Cacophonie

Par sa propre faute, George Bush est responsable de la paralysie actuelle de la diplomatie américaine.

17. Actualité archives 2007

Le président George Bush a perdu le contrôle de la politique étrangère américaine. Les éléments les plus durs de son équipe quittent le navire en tirant sur lui alors que les démocrates ont entrepris de prendre en charge la gestion de la guerre en Irak et de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Dans un cas comme dans l'autre, ces événements sont le résultat de l'échec de cette politique et de la réaction d'une partie de la classe politique américaine à l'incroyable isolement de leur pays sur la scène internationale.
Le deuxième mandat d'un président américain a quelque chose de paradoxal. Le seul fait d'être réélu est une victoire et devrait permettre au président de poursuivre paisiblement son action à la tête du pays. En même temps, c'est aussi le début de la fin car, dès lors, la prochaine présidentielle se prépare, et il devient plus difficile au locataire de la Maison-Blanche de gouverner. À mesure que le temps passe, l'influence du président décline. Ses initiatives de politique interne ou externe sont souvent bloquées, sinon remises en cause par les futurs présidentiables qui promettent autre chose s'ils parviennent au pouvoir. Bill Clinton est un des rares qui a su conserver la confiance du peuple et a pu gouverner jusqu'à la fin, même si quelques-unes de ses grandes initiatives, comme la relance du processus de paix israélo-palestinien, ont échoué.
Quant à George Bush, il est, depuis sa réélection il y a deux ans, confronté à un double défi en matière de politique étrangère: il a perdu la confiance de l'immense majorité des Américains, et une grande partie de la classe politique - du côté démocrate comme chez de nombreux républicains - a tout simplement décidé de l'ignorer et de jouer sa propre partition. Face au monde, les Américains réclament une autre politique. Cette volonté de rupture avec les orientations rigides et militaires de l'administration actuelle est parfaitement illustrée dans les résultats d'un sondage publié hier par la prestigieuse revue Foreign Affairs.
Citoyens inquiets
D'après cette étude réalisée il y a quelques semaines, les citoyens américains sont inquiets de la façon dont les États-Unis sont perçus à l'étranger et n'ont plus confiance dans la diplomatie de leur pays. En effet, 68% des personnes interrogées estiment que les États-Unis ont une image négative dans le monde; 84% s'inquiètent de la tournure que prennent les affaires internationales des États-Unis, et pour 82% d'entre eux, le monde est plus dangereux aujourd'hui pour les États-Unis et ses citoyens. Pire encore, 70% des sondés demandent un retrait d'Irak dans les douze prochains mois. Selon le rédacteur en chef de la revue, Gideon Rose, "on voit clairement que l'opinion est prête à limiter sérieusement la marge de manoeuvre du pays en matière de politique étrangère parce qu'elle n'a plus confiance en son gouvernement". Et cette opinion a raison. Comment, en effet, accorder sa confiance à une administration qui a érigé en système de gouvernement le mensonge, la torture, la mise sous écoute des citoyens et les stratégies de déstabilisation et de destruction de pays entiers?
Pourtant, si le triomphe des démocrates aux élections législatives de novembre dernier est le résultat d'une bonne lecture de l'état d'esprit de la population américaine, il n'est pas certain qu'ils réussissent à imposer leurs choix de politique étrangère. Ils restent divisés sur les options à suivre, particulièrement en ce qui concerne l'Irak. À la Chambre des représentants et au Sénat, ils ont obtenu de justesse un accord sur le retrait des troupes d'ici septembre 2008. Le président est en mesure de bloquer cette décision grâce à son droit de veto, veto que les démocrates ne pourront renverser, ne disposant pas des deux tiers des voix pour le faire. La crise irakienne va donc se poursuivre et sera, comme le président l'espère, léguée à son successeur.
Proche-Orient
Sur la question du processus de paix au Proche-Orient, les démocrates sont en terrain plus sûr. La visite en Syrie de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, le démontre. Non seulement a-t-elle l'appui des démocrates, mais de nombreux républicains soutiennent son initiative. En Israël, la présidente du pays, Dalia Itzek, membre de la coalition du premier ministre Olmert, lui a souhaité bon succès. Le dialogue avec la Syrie était une des recommandations de la commission Baker-Hamilton afin de trouver des solutions à la crise irakienne et, plus généralement, au blocage du processus de paix israélo-palestinien. Cette recommandation a été rejetée par l'administration Bush, dont la position est de refuser tout dialogue avec "les fauteurs de troubles" et les "terroristes", ce qui s'applique, par exemple, au Hamas palestinien. Or cette position est absurde, rappelait récemment Zbigniew Brzezinski dans les colonnes du journal Le Monde. "Il y a [aux États-Unis] une prise de conscience croissante qu'une politique d'ostracisme à l'égard du Hamas et de punition collective de l'ensemble des Palestiniens est contre-productive", disait-il.
Le président Bush a dénoncé les différentes initiatives démocrates comme autant de messages contradictoires lancés au monde et "à nos ennemis". Il n'a pas tort. La cacophonie qui règne à Washington paralyse la diplomatie américaine. Mais à qui la faute, sinon au président lui-même, entièrement responsable du naufrage de sa politique?
Jocelyn Coulon

L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l'Université de Montréal.


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