Cauchemar

Sondages 2011

Après les espoirs qu'avait fait naître la soudaine ascension de l'ADQ au printemps 2002, la déconfiture d'avril 2003 avait été très difficile à encaisser pour Mario Dumont. Alors que la longue traversée du désert semblait enfin terminée, il se retrouvait à la case départ.
Même ses amis Marie Grégoire et François Corriveau, dont la présence à l'Assemblée nationale lui apportait un certain réconfort, avaient été emportés dans la débâcle. Clairement, les survivants n'étaient pas du même calibre.
Malgré son immense déception, il avait puisé en lui-même les ressources qui lui avaient permis de continuer, mais le moral était demeuré fragile. À l'automne 2006, avant que la crise des accommodements raisonnables ne provoque une résurrection quasi miraculeuse de l'ADQ, il avait confié son désarroi à Lucien Bouchard, qui lui avait tout bonnement conseillé de retourner au PLQ.
M. Dumont a dû avoir un frisson ce matin en prenant connaissance des résultats du sondage Léger Marketing-Le Devoir, qui n'accorde plus que 18 % des intentions de vote à son parti, soit exactement le score qui lui avait valu une maigre récolte de cinq députés en 2003. Le cauchemar serait-il en train de se répéter? Cette fois, après être passé si près du but, il ne s'en relèverait pas.
Depuis l'automne, la tendance semble trop lourde pour parler d'un simple passage à vide. La baisse est de neuf points par rapport au sondage effectué par Léger Marketing en janvier et de quatre points par rapport au sondage Crop du mois dernier. Bref, l'ADQ est en chute libre et rien n'assure qu'elle a touché le fond du baril.
La popularité personnelle de M. Dumont, qui a toujours été la locomotive de son parti, suit la même courbe descendante: seulement 18 % des personnes interrogées voient toujours en lui la personne la plus apte à occuper le poste de premier ministre. Là encore, la dégringolade est vertigineuse: au lendemain des élections du 26 mars 2007, la proportion était d'un Québécois sur trois.
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Tant que M. Dumont était pratiquement le seul de son camp, on ne pouvait pas en exiger grand-chose. S'il se contentait de lancer ses petites phrases assassines sans rien proposer de concret, c'était peut-être que la situation ne lui laissait pas d'autre solution.
L'an dernier, les électeurs ont décidé de donner à l'ADQ les moyens de se faire valoir. Manifestement, elle a échoué au test. Même avec 41 députés, l'ADQ n'a pas réussi à convaincre la population qu'elle est en mesure d'offrir une opposition convenable au gouvernement Charest. Plus de la moitié (52 %) des Québécois et près du tiers (31 %) des électeurs adéquistes estiment que le PQ est plus efficace.
Il devient très difficile de distinguer une direction claire dans le discours adéquiste. On cherche plutôt à faire flèche de tout bois, dans le seul but d'occuper l'espace médiatique. Il était écrit dans le ciel que l'ADQ prendrait la tête de ceux qui réclament une attitude policière plus répressive après les incidents violents qui ont suivi la victoire du Canadien lundi soir dernier.
À de très rares exceptions près, les porte-parole de l'ADQ à l'Assemblée nationale ont été nettement moins impressionnants que leurs vis-à-vis péquistes, qui maîtrisent au moins leurs dossiers même s'ils ne sont pas très menaçants pour le gouvernement.
Même l'ancien président du Conseil du patronat, Gilles Taillon, qui avait été recruté dans le but de donner un peu de crédibilité à l'ADQ, a plutôt été une cause d'embarras au cours des dernières semaines.
D'ailleurs, M. Dumont a lui-même reconnu implicitement la faiblesse de son équipe actuelle mardi, quand il déclaré: «À la prochaine élection, on va être jugés sur la qualité des gens qu'on va offrir à la population.»
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La grande surprise du 26 mars 2007 avait été de voir la vague adéquiste déferler sur le 450, pour ne s'arrêter qu'aux portes de la métropole. On assiste maintenant à un repli vers la région de Québec et les anciens bastions créditistes.
Le seul sondage qui compte est l'élection, dit-on. Or le sondage Léger Marketing-Le Devoir augure plutôt mal pour les élections partielles du 12 mai prochain. L'ADQ a fait le pari de présenter des candidats considérés comme des vedettes dans Pointe-aux-Trembles et Bourget. Si Diane Bellemare et Denis Mondor font moins bien que les candidats adéquistes aux dernières élections générales, le recrutement risque de devenir plus difficile.
Il est vrai que la courbe des intentions de vote pour l'ADQ au cours des dernières années ressemble à des montagnes russes. Un rétablissement demeure donc théoriquement possible d'ici le prochain scrutin général.
Encore faudrait-il que le premier ministre Jean Charest lui laisse suffisamment de temps. Un taux de satisfaction de 49 % correspond sans doute davantage à l'humeur de l'électorat que les 61 % enregistrés par Crop, mais cela demeure tout à fait honorable pour un gouvernement qui en est à son deuxième mandat, après avoir frisé la catastrophe il y a un an.
Au cours du premier mandat, tout ce qui pouvait tourner mal allait plus mal encore. Même les bons coups tombaient à plat. Depuis six mois, c'est le contraire. Ni le dérapage du dossier linguistique, ni le débat sur les 75 000 $ que le PLQ versait secrètement à Jean Charest depuis dix ans n'ont eu d'incidence sur les intentions de vote.
M. Charest sait toutefois d'expérience que la fortune est une maîtresse capricieuse. Son gouvernement a beau marcher sur la pointe des pieds pour ne pas déranger l'électorat, nul n'est à l'abri d'un coup du sort. Par exemple, si, contre toute attente, Stéphane Dion devenait premier ministre du Canada...
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mdavid@ledevoir.com


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