Procréation assistée - Rien d'acquis

Cour suprême - L'affaire LOLA - Procréation assistée



On n'en sort pas (en sortira-t-on jamais?), la décision de la Cour suprême sur la procréation assistée met en scène deux conceptions diamétralement opposées du fédéralisme, et le Québec, comme le démontre Le Devoir aujourd'hui, perd des plumes dans l'aventure.
En quoi, en effet, faut-il se réjouir que le Québec puisse réglementer l'aspect «service de santé» de la procréation assistée — dans ce cas-ci tout ce qui touche à la recherche et à la pratique médicale? C'est exactement ce que prévoit la Constitution! Doit-on maintenant applaudir quand les provinces préservent des droits qui leur sont acquis dans le pacte fédératif?
Il y a par contre matière à inquiétude quand on constate, encore une fois, à quel point la tradition civiliste du Québec est facilement oubliée par la Cour suprême. Dans le camp des quatre juges pour qui le pouvoir fédéral doit ratisser large, c'est comme si celle-ci n'existait pas. Pour ces juges, dont la juge en chef Beverley McLachlin, la procréation assistée relève d'une question morale, pour ainsi dire d'une pratique douteuse, qui ne peut être encadrée qu'en passant par le droit criminel, qui relève d'Ottawa.
Dans cette veine, Mme McLachlin ne fait donc jamais mention du fait qu'au Québec il y a un consensus social autour du principe même de la procréation assistée. D'ailleurs, le Code civil et la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoient déjà des règles sur le consentement à des soins de santé ou les contrats de mère porteuse.
Mais sur ces points précis, grâce à l'appui du juge Thomas Cromwell, c'est l'interprétation du fédéralisme-qui-gobe-tout qui l'a emporté. Pourquoi? Le juge Cromwell — à qui l'on doit ce jugement alambiqué puisqu'il a appuyé parfois un camp, parfois l'autre — ne l'explique guère. Ce qui n'est pas étonnant puisqu'il règle en cinq pages ce que ses collègues ont mis 70 pages par camp à élucider! Cette désinvolture du juge Cromwell a toutefois pour conséquence de laisser la porte ouverte à de futures érosions du pouvoir des provinces de la part de la Cour suprême.
Il faut en effet noter que, dans leur décision, les quatre juges «pro-provinces» de la Cour ont d'abord rappelé que «le souci du maintien de l'équilibre fédératif doit être présent à chacune des étapes de l'analyse constitutionnelle». Cela devrait aller sans dire dans ce pays aux pouvoirs partagés, et pourtant ce souci d'équilibre n'est même pas abordé par le camp de la juge en chef! Pour celle-ci, il s'agit d'abord de trancher si le fédéral a exercé un pouvoir légitime. Après, on pourra voir si c'est vraiment embêtant qu'il empiète en plus sur le pouvoir des provinces... Évidemment, avec une telle grille d'analyse, il y a toujours un justificatif à portée de main.
À un juge près, même un sujet aussi lié aux provinces que la santé, via la procréation assistée, aurait donc pu relever définitivement, et en totalité, du fédéral. Qu'en sera-t-il la prochaine fois?


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