À ceux qui lui reprochaient d'avoir mis la souveraineté en veilleuse au cours de la dernière campagne fédérale, Gilles Duceppe répondait, comme dans son entrevue avec Bernard Derome: «C'est faux, parce que, dans chaque discours, j'en ai parlé, vraiment dans chaque discours.»
Pauline Marois disait exactement la même chose durant la campagne québécoise. «J'essaie d'en parler le plus souvent possible. On peut très bien faire grandir la liberté des Québécois sans courir constamment après les référendums.»
L'été dernier, elle avait rappelé François Legault à l'ordre, quand il avait déclaré qu'avant de parler de souveraineté, le PQ devrait plutôt s'attaquer aux problèmes dans les écoles et les hôpitaux. «La souveraineté est le coeur du projet politique que nous portons, que nous défendons et que nous voulons faire valoir», avait assuré Mme Marois.
Alors, de quoi parlent aujourd'hui les deux chefs souverainistes, quand ils disent vouloir remettre la souveraineté à l'ordre du jour? Faut-il comprendre qu'ils racontaient des bobards l'automne dernier ou est-ce maintenant qu'ils le font?
À entendre Mme Marois, il faut reprendre «l'oeuvre inachevée» que constituent le Manifeste pour la souveraineté et l'argumentaire qui avaient été rendus publics l'automne dernier. Elle entend également réactiver les 12 groupes de travail sur la «gouvernance souverainiste» -- dans un cadre fédéral! -- qui avaient été mis sur pied.
Il y a cependant des limites à réinventer la roue. Je veux bien que l'argumentaire de l'automne dernier soit perfectible, mais il constitue néanmoins un résumé passable des raisons concrètes que l'on peut invoquer à l'appui de la souveraineté: la protection du français, l'intégration des immigrants, le contrôle de la totalité de nos ressources financières et de nos politiques, etc.
L'appétit de souveraineté est aussi une question de fierté et de dignité. Cela est plus difficile à enseigner, mais il n'est pas interdit de prêcher par l'exemple. C'est généralement le moyen le plus efficace.
À l'issue de la réunion du caucus péquiste, la semaine dernière, à La Malbaie, Mme Marois déclarait que la promotion de la souveraineté devait s'appuyer sur des «stratégies d'action concrètes».
Avec le projet de célébration du 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham, le PQ avait une occasion inespérée de mobiliser non seulement les souverainistes, mais également tous ceux qui sont heurtés par cette initiative aberrante parrainée par la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN).
Le moins que l'on puisse dire est qu'il l'a manquée. La seule position honorable pour le PQ aurait été d'exiger l'annulation de l'événement. Tant qu'à protester aussi mollement, il aurait été préférable de ne rien dire.
Depuis quand les municipalités ne constituent-elles plus un palier de gouvernement? Trouver un prétexte aussi fallacieux pour fermer les yeux sur la dérive amnésique du maire Labeaume et éviter les foudres des égoutiers qui animent les tribunes téléphoniques de la capitale est tout simplement minable.
Le Bloc québécois a connu les mêmes problèmes que le PQ à Québec et il sera le premier à se représenter devant l'électorat. Cela n'a pas empêché Gilles Duceppe de demander que la reconstitution de la défaite de Montcalm soit annulée.
Au cours des prochains mois, le PQ compte multiplier les initiatives visant à convaincre les Québécois de rejeter le carcan fédéral, alors que lui-même s'incline devant un organisme fédéral qui invite des Américains amateurs de vieux mousquets à venir s'amuser chez nous en reconstituant l'écrasement de nos ancêtres. Cherchez l'erreur!
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Comme le rapporte mon collègue Antoine Robitaille, il apparaît que le président de la CCBN, André Juneau, n'est pas un simple fonctionnaire fédéral qui croyait bien faire et se retrouve bien malgré lui au coeur d'un débat de nature politique.
En février 2001, M. Juneau s'était adressé au ministre des Travaux publics dans le gouvernement Chrétien, Alfonso Gagliano, pour obtenir un budget supplémentaire de 500 000 $ dans le cadre du programme des commandites. Moyennant quoi, à grand renfort de ballons, de drapeaux et de banderoles, il se faisait fort d'assurer la plus grande visibilité au Canada sur les Plaines en cette année où se tenait le Sommet des Amériques.
En décembre 1999, Le Soleil faisait également état des affiliations partisanes de M. Juneau, qui fréquentait les cocktails-bénéfice du PLC et les tournois de golf du Conseil de l'unité canadienne. Par l'intermédiaire de son président, qui se faisait rembourser, la CCBN finançait donc ces bonnes oeuvres.
Il faudrait être d'une bien grande naïveté pour s'imaginer que ce spécialiste de la propagande préparait discrètement la commémoration de la bataille des plaines d'Abraham depuis plus de deux ans dans le seul but de s'acquitter d'un devoir de mémoire.
Dans une entrevue au Soleil en fin de semaine dernière, M. Juneau se voulait contrit. La formule sera revue pour la rendre moins festive, assure-t-il, mais il n'est pas question d'annuler la reconstitution. Selon lui, cette malheureuse controverse serait due à l'empressement avec lequel il a fallu produire le matériel promotionnel avant les Fêtes. Bref, il continue à nous prendre pour des caves.
mdavid@ledevoir.com
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