de scrutin choisi par le PQ, Bob Rae aurait été élu au lieu de Dion (dans les deux cas cependant, je ne crois pas qu’Ignatieff avait une chance). Je ne dis pas ici que le mode de scrutin est l’élément le plus important, mais celui retenu par le PQ n’est potentiellement pas le meilleur pour PKP. Au cours de cette campagne, il va naturellement être la cible de toutes les critiques tant son avance est évidente. Avoir deux tours va permettre à son opposition de s’unir plus facilement que si les membres ne votaient qu’une seule fois (et qu’il fallait ainsi planifier la redistribution à l’avance). Ce système signifie aussi qu’un candidat consensuel mais terminant 3e sera directement éliminé (à l’inverse de Stéphane Dion pour le PLC qui avait grimpé de la 3e à la 2e puis 1ère place au fur et à mesure qu’on éliminait des candidats et revotait, le même jour).


Au fait, je trouve curieux d’avoir un vrai 2e tour mais aussi proche du 1er. Cela rend le processus plus compliqué (tout le monde doit revoter) sans pour autant laisser assez de temps pour une vraie campagne. Mais cela est au-delà de mon point pour ce billet.


En conclusion, PKP est de loin actuellement le favori pour devenir le prochain chef du PQ. Mais son profil et avance signifient qu’il pourrait fort bien se créer un mouvement « tous contre PKP » au sein de ce parti. Et dans ce cas-là, le mode de scrutin à deux tours n’est pas optimal pour PKP. Bien sûr, s’il conserve son avance actuel, il peut espérer être élu au premier tour. Ainsi, les autres candidats vont devoir travailler fort d’ici mai. Pour ma part, j’avoue que le mode à deux tours fera en sorte que mes projections seront plus intéressantes (tant et aussi longtemps qu’au moins un autre candidat réussisse à dépasser les 10%)



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