Cannabis : un modèle québécois profitable pour la collectivité (est) était possible

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Le régime libéral protège les réseaux fédéralistes inféodés au PLC

Le Québec aurait pu confier la production du cannabis nécessaire pour approvisionner les futurs magasins de la Société du cannabis du Québec (SCQ) à une cinquantaine de producteurs en serre québécois, mais  le gouvernement Couillard s’est bien gardé de faire valoir la juridiction constitutionnelle du Québec sur l’agriculture – partagée certes avec Ottawa – et il a préféré ne pas contester l’émission des lucratifs contrats de production par le gouvernement Trudeau, qui en profite pour récompenser les amis du régime.


C’est une des principales conclusions de la Soirée du Bloc Québécois, qui s’est tenue le 31 janvier à Montréal, sous le thème « Le cannabis, une histoire de gros sous? », avec Philippe Hurteau de l’IRIS, André Mousseau, président des Producteurs en serre du Québec et Martine Ouellet, la chef du Bloc Québécois.



L’état du marché


Dans un premier temps, Philippe Hurteau de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a brossé un portrait du marché du cannabis. « Le cannabis n’est pas un nouveau produit. Le marché existe déjà, bien qu’il soit illégal », a-t-il rappelé en soulignant que près de la moitié de la population affirme avoir déjà pris au moins une fois du cannabis dans sa vie et qu’actuellement 15,2 % de la population québécoise en consomme au moins une fois par année.


L’IRIS évalue le potentiel du marché du cannabis récréatif au Québec à environ 1,3 milliard $, soit 170 tonnes vendues éventuellement par la SCQ aux consommateurs au prix de 8 $ le gramme. Le prix d’achat aux producteurs se situera entre 2 $ et 4 $ le gramme, alors que le coût de production est estimé entre 0,89$ et 1,25$ le gramme, ce qui laisse entrevoir des profits mirobolants.


Cette perspective explique la frénésie qui s’est emparée des investisseurs sur les marchés boursiers pour les producteurs de cannabis. Dernièrement, l’action de la multinationale Aurora Cannabis, une entreprise albertaine, qui possède une usine à Pointe-Claire, a doublé, de 24 à 47 dollars, avec son offre d’achat de CanniMed, dont l’action est passée de 15 à 37 $.


Ce marché potentiel échappe complètement aux producteurs privés du Québec. « Sur les 70 producteurs accrédités par le gouvernement fédéral, 43 sont en Ontario et 17 en Colombie-Britannique. Un seul est au Québec », constate Philippe.


Les plus gros producteurs de cannabis thérapeutique sont les premiers à vouloir profiter de la légalisation du cannabis. Au cours de la dernière année, la valeur de Aurora Cannabis – au premier rang mondial parmi les firmes dans le marché thérapeutique avec des filiales ou des prises de participation en Europe et en Australie – a été multipliée par six, à 6,4 milliards $, tandis que celles de CanniMed, Canopy Growth et Aphria étaient multipliés par quatre.



Un modèle québécois


Cela n’étonne pas André Mousseau, le président des Producteurs en serre du Québec. « Les producteurs de cannabis thérapeutique et les nouveaux joueurs sont avantagés parce que leur personnel est ‘‘clean’’, raconte-t-il. Si je voulais me lancer dans la production et qu’un de mes employés avait un dossier criminel, je devrais le licencier. Et je me retrouverais à avoir affaire à la Commission des normes du travail. »


Mais, au-delà, il y a, bien entendu, l’importance des capitaux en jeu. André Mousseau pense qu’il y aura surenchère au cours des premières années avant que le marché se stabilise. « Pour répondre aux besoins du Québec, 10 à 15 hectares suffiront. Le problème est que chaque nouvel acteur veut en produire sur 10 hectares », s’amuse-t-il à dire.


Le modèle préconisé par son association aurait été la micro-production avec une culture sur 10 000 pieds carrés confiée à une cinquantaine de producteurs sur l’ensemble du territoire québécois. « Je m’inspire du modèle des micro-brasseries. Il y a 600 variétés de cannabis. On aurait pu avoir une offre diversifiée. Peut-être qu’il sera toujours possible qu’on entre sur le marché dans quelques années, une fois passée la frénésie actuelle », espère-t-il, tout en étant conscient qu’avec un seul acheteur, la SCQ, « on risque de subir le même sort que les producteurs de cidre qui arrivent difficilement à placer leurs produits sur les tablettes de la SAQ. »



Les p’tits amis de Justin


Martine Ouellet n’arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement Couillard n’a pas exigé d’assumer la responsabilité de la production en vertu de la compétence constitutionnelle du Québec dans l’agriculture car, après tout, « la marijuana est une plante »!  Selon elle, cette « machine à profits » devrait être nationalisée maintenant. « Dans deux ou trois ans, il sera trop tard. Il faudra alors indemniser les producteurs », regrette-t-elle.


L’inaction du gouvernement Couillard s’explique aisément par sa servilité devant le fédéral et la position d’Ottawa par des retours d’ascenseurs aux amis du régime. « Aux conseils d’administration des producteurs de cannabis, on trouve les noms de Chuck Rifici, qui a été directeur financier du Parti libéral, de l’ancien ministre libéral Martin Cauchon et du chroniqueur Alain Dubuc de La Presse. Pas étonnant que les journaux n’évoquent jamais la production de cannabis sous contrôle public », précise la chef du Bloc.


Ajoutons que le Journal de Montréal a révélé que les producteurs de marijuana sont financés par des fonds obscurs provenant de paradis fiscaux. 35 entreprises auraient ainsi bénéficié d’investissements de 165 millions $. Par exemple, Aurora Cannabis aurait reçu 32,5 millions $ des Îles Caïman et un peu plus de 200 000 $ de la Barbade.


L’essentiel de ce financement provient des Îles Caïman, qui ont la réputation d’être un paradis fiscal où il y a peu de contrôle sur les activités des entreprises, la provenance de leurs fonds et l’identité de leurs propriétaires. La possibilité d’y faire des dépôts en argent comptant en fait  le lieu idéal pour le blanchiment international de l’argent.



La privatisation de la distribution, pas écartée


Tout en se réjouissant que la mobilisation populaire ait obligé le gouvernement Couillard à confier la distribution du cannabis à une société d’État, Philippe Hurteau et Martine Ouellet ont attiré l’attention sur une disposition du projet de loi 157, présentement à l’étude à Québec, qui prévoit la possibilité de la mise sur pied de projets pilotes de distribution par le secteur privé.


Le dossier du cannabis est présentement piloté par la ministre déléguée à la Santé Lucie Charlebois, mais le projet de loi 157 prévoit que la société d’État passera sous la responsabilité du ministre des Finances. Et le ministre Carlos Leitao était pour confier la distribution au privé!, de rappeler Philippe et Martine.