Comment dénouer la crise?

Corruption libérale - le PLQ en perte de légitimité - cynisme politique croissant


Impossible de le nier. Le Québec vit une crise politique. Une vraie. Une majeure. Une crise de confiance envers son propre gouvernement, son premier ministre et certaines de ses principales institutions démocratiques.
Mais vous le savez, cette crise couvait depuis un an. En fait, depuis que les reportages ne cessent de se multiplier sur la trinité des trois "C": Construction, Corruption et Collusion.
S'ajoute maintenant un quatrième "C": Collecte de fonds. Comme dans favoritisme et retours d'ascenseur allégués. Avec en "vedette" des bailleurs de fonds libéraux et des entrepreneurs bénéficiant de généreux contrats gouvernementaux de plus en plus offerts au privé en sous-traitance. Le «milieu» de la constuction revenant régulièrement dans les allégations.
Dans une telle atmosphère, les allégations de Me Marc Bellemare, ancien ministre libéral de la Justice, sur un présumé "trafic d'influence" exercé par des bailleurs de fonds libéraux dans la nomination de juges et de hauts fonctionnaires, sont maintenant la proverbiale goutte qui fait déborder le vase. Que ces allégations soient d'ailleurs fondées ou non. Il reste qu'ici aussi, ce qui est allégué concerne l'influence exercée auprès du gouvernement par ce même milieu de la construction - un milieu fort généreux, semble-t-il, pour les coffres du PLQ. De fait, on parle d'une influence possible de l'«argent» sur certaines décisions gouvernementales. L'allégation est grave.
D'autant plus que Me Bellemare prétend aussi que le PM aurait cautionné le tout.
Mais s'entêtant à refuser la mise sur pied d'une commission d'enquête élargie, publique et indépendante sur l'ensemble des allégations qui flottent depuis un an, la dernière réponse de Jean Charest laisse les citoyens sur leur faim. En menaçant Me Bellemare d'une mise en demeure et d'une poursuite s'il ne se rétracte pas, il ne fait que renforcer l'impression qu'il cherche à enterrer le tout.
Et en annonçant maintenant la création d'une enquête portant seulement sur le processus de nomination des juges - alors que tel n'est pas le vrai problème -, M. Charest risque ce qu'il lui reste de capital de confiance. Du moins, auprès des 23 % de Québécois se disant encore "satisfaits" de son gouvernement. Et ce faisant, c'est la crédibilité même de l'État, et non seulement la sienne, qui en prendrait pour son rhume.
Alors, que faire?
Face à une telle impasse, les partis d'opposition se débattent comme des diables dans l'eau bénite pour trouver une manière d'"aller au fond des choses". En termes partisans, c'est de bonne guerre. L'os à gruger est impressionnant.
Mais dans la crise actuelle, force est aussi de constater que les enjeux sont d'une importance telle que la partisanerie classique est en voie de se faire détrôner par la nécessité de nettoyer les écuries de la Grande Allée. Encore une fois...
Alors, que faire? La population, elle, n'a rien à cirer des "motivations" de Me Bellemare. Elle veut seulement connaître les faits. Autant sur ses allégations plus récentes que sur tout le reste. Donc, elle veut une commission d'enquête élargie, indépendante et publique.
L'ADQ veut qu'une commission parlementaire entende Me Bellemare avec pleine immunité. Le PQ ajoute l'idée de confier à des gens "aux mains libres" comme John Gomery et le Vérificateur général le mandat de définir les "contours" d'une vraie commission d'enquête. Québec solidaire appuie une enquête élargie, sans quoi il demandera la démission de M. Charest.
Mais au-delà de tout cela, il reste quelques considérations incontournables. 1) La perte de confiance des citoyens a toutes les allures d'une tendance lourde. 2) Le gouvernement vient de présenter un budget draconien sans débat et sans en avoir obtenu le mandat à la dernière élection. 3) Le PM refuse toujours d'instituer une commission d'enquête élargie - seule manière d'"aller au fond des choses".
Des élections anticipées?
De ces considérations, il découle ceci. Même s'il est indéniable que ce gouvernement fut élu dûment le 8 décembre 2008 avec 42,8 % des voix - et qu'il est donc en droit de tenir tête un autre trois ans -, la colère populaire et la quantité d'allégations de favoritisme, de corruption et de collusion sont devenues telles qu'il est aussi en voie d'en perdre sa légitimité démocratique.
Comment gouverner dans un tel contexte? C'est faisable, bien sûr. Mais ça risque d'être très pénible et longtemps. Quant à une hypothétique démission de M. Charest, elle ne réglerait rien sur le fond puisque le problème en est un de confiance et de mandat électoral pour le gouvernement lui-même. Non seulement sur ces lancinantes questions d'éthique, mais aussi sur son budget "historique", mais rejeté par 80 % de la population.
Évidemment, la meilleure solution demeure une vraie commission d'enquête élargie. Mais si le PM s'entête à la refuser et que les mots "imputabilité" et "légitimité" ont encore un sens, les citoyens risquent alors de se retrouver obligés, in extremis, d'exiger carrément des élections anticipées.
En 1962, Jean Lesage avait déclenché des élections anticipées pour faire valider son projet de nationalisation de l'hydro-électricité pour lequel il n'avait évidemment reçu aucun mandat en 1960. Et les Québécois lui ont dit "oui".
Si le gouvernement Charest est si sûr de sa probité et de l'"héritage" qu'il entend laisser aux prochaines générations avec son dernier budget coup-de-poing, qu'il en demande le mandat aux Québécois. Parce qu'il ne l'a certainement pas fait en décembre 2008...
Bref, qu'il demande aux électeurs s'ils lui font encore confiance.
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C'est trop peu

