Comme la grenouille qui ne voit pas venir qu'il sera trop tard!

Cour suprême - L'affaire LOLA - Procréation assistée

On connaît la tactique. Ne jamais y aller de front. Éroder petit à petit. Surtout, laisser entendre que c'est un jugement équilibré, qu'il n'y a pas de perdant, voire même qu'il n'y a que des gagnants. Le jugement de la Cour suprême du Canada sur la procréation assistée rendu hier n'échappe pas à la règle. Le Québec se fait planter dans sa compétence exclusive en matière de santé. Et il faudrait qu'il s'en réjouisse.
Petit rappel. La Cour d'appel du Québec, (soit dit en passant, composée exclusivement de juges nommés par le Canada) avait rendu un jugement unanime en faveur du Québec déclarant inconstitutionnelle sur le territoire du Québec la loi du Canada sur la procréation assistée. Portée en appel à la Cour suprême de l'autre pays, le juge Cromwell de la Cour suprême du Canada a coupé la poire en deux: "un petit bout pour le Québec, un petit bout pour le Canada". Résultat: la compétence exclusive du Québec en matière de santé est devenue une compétence partagée avec le Canada. En prime, confirmation additionnelle, que le code civil du Québec doit être assujetti à la Common law du Canada. Et c'est ainsi que, particulièrement depuis 1982, date de la nouvelle constitution canadienne (non signée par le Québec), les institutions québécoises sont systématiquement ciblées pour être soumises à l'ordre juridique canadien.
Exemple. Le Québec fut le premier à se doter d'une Charte des droits et libertés en 1975. Le Canada a suivi en intégrant la sienne dans sa constitution en 1982, constitution que le Québec n'a jamais signée. La Charte québécoise a beau être plus large, notamment dans la reconnaissance des droits collectifs, la Cour suprême, dans sa jurisprudence, l'a totalement réduite à la Charte canadienne.
Autre exemple. Pour casser la spirale de l'assimilation, le Québec s'est doté d'une Charte de la langue française (loi 101). Effectivement la spirale a été cassée. Pour se venger le Canada s'est doté d'une nouvelle constitution dans le but explicite de voler à l'Assemblée nationale du Québec sa compétence exclusive en matière de langue. Puis, il a confié à sa Cour suprême la mandat de décliner au quotidien ce que cela signifiat. Depuis, la loi 101 a subi plus de 200 amendements. Et les derniers, pilotés par le gouvernement Charest (gouvernement le plus fédéraliste que nous ayons connu) sur les écoles passerelles, ont été, pour la première fois, une reconnaissance explicite qu'en matière de langue le régime canadien a préséance sur le régime québécois.
Et exemple à venir. Bientôt la Cour suprême du Canada sera saisie de la volonté du Canada d'établir une Autorité des marchés financiers canadienne alors que c'est une compétence exclusive du Québec et des provinces du Canada. La décision nous est déjà connue. Comme pour la santé, comme pour la langue, comme pour chacune des compétences exclusives du Québec et des provinces du Canada, la Cour suprême du Canada, principal instrument du Canadian Nation Building, concluera encore par "un petit bout au Québec et un petit bout au Canada" et ainsi disparaîtra la compétence exclusive du Québec en matière de règlementation des marchés financiers.
C'est ainsi qu'au fil des ans, au Canada, cette fédération a perdu son nom et le Québec se retrouve non plus dans la situation où avec trois autres provinces il a créé, dans un rapport d'égalité, le palier fédéral mais bien dans celle, aujourd'hui, où il est dans un rapport hiérarchique de soumission de son palier au palier fédéral. Et dans le cas du Québec, cela signifie la soumission d'une nation à une autre. Du néo-colonialisme, pour le dire en terme technique.
Ça ne se fait jamais brusquement. Plutôt lentement. Mais inexorablement. Et à chaque fois, les inconditionnels du Canada plaident que ce n'est pas trop grave. Ainsi de "pas grave en pas grave" nous nous retrouvons dépouillés et bientôt sans rapport de force pour préserver l'essentiel. Comme la grenouille, nageant dans un bassin d'eau qui est sur le feu, qui ne voit pas venir le moment où il sera trop tard.
Mine de rien, en nous appelant les "frogs", leur mépris trahirait-il leur stratégie?


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