Controverse et démission à l'OQLF

La langue - un état des lieux


Tommy Chouinard - L'Office québécois de la langue française rendra public aujourd'hui son très attendu rapport quinquennal sans que son comité de suivi de la situation linguistique ne l'ait approuvé. Le président du comité, Simon Langlois, vient de démissionner, parce qu'il s'oppose à la loi du silence que veut imposer la présidente de l'Office, France Boucher.

«Les règlements internes étaient devenus très stricts. Ça crée un climat de travail qui n'est pas sain. J'ai donc décidé de quitter», a expliqué hier à La Presse M. Langlois, professeur de sociologie à l'Université Laval.
Le 4 décembre dernier, M. Langlois et les trois autres membres du comité - des universitaires - ont été contactés pour donner leur avis sur le bilan quinquennal de l'évolution de la situation linguistique, comme le prévoient les règles de l'Office. Mais dans un geste inusité, France Boucher leur a demandé de prêter serment pour garantir la confidentialité de toute la démarche. Ils ne pouvaient pas apporter de téléphone cellulaire dans la pièce où ils devaient consulter le bilan. Ils ne disposaient que de quelques heures pour l'étudier et produire un avis. Tous les documents devaient être détruits après la rencontre.
Les membres du comité de suivi ont refusé de travailler dans ces conditions que Simon Langlois qualifie d' «inacceptables». Ils n'ont donc pas approuvé le bilan quinquennal de l'Office. M. Langlois a décidé de démissionner à la fois de son poste de président du comité de suivi de la situation linguistique et de celui de membre de l'Office. Il ne désapprouve pas le bilan quinquennal lui-même, mais plutôt les façons de faire de la direction de l'organisme. En janvier, La Presse avait révélé que Mme Boucher a forcé les membres de son conseil d'administration à prêter serment, mettant ainsi en doute leur discrétion dans le dossier linguistique.
De meilleures nouvelles de Statistique Canada
Sur un autre front, la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, pousse un soupir de soulagement, elle qui craignait que Statistique Canada ne constate un recul du français dans le monde du travail.
La ministre responsable de la loi 101 trouve «très encourageantes» les données de l'organisme fédéral selon lesquelles l'utilisation du français au boulot est stable dans l'île de Montréal et en légère hausse chez les immigrants.
«Je pense que Statistique Canada nous révèle que le progrès est là. Mais c'est clair qu'il faudra toujours travailler très fort. Il faudra toujours être vigilant particulièrement dans toute cette ère de mondialisation», a-t-elle souligné hier.
Durant sa conférence de presse, Mme St-Pierre s'est fourvoyée en affirmant à plusieurs reprises que l'utilisation du français au travail «a progressé» dans l'île de Montréal entre 2001 et 2006. Son attachée de presse a reconnu l'erreur de la ministre. «C'est plutôt resté stable, c'est vrai. Mais on s'attendait peut-être à un recul», a expliqué Marie-Hélène Paradis.
Selon les données de Statistique Canada basées sur le recensement de 2006, parmi les 507 000 travailleurs immigrants du Québec, 65% ont déclaré utiliser le plus souvent le français au boulot. C'est une hausse de 2% par rapport à 2001. «C'est un gain, ce n'est pas un recul», s'est réjouie Christine St-Pierre.
Ces résultats «très positifs» ne sont toutefois pas suffisants. La ministre refuse d'ailleurs d'affirmer que le français est la «langue normale et habituelle au travail», l'objectif que visait la loi 101 il y a 30 ans. Elle note toutefois qu'«on est très, très loin de la situation qu'on connaissait dans les années 70».
«Il faut travailler encore plus fort. Il faut continuer à convaincre les entreprises que le français, ça peut être rentable dans le contexte de la mondialisation. Il y a 200 millions de personnes qui parlent français dans le monde, donc ça peut être un atout très, très important pour les entreprises», a-t-elle expliqué.
Christine St-Pierre déposera un plan d'action sur la promotion du français à la fin du mois. Sa collègue Yolande James présentera sous peu un programme de francisation des immigrants en milieu de travail.
Le leader parlementaire de l'ADQ, Sébastien Proulx, croit qu'«il y a une bonne nouvelle quand on voit davantage de gens parler français au travail. Mais de là à crier victoire, c'est une autre affaire».
Le critique du Parti québécois en matière linguistique, Pierre Curzi, estime que la hausse de l'utilisation du français au travail est bien modeste. «Il semble y avoir une légère augmentation. En soi, c'est bien. Mais il n'y a pas de quoi sauter en l'air et se réjouir», a-t-il lancé.


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