En réaction aux allégations de son ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, le premier ministre Jean Charest vient d'annoncer qu'il recommandera la tenue d'une enquête publique sur le mode de nomination des juges.
http://www.cyberpresse.ca/dossiers/allegations-de-marc-bellemare/201004/13/01-4269988-charest-recommandera-la-tenue-dune-enquete-publique.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2
Ce qui, considérant les allégations qui ne cessent de s'accumuler depuis un an sur des pratiques possibles de collusion, de corruption, de dépassements répétés de coûts dans les projets d'infrastructures et de financement douteux du PLQ, est une initiative nettement insuffisante parce que beaucoup, beaucoup trop restreinte.
Car les allégations de Me Bellemare portent en fait sur les liens présumés entre l'influence de collecteurs de fonds libéraux et des retours d'ascenseur - dans ce cas-ci, dans la nomination de certains juges.
D'autant plus qu'ajoutée à la mise en demeure et la menace de poursuite dont fait l'objet Me Bellemare de la part du PM, cette suggestion ressemble plus à une tentative de mettre le couvercle sur la marmite et de gagner du temps plutôt qu'a une intention réelle d'aller publiquement au fond des choses. L'imputabilité ne semble toujours pas être au rendez-vous. En fait, ça sent presque la diversion.
Bref, l'annonce du premier ministre, c'est vraiment trop peu. Et elle ne fera rien pour rétablir la confiance ébranlée des citoyens en leur gouvernement et certaines de leurs principales institutions démocratiques.
En point de presse, ce matin, Monsieur Charest déclarait qu'il trouvait «dur» pour lui, personnellement, tout ce qui se passe.
On en convient aisément.
Mais le propre d'un premier ministre n'est-il pas de faire passer l'intérêt public avant ses propres difficultés personnelles?
Là-dessus, les citoyens attendent encore.
Et que le premier ministre ne se méprenne pas. Ce dernier épisode constitue une crise politique. Une vraie.
Au point où même les médias canadiens-anglais, écrits et électroniques, y prêtent tout à coup une très grande attention. Je ne me souviens pas d'avoir vu une conférence de presse de Jean Charest sur des questions «internes» être diffusée en direct sur les ondes de CBC. Ce qui vient pourtant de se produire
Et cet intérêt, il se prête pour une raison assez fondamentale: c'est bel et bien l'intégrité du gouvernement du Québec et de son premier ministre qui est remise en question.
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*** Pour le détail de l'histoire, voir: http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2010/04/12/marc-bellemare-en-remet.aspx


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