Rapatriement de la Constitution

Chrétien défend la Charte

17 avril 1982 - la Loi sur le Canada (rapatriement)

À la veille de la commémoration des 25 ans du rapatriement de la Constitution canadienne, l'ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien, maintient sa version des faits quant au refus du Québec d'adhérer à la Constitution canadienne.
« N'essayez pas de réécrire l'histoire. Lisez le livre de [l'ancien ministre péquiste] Claude Morin. Il dit clairement: ''Notre but, c'était d'empêcher Trudeau de réussir'' », affirme M. Chrétien dans une entrevue avec le chef du bureau de Radio-Canada à Ottawa, Patrice Roy.
Alors ministre des Affaires gouvernementales dans le gouvernement de René Lévesque, Claude Morin a notamment été à l'origine d'un front commun des huit provinces contre le projet de rapatriement de la Constitution. Cette opposition était apparue dans les mois suivant l'annonce de ce projet par le premier ministre canadien de l'époque, Pierre Elliott Trudeau.
Le Québec souhaitait notamment conserver un droit de veto pour protéger ses droits particuliers. L'accord entre les huit provinces du 16 avril 1981 lui donnait un droit de retrait facultatif, avec compensation financière, à l'égard des amendements constitutionnels.
Le consensus dure jusqu'en novembre 1981. Lors des négociations constitutionnelles avec le gouvernement Trudeau, le Québec maintient ses demandes.
J'étais assis à la table. M. Lévesque a dit: ''J'ai trois problèmes avec cette Charte-là.'' M. Trudeau a dit: ''Très bien, M. Lévesque, on va mettre ça de côté, et signez le reste.'' M. Lévesque a répondu: ''Vous savez bien que je ne signerai jamais.'' — Jean Chrétien
Pierre Elliott Trudeau se présente devant la presse après l'approbation de son projet de rapatriement de la Constitution par neuf ministres provinciaux

Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, toutefois, sept provinces concluent une entente avec Jean Chrétien, alors négociateur du gouvernement Trudeau et ministre fédéral de la Justice, sur le projet de rapatriement, sans l'accord du Québec. Le projet ne répond pas aux demandes du Québec, notamment en matière linguistique, et ne comprend pas le compromis d'avril 1981 sur le droit de veto. C'est ce que des historiens appelleront par la suite « la nuit des longs couteaux ».
Jean Chrétien affirme que son rôle n'était pas de vendre ce compromis à l'équipe de René Lévesque, qui s'était retirée à Hull. « Je leur ai dit: ''Allez vendre ça aux provinces, moi j'ai une plus grosse job, il faut que j'aille vendre ça à Trudeau.'' Correct? », affirme M. Chrétien en entrevue.
Sans l'adhésion du Québec, le rapatriement de la Constitution canadienne, dans laquelle sera enchâssée la Charte des droits et libertés, et comprenant une procédure de modification, est signé le 17 avril 1982, lors d'une cérémonie à Ottawa.
Les accords constitutionnels du lac Meech de 1987 et ceux de Charlottetown en 1992 ont tous deux échoué. Le statu quo constitutionnel demeure à ce jour.
Une Charte appréciée, dit Chrétien
Jean Chrétien croit que les Québécois apprécient l'inclusion de la Charte dans la Constitution. « Lorsque des gens quittent le Québec pour aller travailler dans les sables bitumineux de l'Atabaska, et qu'ils peuvent envoyer leurs enfants dans des écoles françaises, est-ce qu'il y a beaucoup de gens qui s'en plaignent au Québec? » demande
Pour M. Chrétien, la Charte a joué un rôle essentiel pour la protection des autochtones et des francophones hors Québec. Elle n'a pas non plus, selon lui, affaibli la portée de la loi 101, la Charte de la langue française du Québec.
« On s'est fait engueuler par bien du monde. Cela m'a coûté à moi, je n'ai pas été le gentil garçon que les gens auraient voulu que je sois, et Trudeau aussi. Mais en politique, on est élus pour faire les choses nécessaires et aujourd'hui, la Charte des droits et libertés est un exemple », soutient Jean Chrétien.
M. Chrétien croit aussi que la Charte n'a pas donné trop de pouvoirs aux minorités religieuses. Il estime que le débat sur les accommodements raisonnables a dérapé, et se permet une pointe en direction du conseil municipal d'Hérouxville, en Mauricie, où on a adopté un code de conduite à l'intention des immigrants.
« Le danger d'une invasion musulmane en Mauricie n'est pas pour demain. Ça ne me fatigue pas beaucoup qu'une femme ait un voile sur la tête. Votre mère allait à la messe avec un chapeau », rappelle Jean Chrétien.
J'aimerais mieux faire une erreur en donnant trop de droits qu'en en enlevant, tant qu'à faire une erreur. — Jean Chrétien
L'intégrale de l'entrevue avec Jean Chrétien sera diffusée lundi soir dans le cadre du Téléjournal de Radio-Canada.
Dion ne veut pas de nouvelles discussions
Le chef libéral Stéphane Dion ne veut pas de nouveaux pourparlers en vue de modifier la Constitution du pays, tel que proposé par le chef de l'Action démocratique du Québec Mario Dumont. En entrevue au Globe and Mail, M. Dion dit que le gouvernement fédéral a des problèmes plus graves à traiter, notamment la compétitivité du Canada à l'échelle mondiale.


M. Dion reproche au premier ministre Stephen Harper de manquer de clarté dans sa promesse d'apporter plus d'autonomie aux provinces. « Pour prévenir un éventuel problème, M. Harper devrait dire quels pouvoirs et quelles responsabilités il veut transférer du fédéral aux provinces. S'il continue à être vague, ce n'est pas bon pour les Canadiens ».
Ardent défenseur des prérogatives fédérales, le chef libéral refuse d'envisager qu'on inscrive dans la Constitution une mesure qui limiterait le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des domaines de juridiction des provinces, comme l'éducation. Selon M. Dion, les institutions fédérales jouent un rôle positif au Québec, et leurs effets n'y sont pas inconnus.
Samedi dernier, le nouveau chef de l'opposition officielle au Québec, Mario Dumont, disait qu'il était temps de « progressivement réparer l'erreur de 1982 », alors que le gouvernement fédéral avait rapatrié la Constitution à Ottawa sans le consentement du Québec.
Un des députés les plus importants de l'Action démocratique du Québec, Gilles Taillon, abondait dans le même sens que son chef. Il insistait sur le fait que son parti ne se contenterait pas d'« une résolution du Parlement canadien ».
Du côté des libéraux de Jean Charest, le porte-parole du premier ministre, Hugo D'Amours, a indiqué qu'une réouverture du débat constitutionnel était hors de question. Du moins, tant que le climat politique n'y sera pas favorable, précise-t-il.


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