La candidature de Jean-Guy Desjardins à la présidence de la Caisse de dépôt et placement du Québec a reçu un accueil glacial du côté de Québec. Photo: La Presse
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Denis Lessard - (Québec) Le choix de Richard Guay comme président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a été arrêté après de longues négociations entre ses dirigeants et le gouvernement Charest. Le comité mandaté pour trouver le successeur d'Henri-Paul Rousseau aurait préféré que Jean-Guy Desjardins, un financier en vue de Montréal, prenne les commandes.
Au cours des derniers jours, plusieurs sources ont indiqué à La Presse que les responsables de la nomination penchaient pour M. Desjardins. Mais cette préférence avait reçu un accueil glacial du côté de Québec. «Son nom a été longtemps évoqué, jusqu'à la fin. Puis, tout à coup, on n'en a plus entendu parler», résume-t-on.
Relancé à ce sujet, un stratège libéral a même laissé échapper : «Desjardins... c'est l'adéquiste?»
Sans faire de politique, M. Desjardins est l'un des représentants du monde des affaires qui ont appuyé financièrement l'ADQ. Il a donné 3000 $, le maximum admissible, au coffre de guerre de Mario Dumont, dans les années électorales 2003 et 2007.
Sa sympathie pour l'ADQ était connue de certains membres du conseil d'administration de la Caisse, a confirmé une source hier.
Interrogé hier, Jean Charest a soutenu que, selon l'information dont il dispose, Richard Guay doit revenir le 10 décembre prochain. «Il fait partie d'une équipe de 800 employés; la Caisse est une institution très forte qui n'a jamais été l'affaire d'une seule personne.» Il jouit toujours de la confiance du gouvernement.
Quand on lui souligne que M. Guay n'était pas le premier choix du comité, M. Charest contourne la question : «C'est normal qu'il y ait plusieurs candidats dans un processus, qu'il y ait des discussions, des évaluations. Il y a des noms qui ont circulé... La recommandation de M. Guay est la recommandation finale, que j'ai acceptée. Le processus a été assez rigoureux, ce n'est pas une affaire décidée de manière arbitraire.»
Chez les personnes informées de la partie de bras de fer entre le comité de Pierre Brunet, le président du Conseil, et le gouvernement Charest, on reconnaît que la candidature de M. Desjardins était parvenue en fin du processus et que, tout à coup, «personne n'a plus mentionné son nom». M. Desjardins était tellement intéressé à la fonction qu'il avait offert de placer toutes ses valeurs dans une fiducie sans droit de regard. Il est membre du conseil d'administration de la Banque du Canada et a même présidé le comité sélect qui a veillé au choix du dernier gouverneur, Mark Carney, nommé l'an dernier.
M. Desjardins, fondateur de Fiera Capital, un success story du monde financier au Québec, est depuis longtemps indépendant de fortune. Il siège à de nombreux conseils d'administration. Son arrivée aux commandes de la CDPQ laissait entrevoir une gouvernance très indépendante des visées gouvernementales, ce qui n'était pas du goût de Québec. Au gouvernement, on avait plutôt poussé le nom de Jean Houde, le sous-ministre des Finances, mais cela n'a pas tenu longtemps la route au comité de la CDPQ - M. Houde, issu du monde bancaire, est spécialiste des ressources humaines plus que financier.
Guay, l'homme de Rousseau
Après cette partie de souque à la corde, le comité de la Caisse et le gouvernement se sont entendus sur un candidat interne, Richard Guay, qui a joué un rôle important dans la décision de l'administration Rousseau d'entrer sur le terrain miné des papiers commerciaux. M. Guay était clairement le candidat appuyé par M. Rousseau - le jeune gestionnaire de fonds était l'un des rares candidats à ne pouvoir critiquer ouvertement l'administration de son prédécesseur. Une autre candidature, celle de Christiane Bergevin, membre du conseil d'administration, était associée à la Caisse.
Selon une source des milieux financiers, M. Desjardins avait prévenu d'emblée qu'il était d'avis que la Caisse avait été bien trop optimiste en ne radiant que 15% de la valeur de ses 13 milliards de dollars en papiers commerciaux adossés à des actifs.
Par l'entremise du porte-parole de la Caisse, hier, le président du conseil, Pierre Brunet, a tenu à «affirmer formellement que les vues d'un candidat ou d'un autre sur le dossier des PCAA ne sont en aucun temps intervenues dans le processus de sélection».
Dans les milieux financiers, on juge sans ménagement la décision de l'administration Rousseau d'acheter des papiers commerciaux. La Caisse détient 13 milliards de ces mauvaises créances qu'elle a dévaluées déjà de 15%, alors que Desjardins et la Banque Nationale conviennent maintenant d'une dépréciation de 30%. Ces produits financiers ont été achetés à partir d'emprunts, et étaient destinés à permettre aux gestionnaires de portefeuilles de présenter des résultats meilleurs que ceux des concurrents, la clé pour de généreux bonus en fin d'année.
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