La formule adoptée pour les débats des chefs de cette semaine nous a donné des échanges aussi animés que civilisés. S'ils n'ont pas bouleversé le cours des choses, ils auront néanmoins fait ressortir que le principal enjeu de ces élections est l'économie où, paradoxalement, aucun parti ne sait trop comment affronter les difficultés économiques aujourd'hui appréhendées.
Le premier ministre Stephen Harper avait l'intuition, en demandant la dissolution du Parlement, que le Canada pourrait devoir faire face ces prochains mois à une situation économique difficile, voire à une récession. Il voulait déclancher des élections pendant que la mer était encore relativement calme. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est l'éclatement de la bulle immobilière américaine, dont on sait que les conséquences ne manqueront pas de se répercuter au nord tôt ou tard.
La volonté unanime des partis à vouloir consacrer une large portion du débat des chefs à la situation économique illustre bien que cette crise financière s'est imposée comme un acteur majeur de la présente campagne électorale. L'appréhension de turbulences économiques au Canada -- car pour l'instant, il s'agit davantage d'appréhensions que de réelles turbulences, sauf sur le marché boursier -- force les partis à donner l'impression qu'ils sont en mesure de répondre aux craintes des électeurs.
Il ressort toutefois du discours des cinq chefs, notamment lors du débat en français de mercredi soir, que ce qu'ils ont à offrir est avant toute chose cela, un discours. Le premier ministre Stephen Harper cherchait à calmer les inquiets en insistant sur la solidité des bases économiques canadiennes et la spécificité de notre système bancaire, très différent de celui des États-Unis. Il a rappelé toutes les bonnes choses que son gouvernement a faites, ce à quoi ses quatre opposants ont rétorqué que le passé ne constitue pas un programme pour l'avenir, d'autant plus que ceux et celles qui ont profité de ces bonnes choses sont avant tout les riches pétrolières. Chacun avait sa vision, qui se résume en deux mots. Pour les Dion, Duceppe, Layton et May: intervention de l'État. Pour Stephen Harper: non-intervention.
Rien de concret n'est ressorti de ce débat. Bien sûr, le chef du Parti libéral a retenu l'attention avec un plan en quatre points à mettre en oeuvre dans les 30 jours suivant sa victoire. L'idée était d'imposer la perception que voilà en Stéphane Dion un chef qui veut agir. Une volonté qui se voulait contrastante avec celle du premier ministre qui, lui, cherche à rassurer, comme il se doit. Mais dans les faits, le plan Dion en est un de consultation d'experts qui lui diraient quoi faire. Pour le moment, il n'a pas idée des gestes qu'il lui faudrait poser en situation de graves turbulences économiques.
Cette crise financière américaine a déplacé l'ordre des grands enjeux politiques. Ce n'est pas sans raison que dans le débat en français, Stéphane Dion a laissé au second plan son «Tournant vert», que Gilles Duceppe a à peine prononcé les mots «pays» et «souveraineté» et que l'échange sur la nation a vite bifurqué vers la culture, ramenée à la toute fin à un enjeu économique de quelque 341 000 emplois pour le Québec. D'ici la fin de la campagne, les sujets qui ne sont pas économiques ou ne sont pas liés à l'économie risquent de tomber à plat.
L'ombre de la crise financière américaine continuera de planer sur les politiciens canadiens, qu'ils le veuillent ou non, jusqu'au
14 octobre et bien au-delà. Sans prévenir, un nouveau paradigme s'est imposé qui modifie l'ordre des priorités des électeurs et les réponses que les politiciens doivent apporter.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé