Manifestation pour la paix au Liban

Charest refuse de blâmer Duceppe et Boisclair

Manifestation pour la paix au Liban



Québec - Pour éviter de «transporter au Québec» les conflits du Moyen-Orient, le premier ministre Jean Charest a refusé hier de blâmer les chefs du Bloc et du Parti québécois pour avoir participé à une manifestation où ont été brandis des drapeaux du Hezbollah. Lui-même a toutefois précisé qu'il ne participera jamais à une activité où l'étendard de cette organisation terroriste serait visible, mais il a tenu à préciser ceci: «On ne contrôle pas tout ce qui se fait dans les manifestations non plus.» Au sujet de MM. Boisclair et Duceppe, il a dit leur «laisser le soin de s'expliquer sur leur geste». «Je ne chercherai pas à justifier leur geste d'une façon ou d'une autre. Ils s'expliqueront», a-t-il ajouté.
Rappelons que dans les jours qui ont suivi la manifestation du 6 août à Montréal, laquelle a attiré environ 15 000 personnes, des voix se sont levées pour reprocher aux chefs souverainistes, à l'ancien ministre libéral Denis Coderre ainsi qu'aux porte-parole de Québec solidaire d'avoir pris part à cette manifestation. Dans l'édition du 8 août de The Gazette, le chroniqueur [Don Macpherson écrivait->1535] qu'il était «désormais acceptable [au Québec] d'afficher publiquement son appui à une organisation terroriste». Le lendemain, le National Post publiait un texte polémique de la chroniqueuse montréalaise Barbara Kay intitulé [«The rise of Quebecistan»->1510] dans lequel elle affirmait entre autres qu'à voir cette manifestation «antisémite» et ses participants souverainistes, il faudrait s'attendre à ce que le premier geste d'un Québec souverain soit de retirer le Hezbollah de la liste des organisations terroristes. L'article a fait [l'objet d'une plainte au Conseil de presse->1510], la semaine dernière, de la part de la Société Saint-Jean-Baptiste. Le débat a pris un tour plus officiel lundi lorsque l'ambassadeur d'Israël à Ottawa, Alan Baker, a révélé avoir fait parvenir une lettre au chef du Bloc québécois pour lui reprocher d'avoir participer à cette manifestation.
Quebecistan
Qualifiant d'abord l'expression «Quebecistan» de «grossièreté», le premier ministre Charest a tenu à faire remarquer hier que sur la question de la crise au Moyen-Orient, il y a «des débats partout au Canada, et c'est facile d'aller mettre un cercle autour d'un incident en particulier» pour singulariser le Québec. «À ce que je sache, les débats au Québec se font dans un contexte similaire à ce que je trouve partout ailleurs en Amérique du Nord», a-t-il déclaré. Il a ensuite insisté sur le caractère démocratique de la société québécoise, soulignant que l'on compte peu d'endroits au monde «où on a pu faire deux référendums», sans débordements, sur une question aussi délicate que la souveraineté, et où, en 1995, «94 % des électeurs inscrits ont participé». Par ailleurs, ceux qui présentent la société québécoise comme une société antiaméricaine oublient selon lui que «n'eût été de l'appui majoritaire des Québécois en 1988, il n'y aurait jamais eu d'accord de libre-échange avec les États-Unis».
Duceppe
Commentant la lettre de l'ambassadeur Baker, le chef bloquiste Gilles Duceppe a affirmé hier que sa participation à la marche du 6 août avait suscité «des déclarations regrettables». Il a révélé avoir accepté d'en être à la condition qu'il n'y ait ni manifestant pro-Hezbollah ni slogan anti-Israël. Lors de la marche, il y avait un service d'ordre qui a expulsé à plusieurs reprises les manifestants arborant les couleurs de l'organisation terroriste, a expliqué le chef bloquiste. «Comme la grande majorité des participants à cette marche, je ne peux être tenu responsable des gestes déplacés que certains individus ont pu poser», a-t-il dit. Au reste, M. Duceppe soutenait hier après-midi n'avoir pas encore reçu la fameuse lettre de M. Baker (il en a pris connaissance dans les médias dans sa version «unilingue anglaise», a-t-il précisé, notant qu'il aurait apprécié l'obtenir en français). En revanche, le Comité Canada-Israël a fait parvenir au chef bloquiste une missive au «ton très différent», a-t-il insisté. «Nous apprécions [...] que vous ayez toujours dénoncé le terrorisme, a écrit le comité. Votre récente dénonciation du Hezbollah en tant qu'organisation terroriste et votre appel à son nécessaire désarmement en vue d'une paix au Liban et dans l'ensemble du Proche-Orient sont aussi des éléments que nous apprécions.»
Quant à André Boisclair, il a refusé de commenter hier, estimant avoir tout dit lors de la marche. Son attaché de presse, Joël Simard-Ménard, a rappelé qu'il avait déclaré que le Hezbollah était une organisation terroriste et qu'au moment de la marche, il avait dit constater des «débordements dans le ton de certains slogans sur quelques affiches» pour ensuite inviter «les gens à la retenue». «Nous sommes ici pour la paix avant tout», avait dit M. Boisclair.
Kay, «bouc émissaire»?
Ce n'est pas assez pour celle par qui le scandale a éclaté, la chroniqueuse Barbara Kay, jointe par Le Devoir à Montréal hier. Mme Kay, qui habite ici depuis plus de 35 ans, soutient être devenue une sorte de «bouc émissaire» dans cette affaire. D'autres, au Québec même - comme Jean Renaud, de la revue Égards, fait-elle remarquer -, ont soutenu des positions semblables aux siennes et ne sont pas houspillés à ce point. «J'ai reçu des tonnes de courriels épouvantables», a-t-elle dit, dont un de la part d'un chef d'entreprise lui affirmant que les juifs ne devraient pas être propriétaire de journaux (c'est le cas du National Post). «J'ai vraiment eu une dure semaine», a-t-elle confié. À ses dires, il est faux de prétendre qu'un politicien n'a pas de contrôle sur ce qui se passe dans une manifestation. «Il a au moins le contrôle sur lui-même. Il peut dénoncer ce qu'il voit. Or les politiciens présents ne l'ont pas fait. Ne rien faire, se tenir silencieux, ce n'est pas assez. C'est cautionner ce qui se passe», affirme-t-elle.
Le premier ministre Charest a eu beau qualifier de «grossièreté» sa thèse sur le «Quebecistan», Mme Kay répond que «les vraies grossièretés, elles étaient dans cette manifestation [du 6 août]»: «"Nous sommes tous des Hezbollah" et "juifs = assassins". Vous vous imaginez marcher à côté de gens qui tiennent des affiches "Nous sommes tous des Ku Klux Klan"?»
Du reste, elle soutient que son article a été mal interprété: «Je n'ai jamais écrit que les Québécois étaient des terroristes!» Elle précise qu'il y a de l'antisémitisme partout au Canada. Mais celui du ROC est différent: «Là-bas, c'est diffus, dans le peuple, alors qu'ici, on le trouve dans les élites politiques et intellectuelles. Eh oui, allez défendre Israël à l'UQAM! J'ai un ami qui a fait ça. Il a été attaqué», raconte-t-elle en parlant du sociologue Stephen Shecter.
Avec la Presse canadienne


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