Le français au Québec: culture ou handicap?

Ces sourds qui donnent l’exemple

Chronique de Louis Lapointe

Encore une fois, les sourds auront fait preuve d’avant-garde. Ceux que l’on considère comme des handicapés, parce qu’ils ne peuvent pas entendre ce que leurs congénères disent tout haut, ont inventé une langue signée leur permettant de communiquer entre eux et avec les autres.
Parce qu’ils l’ont fait en silence, peu de Québécois savent que plusieurs sourds en connaissent plus qu’eux en matière de traduction simultanée et d’interprétariat. Au Québec, il existe plusieurs langages signés, dont la LSQ, une vraie langue avec sa propre grammaire. Parce qu’ils ont leur langue, plusieurs sourds croient volontiers qu’ils partagent une culture commune plutôt qu’un handicap.
Mes lecteurs le savent probablement, je suis administrateur d’un établissement public pour personnes sourdes. Il n’y a pas une réunion à laquelle j'assiste en compagnie de ces personnes sans qu’il y ait un service de traduction simultanée et un système de transmission électronique de la voix pour les malentendants qui soient offerts aux participants.
En lisant [l’article de Christian Rioux dans le Devoir de vendredi dernier - Méchante langue->22235] - et le [commentaire qu’en a fait Thérèse-Isabelle Saulnier->22273] hier dans la tribune libre de Vigile, j’ai réalisé que ce qui était pour moi une évidence depuis une dizaine d’années, n’avait pas encore été découvert par la majorité des Québécois.
La traduction simultanée est un merveilleux outil qui facilite la communication entre personnes de langues différentes. Le Québec offre à sa population sourde un réseau d’interprètes gestuels et des moyens électroniques pour faciliter la communication, comme la vidéo, pour ceux qui pratiquent la lecture labiale; la transmission FM pour les malentendants et les implants cochléaires pour les sourds profonds.
Les sourds se sont donné au fil des années des moyens modernes de communiquer entre eux et avec les autres, profitant des avancées technologiques en audiologie, en audio-visuel et en informatique. Des outils qu’ils sont nombreux à utiliser.
On se demande bien pourquoi dans le même pays, les Québécois continuent d’agir en véritables colonisés quand il s’agit de communiquer dans une langue qu’ils connaissent peu ou pas, de façon intelligible et intelligente, alors que les personnes sourdes ont résolu de semblables problèmes de communication en utilisant les technologies les plus avancées, sans que cela ne suscite la moindre honte chez elles, comme cela devrait être le cas pour Louise Harel et Pauline Marois et plusieurs Québécois qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare.

On a parfois l’impression que, pour de nombreux Québécois, le fait de ne pas parler la langue anglaise, seulement le français, constituerait une gênante infirmité. Un complexe que n’ont pas les sourds qui considèrent souvent leur handicap comme une culture parce qu'ils se sont inventé une langue commune et donné des outils de communication modernes. Tout à fait le contraire de plusieurs Québécois qui croient que leur langue et leur culture sont devenues de sérieux handicaps, même au Québec.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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