Ça passe ou ça casse dans le 450

Québec 2007 - Sondages



Au début de la campagne, Mario Dumont se disait tous les jours : pourvu que ça dure. Rendu aux dernières heures de cette course folle, il doit se dire : il est temps que ça finisse.
Notre dernier grand sondage de la campagne ne vous dira pas ce que tout le monde veut savoir, c'est-à-dire quel parti formera le gouvernement lundi soir (cette chronique non plus, d'ailleurs, désolé).
Tout au plus, en tournant les chiffres dans tous les sens, vous conclurez, comme tout le monde sauf quelques libéraux jovialistes, que ce gouvernement sera minoritaire, soit libéral, soit péquiste; tout dépendra du score de l'ADQ dans une quarantaine de circonscriptions chaudes, situées pour la plupart dans le 450.
Les chiffres globaux disent libéral minoritaire. Mais quand on y regarde de plus près, en considérant l'avance du Parti québécois dans l'électorat francophone, cela donne plutôt péquiste minoritaire.
Ça ne vous aide pas? Désolé, mais même en torturant les chiffres, il est impossible de prévoir l'issue de tant de luttes à trois. Des luttes, faut-il le rappeler, auxquelles nous ne sommes pas habitués au Québec. Or, des luttes à trois, il y en aura dans une trentaine de circonscriptions. Des " comtés-baromètres " comme Saint-Jean ou Chambly, mais aussi d'autres points chauds dans les Basses-Laurentides, en Mauricie ou sur la Rive-Sud.
Une chose ressort toutefois clairement de notre dernière grande enquête : il est temps que la campagne prenne fin pour Mario Dumont, dont le parti montre quelques signes d'essoufflement.
Le signe le plus spectaculaire est sans contredit la baisse de sept points de Mario Dumont à la question «quel chef est le plus apte à gouverner le Québec ?». Le chef de l'ADQ passe, en effet, de 29 % à 22 %. Clairement, Mario Dumont a atteint son sommet tout de suite après le débat, qu'il a gagné, selon les répondants de notre sondage. Mais l'effet n'a pas duré.
Idem pour les intentions de vote, même si la baisse est moins marquée. On voit que l'ADQ n'a pas gagné de terrain; au contraire, elle amorce même un léger repli. Ce n'est pas un hasard si Mario Dumont a admis jeudi que son parti gagnerait au moins 15 sièges. L'idée est de diminuer les attentes, de dire aux Québécois «n'ayez pas peur de voter ADQ, nous ne prendrons pas le pouvoir, mais nous pouvons avoir la balance du pouvoir dans un gouvernement minoritaire».
Il semble bien que, après un départ canon, la proximité de l'urne joue contre l'ADQ, rattrapée par ses faiblesses les plus évidentes : son équipe inexpérimentée et les trous dans son programme. La couche de vernis était bien mince. En grattant un peu, on est vite tombé sur le bois.
Cela dit, à 25 % (28 % chez les francophones), l'ADQ pourrait cueillir une vingtaine de sièges, peut-être plus.
Et les libéraux? Le sondage envoie des signaux contradictoires. Par exemple, les Québécois veulent changer de gouvernement, mais ils disent du même souffle que Jean Charest est le plus apte à gouverner (33 % contre 22 % pour chacun de ses deux adversaires) et ils pensent toujours que le prochain gouvernement sera libéral (à 58 %, en baisse toutefois de 11 % par rapport au dernier sondage).
Ce qui fait très mal aux libéraux, c'est qu'ils ne recueillent que 26 % des intentions de vote chez les francophones, contre 32 % pour le PQ. Logiquement, cela devrait donner un gouvernement péquiste minoritaire. Mais, curieusement, l'impression la plus largement répandue est que Jean Charest réussira à sauver les meubles avec un gouvernement minoritaire.
Qu'est-ce qui peut encore jouer pour Jean Charest? D'abord, la «prime à l'urne», qui reste le meilleur espoir des libéraux. La prime à l'urne, selon l'expression de Robert Bourassa, c'est le phénomène qui explique que le vote libéral est souvent sous-évalué dans les sondages (une prime de 5 % environ, selon la théorie de Robert Bourassa).
Il y a aussi la prime au gouvernement en fin de premier mandat. Les Québécois ont toujours réélu leur gouvernement pour un deuxième mandat au cours des 40 dernières années. Devant l'incertitude angoissante du résultat, certains électeurs qui avaient flirté avec l'ADQ décideront peut-être de revenir au bercail libéral.
D'où l'appel de Jean Charest, hier : «En votant libéral, vous ne vous trompez pas.» Le chef libéral en a rajouté en affirmant que l'ADQ est l'antichambre de la souveraineté, une déclaration qui trahit l'inquiétude des libéraux.
Autre facteur favorable aux libéraux : une base électorale forte et inébranlable qui leur assure, quoi qu'il advienne, entre 25 et 30 circonscriptions (sur 125, c'est tout de même près de 25 %). L'ADQ n'a évidemment pas encore de base, et l'érosion constante du vote péquiste au cours de la dernière décennie laisse moins d'une dizaine de forteresses au parti souverainiste.
Ce qui pourrait aussi avantager les libéraux dans un scrutin qui promet d'être serré, c'est la «machine à faire sortir le vote», une machine qui fait depuis toujours la fierté des libéraux. Si les électeurs péquistes montrent des signes de lassitude depuis quelques années, les adéquistes, eux, semblent très motivés. Il y a une bonne dose de protestation dans le vote adéquiste, et les gens qui protestent ne se font généralement pas prier pour aller voter.
Historiquement, plus le taux de participation est élevé, plus le Parti québécois monte, mais ce modèle ne tient plus dans les luttes à trois.
Juste pour référence : le Parti québécois a obtenu 33 % du vote en 2003 et a fait élire 45 députés. Les libéraux, eux, ont reçu 46 % des voix et fait élire 76 députés. L'ADQ, avec seulement 18 % des votes, avait terminé avec quatre députés.
Selon notre sondage, les libéraux sont aujourd'hui à 12 points de leur score d'il y a quatre ans. Les péquistes sont à cinq points, et l'ADQ est en hausse de sept.
Tout ça pour dire que la seule conclusion possible, c'est que le prochain gouvernement sera minoritaire.
Pour joindre notre chroniqueur :vincent.marissal@lapresse.ca


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